Dirk Gently, détective holistique, Max Landis (BBC America)

Adapter l’œuvre de Douglas Adams ressemble un petit peu à une tâche impossible, pour ne pas dire à un bizutage pour scénariste. Son travail est culte, surtout Le guide du voyageur galactique qui est omniprésent dans la culture geek, mais le transposer à l’écran tient plus du défi sur lequel se casser les dents plutôt que de la bonne idée. Garth Jennings s’y était risqué en 2005 avec un résultat mitigé. Cette fois, c’est le petit écran qui s’y met, avec une série portée par BBC America1. Dirk Gently, détective holistique ne s’inspire pas de H2G2, mais d’une autre série de romans rédigée par Douglas Adams à la fin de sa vie. L’absurde est toujours bien présent et plus encore peut-être que dans son œuvre la plus connue. En jouant cette carte au maximum, Max Landis s’en tire finalement plutôt bien. La première saison part constamment dans tous les sens, on s’y perd un petit peu, mais on s’amuse bien. Et on en redemande : vivement la saison deux !

Dirk Gently, détective holistique commence normalement, ou presque. Le premier épisode commence en suivant Todd, un trentenaire un peu paumé qui travaille comme valet dans un hôtel. Ce jour-là, rien ne se passe comme prévu : son propriétaire explose sa voiture parce qu’il est en retard pour payer son loyer, son patron refuse de lui donner une avance et il doit commencer sa journée avec la grande chambre du dernier étage qui ne répond plus. Il arrive en fait sans le savoir sur la scène d’un crime odieux : du sang partout, d’étranges morsures au plafond, des corps déchiquetés. Mais que s’est-il passé ici ? Sans le vouloir, notre pauvre héros a mis le doigt dans une enquête totalement folle et devient surtout l’assistant involontaire de Dirk Gently, un détective privé qui entre par la fenêtre de son appartement ce soir-là. On le voit bien, le scénario ne perd pas trop de temps avec la normalité et introduit très rapidement la bizarrerie qui sera vite la norme dans la série. Max Landis apprécie manifestement le travail de Douglas Adams et cela se voit : loin de prendre peur face au torrent d’absurde déployé dans les romans originaux, il l’accepte et le porte à l’écran. Dirk Gently, détective holistique est une série très bizarre, où il faut accepter de se laisser porter et de ne pas tout comprendre. Voyage dans le temps, chatons tueurs, fillette transformée en chien, un Corgi ou encore tueuse en série implacable… il y a de tout et de rien dans les huit premiers épisodes. Disons-le, tout n’est pas vraiment logique et il y a quelques incohérences qui ne sont jamais résolues. Qu’importe toutefois, l’objectif n’est clairement pas de proposer une histoire qui tient totalement debout et il faut se laisser porter. Si vous y parvenez et si vous êtes sensible à l’absurde britannique, vous vous régalerez devant la nouvelle série de BBC America. Elle est très drôle et bien rythmée et si l’on devait trouver un défaut, c’est qu’elle se termine bien trop vite.

Elijah Wood dans le rôle de l’assistant malgré lui tout comme Samuel Bernett dans celui du détective holistique sont parfaitement à l’aise dans leur rôle, tout comme Dirk Gently, détective holistique embrasse avec bonheur l’absurdité absolue du roman original. Le résultat est incontestablement étrange et vous trouverez peut-être que c’est trop étrange. C’est vrai qu’il faut accepter un certain degré de n’importe quoi pour apprécier la série créée par Max Landis, mais si vous y parvenez, c’est une excellente première saison.


Dirk Gently, détective holistique, saison 2

(26 janvier 2018)

Adapter les histoires totalement dingues sorties de l’imagination fertile de Douglas Adams relevait sans doute de l’inconscience, mais force est de constater que Max Landis a frappé fort avec la première saison de Dirk Gently, détective holistique. Ces huit épisodes souffraient de quelques défauts, mais ils étaient totalement barrés et à condition d’accepter de se laisser porter, c’était une expérience extrêmement fun à suivre. Pour la suite, le créateur de la série portée par BBC America s’en donne à cœur joie et il en fait encore plus. Vous trouviez la série barrée ? Vous n’aviez pourtant encore rien vu ! Déployant un univers parallèle au kitsch assumé, ces dix nouveaux épisodes partent encore plus dans tous les sens, preuve que c’était possible. Même si l’avenir de la série est incertain, ces deux saisons méritent amplement le détour à condition d’aimer l’absurde porté au paroxysme.

La première saison se terminait sur une note amère. L’enquête menée par Dirk Gently, Todd et Farah avait porté ses fruits, mais Dirk est arrêté par le gouvernement et les deux autres doivent fuir. Dirk Gently, détective holistique embraye sur cette situation difficile et ne perd, à nouveau, pas de temps pour introduire une bonne dose de bizarre, cette fois dans une petite ville perdue au fin fond des États-Unis. C’est d’abord un bateau au milieu d’un champ, puis une voiture qui tombe d’un arbre et bientôt, c’est tout et n’importe quoi qui détruit la normalité. Résumer la deuxième saison serait injuste, on oublierait la moitié des évènements, on ruinerait l’effet de surprise et le plaisir de la série n’a jamais été dans les récits eux-mêmes. Disons simplement que Max Landis n’a pas peur de tomber dans le ridicule en imaginant un monde parallèle qui incarne une sorte de conte enfantin qui aurait mal tourné. Ici, la magie se fait avec des baguettes en plastique ostensiblement cheap et les habitants ont des cheveux roses, tandis qu’un train tourne sans fin dans le ciel. Tout cela ne vous a pas fait fuir ? Tant mieux, vous devriez pouvoir apprécier ces épisodes frappés, où se multiplient les séquences toujours plus folles, avec un seul mot d’ordre manifestement : s’enfoncer toujours davantage dans la folie de Douglas Adams. C’est particulier, indéniablement, et peut-être que la série aurait mieux fait de rester sur un rythme de huit épisodes pour éviter un ou deux coups de mou. Mais c’est aussi follement et joyeusement bordélique et les amateurs d’absurde apprécieront d’en trouver de manière aussi brute dans une œuvre de fiction.

Hélas, ce genre ne peut pas plaire à tout le monde et la série a divisé son public. À tel point que, mécontente des résultats de la deuxième saison, la chaîne BBC America a décidé d’annuler la série de Max Landis et de ne pas lui offrir de saison supplémentaire, alors même que le dernier épisode est largement ouvert pour une suite. Peut-être que Netflix reprendra le flambeau ou que la version américaine de la BBC se ravisera, mais quoi qu’il en soit, Dirk Gently, détective holistique reste une très bonne série. Elle reste très éloignée de la majorité des séries et cela fait plaisir de voir quelque chose de différent. Sans compter que les aventures ahurissantes de Dirk Gently et compagnie sont très plaisantes à suivre, ce qui ne gâche rien : à essayer, si vous n’avez pas peur !


  1. Netflix se charge de la diffusion internationale, mais seulement cela.