Don’t Look Up : Déni cosmique, Adam McKay

Pour son dernier film, Adam McKay semble proposer un remake d’Armageddon, avec une histoire de comète qui risque de heurter la Terre et de détruire toute vie sur la planète. Pourtant, le réalisateur continue bel et bien de dénoncer les travers de la société américaine en particulier et de notre société occidentale de manière plus générale. Après la crise des subprimes dans The Big Short : Le Casse du siècle, après la guerre en Irak et son principal instigateur dans Vice, place à l’ère de la désinformation et du désintérêt général face à la menace écologique qui plane. Don’t Look Up : Déni cosmique utilise une météorite qui doit heurter la Terre six mois après sa découverte pour dénoncer le cynisme et la bêtise des médias et de nos dirigeants, mais aussi l’indifférence générale. La subtilité n’a jamais été le fort d’Adam McKay et cette nouvelle réalisation ne fait pas exception, mais il frappe là où cela fait mal avec une efficacité assez redoutable.

Tout commence quand Kate Dibiasky, doctorante en astrophysique, découvre une comète jusque-là inconnue. Le docteur Mindy, son tuteur, calcule sa trajectoire et découvre qu’elle file tout droit vers la Terre et l’atteindra dans six mois et 14 jours. Cet objet stellaire de la taille de l’Everest est bien plus imposant que celui qui a conduit à la disparition des dinosaures et s’il devait toucher la planète, ce serait également la fin de la vie telle qu’on la connaît. Un événement aussi catastrophique devrait être pris au sérieux et tout commence bien : les deux scientifiques sont conviés d’urgence à Washington où la présidente des États-Unis doit les recevoir au plus… et ils attendent sept heures dans le hall sans jamais entrer dans le Bureau ovale. Dans Don’t Look Up : Déni cosmique, rien ne se passe comme l’imaginait Michael Bay à la fin des années 1990. Tout le monde cherche à minimiser les risques, on s’amuse du comportement jugé hystérique de la scientifique qui a fait la découverte, on remet en cause ses calculs et bientôt, c’est l’existence même de la comète qui est questionnée. Et quand tout le monde s’accorde à reconnaître qu’elle existe, le traitement est politisé : la mission de détournement par ogive militaire qui est la seule véritable option disponible en vérité, est elle-même déroutée par un puissant homme d’affaire qui contrôle la présidente et qui envisage d’exploiter le minerais précieux contenu dans l’astéroïde. Le paroxysme de la bêtise ambiante est atteint quand la présidente lance son slogan « Don’t look up » (ne regardez pas en haut) pour minimiser le risque et rallier ses partisans autour d’une opposition systématique et bête.

Les cibles d’Adam McKay sont évidentes et il n’essaie jamais de les masquer, même si elles restent implicites. La présidente Orlean est un clone féminin de Donald Trump, on retrouve les mêmes éléments visuels dont la fameuse casquette, et le même népotisme, avec son fils en guise de mauvais chef de cabinet. Peter Isherwood, le gourou de Bash qui entend exploiter les milliers de milliards de dollars que la comète contient sous la forme de minerais précieux, va chercher du côté de Jeff Bezos et d’Elon Musk, avec une pointe de Steve Jobs pour bonne mesure. Les deux journalistes représentent tous les médias de masse, qui cherchent à divertir leur audience plutôt qu’à apporter la vérité. Même les scientifiques, incapables de proposer un message simple, en prennent pour leur grade. Naturellement, Don’t Look Up : Déni cosmique ne traite pas réellement de l’hypothèse d’une comète qui se dirigerait vers notre planète. Ce gros caillou destructeur qui doit arriver en six mois, c’est la version accélérée du réchauffement climatique qui menace tout autant la Terre et qui désintéresse tout autant la population toute entière. D’ailleurs, le réalisateur n’épargne pas non plus le public, incapable de croire l’évidence scientifique, même quand tous les faits sont là. On sent que le scénario a été écrit alors que la pandémie s’était déjà installée et alors que la désinformation battait déjà son plein. Avec autant de matière et de cibles, c’est un petit peu dommage qu’Adam McKay tombe à nouveau dans certains travers, en particulier une tendance à l’outrance qui dessert son propos. Cette fois, c’est Leonardo DiCaprio qui en fait des caisses, quitte à tomber dans le ridicule sans raison. Même Meryl Streep aurait gagné à mettre en avant un style plus subtil, même si sa vision féminine de Donald Trump reste assez savoureuse.

Don’t Look Up : Déni cosmique n’est pas sans défauts, certes, il constitue malgré tout un divertissement plaisant en même temps qu’une attaque en règle de notre société qui fait assez peur. Par quelques aspects, le scénario ne va pas assez loin et il serait probablement inférieur à la réalité, si l’on devait effectivement affronter un tel événement. Peut-être aussi que le message écologique s’est un petit peu perdu dans la satire, mais celui sur la désinformation est bel et bien là, de même que l’attrait de l’argent en dépit absolu du bon sens. Adam McKay ne donne jamais dans la subtilité, néanmoins il faut lui reconnaître son habitude à viser juste. Don’t Look Up : Déni cosmique mérite d’être vu et ne partez pas trop vite à la fin, il y a une petite surprise dans le générique.