Six épisodes d’une trentaine de minutes au maximum, une seule saison : Directrice ressemble davantage à un long-métrage un peu long saucissonné qu’à une série. Malgré cette durée assez courte, Amanda Peet et Annie Julia Wyman ne manquent pas d’ambition, avec l’histoire d’une femme qui devient directrice d’une chaire universitaire dans une université américaine fictive qui n’est plus que l’ombre d’elle-même et une impressionnante variété de sujets à traiter. De l’adoption difficile à la vie amoureuse du personnage principal, du suprémacisme blanc aux polémiques un peu vite montées en épingle, du machisme ambiant à l’intégrité professionnelle… Directrice est poussée par une ambition folle et la série portée par Netflix n’a malheureusement pas le temps de tout traiter. Portée malgré tout par une Sandra Oh en grande forme, elle mérite amplement le détour.
Ji-Yoon Kim est nommée à la tête du département de littérature anglaise de l’université de Pembroke et c’est non seulement la première femme à occuper ce poste, c’est aussi la première personne de couleur. Dans cette institution ancienne où les boiseries dominent, on est resté en grande partie entre hommes blancs et les professeurs semblent tout droit sortis d’une maison de retraite. Cela fait tellement de décennies qu’ils enseignent, qu’ils ont complètement oublié qu’ils le font pour un public. Dépassés par leur époque, ils donnent des cours dans des amphis vides et professeure Kim a la périlleuse mission de redonner au département de littérature un sens. Elle a un plan pour cela, qui passe notamment par la titularisation d’une jeune collègue noire qui est, contrairement aux titularisés dans les années 1980, populaire et appréciée. Mais comme elle le découvre vite, elle a beau avoir été élue par ses pairs à sa place, elle n’a aucun pouvoir et doit uniquement suivre les directives du doyen de l’université qui préfère embaucher un acteur pour faire plaisir à sa femme, plutôt que de donner une chance à une professeure jeune et enthousiaste. Directrice est éminemment politique et la série de Netflix ne s’en cache pas : dès le départ, la place des femmes et des personnes de couleur est posée comme un problème dans un milieu trop uniforme depuis des décennies. On leur fait une petite place, mais plus pour le symbole et la politique que pour leur offrir l’égalité attendue. Tout déraille réellement quand un professeur fait un salut nazi pour illustrer son cours, une blague malvenue qui est filmée par un étudiant et qui est rapidement diffusée, devenant un problème incontrôlable. Ce professeur trouve ridicule qu’on le compare à un nazi et il juge qu’il n’a pas à s’excuser, envenimant la situation. Face à la levée de boucliers, l’administration prend peur et veut le virer pour faute professionnelle et Ji-Yoon Kim se retrouve entre les deux, alors qu’elle n’est pas loin de tomber amoureuse de ce professeur. Voilà qui serait bien suffisant pour remplir une saison deux fois plus longue, mais Amanda Peet et Annie Julia Wyman ne se contentent pas de cette base. Les créatrices ajoutent aussi la difficile adoption de Ju-Ju, la fille de leur héroïne qui vient du Mexique et qui a du mal à être acceptée par la communauté coréenne, notamment le père de Ji-Youn qui aurait préféré que sa fille épouse un Coréen au lieu de vivre seule. Directrice brasse ainsi bien des sujets et manque de temps pour les traiter tous bien, mais cela ne veut pas dire que la série est ratée pour autant, bien au contraire.
Porté par Sandra Oh, absolument impeccable dans le rôle principal, le casting est parfait, avec quelques seconds rôles délicieux. Mention spéciale pour Holland Taylor, délicieuse en professeure qui aurait dû être à la retraite depuis bien longtemps et qui se bat surtout pour obtenir un meilleur bureau. La toute jeune Everly Carganilla est aussi une perle dans le rôle de Ju-Ju, la fille de Ji-Youn qui est aussi peste qu’adorable. Grâce à toutes ces actrices, Directrice parvient à séduire, mais on aurait malgré tout aimé une version plus longue et plus généreuse…