Après deux films qui ont coûté énormément et rapporté très peu, les studios Disney cherchent la rentabilité. Pour son quatrième long-métrage, Walt Disney abandonne les contes du XIXe siècle, il abandonne aussi les expérimentations ambitieuses, mais impopulaires de Fantasia au profit d’une histoire simple à raconter et surtout à mettre en image. Dumbo raconte le récit d’un éléphant aux trop grandes oreilles qui est d’abord rejeté par les autres éléphants de son cirque, avant de trouver sa voie en volant. En quelques mots, le scénario est résumé et c’est précisément ce qui fait la force du long-métrage réalisé par Ben Sharpsteen. Grâce à sa simplicité, Dumbo touche à l’universel et ce n’est pas pour rien qu’il a connu autant de succès.
Pour une fois, Walt Disney adapte une œuvre originale, puisque Dumbo est adapté d’une publication de 1939, deux ans seulement avant la sortie du film dans les salles. Le conte européen n’est pas loin toutefois et on reconnaît aisément l’idée de base d’un récit de Hans Christian Andersen, Le Vilain Petit Canard. L’idée d’un enfant différent rejeté par ses pairs est la même, sauf qu’il ne s’agit pas ici d’un canard, mais d’un éléphant. Dumbo a d’énormes oreilles sur lesquelles il ne cesse de marcher et cette difformité lui cause de nombreuses moqueries. Sa mère qui essaie de le défendre contre des gamins qui s’amusent avec les oreilles est mise de côté par le cirque et l’éléphanteau devient quasiment un orphelin, détesté de tous. Lors de son premier numéro, il marche sur une oreille et lance un enchaînement qui détruit quasiment tout le cirque. Bref, le héros de Ben Sharpsteen est une catastrophe et il perd toute confiance en lui et il lui faudra un solide ami pour se remettre. Dumbo reprend une idée que l’on avait déjà croisée dans Pinocchio avec le personnage de Timothy, une souris qui agit comme une bonne conscience du héros, en même temps que son ami. C’est le seul qui ne se moque pas des oreilles de l’éléphant et il l’accompagne pendant tout le film jusqu’à la découverte que Dumbo peut voler. De manière plutôt originale, c’est aussi quasiment le seul qui parle. Le héros ne dit jamais un mot et autour de lui, tous les personnages sont également muets, ou bien parlent pour ne rien dire.
Dépassant à peine l’heure, Dumbo fait partie des classiques Disney les plus courts. Malgré cela, on sent que Ben Sharpsteen a été contraint de gonfler un peu le récit avec des séquences qui ne font pas avancer le récit, comme c’était déjà le cas avec Blanche-Neige et les sept nains. Les deux personnages principaux boivent par erreur de l’alcool et on a alors droit à une étonnante séquence composée essentiellement d’éléphants roses. Pendant quelques minutes, les animateurs du studio s’en donnent à cœur joie, oubliant toute idée de réalisme au profit d’une vision surréaliste qui surprend par sa modernité. C’est en tout cas quelque chose d’assez rare dans les films signés Walt Disney et cette séquence tranche avec le reste, beaucoup plus conventionnel. Dumbo ne devait pas coûter trop cher pour remplir les caisses après plusieurs films qui avaient coûté plusieurs millions de dollars. Celui-ci n’atteint pas le million, mais cela ne veut pas dire pour autant que l’animation a été sacrifiée. En fait, Ben Sharpsteen et ses équipes marquent une étape supplémentaire avec un dessin très simple, certes, mais une animation de qualité. L’ensemble a mieux vieilli que Pinocchio qui avait pourtant été beaucoup plus coûteux à réaliser et sur ce point, c’est encore la simplicité qui a payé.
Pour la première fois peut-être, Walt Disney signe avec Dumbo un long-métrage vraiment pour les enfants. Il n’y a pas de méchants ici et le film frappe par son extrême simplicité. Ce n’est pas un défaut toutefois, au contraire même : avec une histoire extrêmement touchante — toutes les scènes entre Dumbo et sa mère sont particulièrement réussies à cet égard —, Ben Sharpsteen touche à l’universel et parvient à émouvoir. Une belle réussite qui plaira tout particulièrement aux enfants.