Doctor Strange, Scott Derrickson

Quatorzième volet dans la grande saga des Avengers qui rassemble au cinéma tous les superhéros Marvel, Doctor Strange introduit un nouveau personnage, un de plus qui vient s’ajouter à tous ceux que l’on connaissait déjà. Ce long-métrage est aussi le deuxième dans la troisième phase de la saga… mais disons-le, tout cela n’a pas vraiment d’importance. Scott Derrickson évoque à un moment donné les autres superhéros et Thor a droit à un petit caméo dans l’une des scènes post-générique, mais dans l’ensemble, ce Doctor Strange reste largement indépendant. Comme toujours, cette introduction est l’occasion de découvrir la naissance du superhéros et le film suit mécaniquement un schéma déjà vu et revu. C’est l’un de ses défauts, cette énorme production hollywoodienne est très prévisible, avec sa dose de scènes d’action spectaculaires et la petite touche d’humour qui fait la particularité de Marvel. La réalisation de Scott Derrickson ne restera pas dans les annales, mais le divertissement est bien au rendez-vous et il faut saluer une inventivité visuelle assez folle et bienvenue. Reste que la formule commence à s’user et la magie déployée pendant près de deux heures frôle souvent le ridicule…

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Dans la grande galerie des personnages imaginés par les scénaristes de Marvel, Doctor Strange est un petit peu à part. Son pouvoir ne vient pas d’une autre planète, comme pour Thor, ni de sa fortune comme pour Iron Man, ni d’une expérience scientifique qui a mal tourné, comme Captain America, mais… de la magie. Ce superhéros obtient ses pouvoirs quand, après un terrible accident de voiture qui met un terme à sa carrière de chirurgien, il déambule au Népal et tombe sur une sorte de secte qui maîtrise des pouvoirs incroyables. Scott Derrickson ne prend jamais totalement la peine d’expliquer pour quoi, mais l’Ancien et des adeptes peuvent passer d’une dimension à l’autre parmi toutes celles qui composent l’univers, ce qui leur donne des pouvoirs supplémentaires. Ils peuvent créer des armes et bouclier, ils peuvent se téléreporter et leur mission est de protéger la Terre contre une force malveillante qui veut avaler notre planète par plaisir. Il faut bien le dire, Doctor Strange est un petit peu confus, la faute à un scénario bien discret. Le long-métrage commence par poser le personnage du docteur Strange, un neurochirurgien aussi brillant que désagréable. Cette partie est assez convaincante, essentiellement parce que Benedict Cumberbatch est excellent dans ce rôle qui lui convient comme un gant, même si l’acteur reste clairement dans sa zone de confort. Malheureusement, les choses se gâtent quand on part au Népal et que l’on découvre la magie. Le cinéaste n’hésite pas à en mettre plein la vue avec des effets souvent spectaculaires, mais il n’explique pas grand-chose et on finit par s’en désintéresser largement. C’est dommage, car cette magie tranche avec le pseudo-réalisme ambiant des autres Avengers et l’univers créé pour le cinéma par Scott Derrickson aurait mérité d’être mieux creusé.

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À défaut, Doctor Strange suit un schéma que l’on a déjà vu et revu et qui commence à trahir quelques signes de faiblesse. L’accident terrible du personnage principal qui le conduit ensuite à un parcours initiatique, la menace du grand méchant présentée dès le départ et qui se termine en affrontement avec le héros. Cela vous dit quelque chose ? Normal, c’est à peu près le récit initiatique de tous les superhéros et même si ce n’est pas la faute à ce héros d’arriver après les autres, il n’en reste pas moins qu’on se lasse un petit peu. Sans compter que Scott Derrickson n’évite pas un traitement qui frise souvent avec le kitsch, avec une magie de pacotille qui ne convient pas vraiment à l’ambiance plutôt sérieuse qui prédomine. Fort heureusement, la marque de fabrique de Marvel, à savoir un humour diffus, est bien au rendez-vous et il fonctionne assez bien, même s’il n’est pas non plus très original. Il est même salutaire quand on découvre le grand méchant qui veut bouffer la Terre : mais quelle idée vraiment ! C’est dommage de gâcher ce premier film avec un nouveau personnage en introduisant une menace si grandiloquente qu’elle tombe dans le ridicule. Doctor Strange pèche aussi par ses personnages parfois un petit peu grossiers : le héros accepte beaucoup trop facilement la magie et devient un expert dans le domaine en un clin d’œil. Tilda Swinton est assez moyenne dans le rôle de l’Ancien et que dire de Chiwetel Ejiofor, très transparent jusqu’au moment où il prend une importance considérable assez gratuitement. Mieux vaut ne rien dire sur le pauvre Mads Mikkelsen, qui aurait mieux fait de s’abstenir dans le rôle du dissident passé du côté obscur. Oui, car il y a bien une magie bonne et une magie mauvaise, noire comme il se doit : quelle déception de rester à un niveau de lecture aussi simpliste, bien éloigné des visions plus nuancées et plus intéressantes des autres films dans la saga.

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Dans une certaine mesure, Doctor Strange est sauvé par son inventivité un petit peu folle en matière d’effets spéciaux, avec cette idée excellente des miroirs qui permettent des effets visuels renversants. C’est parfois très impressionnant, même si Scott Derrickson n’est pas très doué pour garder une bonne visibilité et on s’y perd trop souvent. On est loin de la clarté rigoureuse d’un Christopher Nolan — comment ne pas penser à Inception dans ces séquences où la ville se tord dans tous les sens ? —, mais ce grain de folie est bienvenu dans une saga souvent trop formatée. Est-ce vraiment suffisant pour sauver le film ? Entre ses personnages caricaturaux et sa magie kitsch, ce n’est pas sûr : Doctor Strange ajoute un personnage à la grande famille des Vengeurs, mais ses premiers pas ne sont pas vraiment une réussite. Espérons que la suite redressera le niveau, mais cette introduction n’est pas très engageante.