EastSiders a connu des débuts très modestes. En 2012, Kit Williamson veut créer sa propre série et il écrit, réalise et interprète deux épisodes dans son appartement, avec son copain de l’époque et d’autres amis pour jouer tous les personnages. Les moyens techniques sont encore limités, mais le sens de l’écriture et de la mise en scène du créateur sont déjà bien là, et une campagne de financement lui permet de créer une saison entière, avant d’être repérée par une petite chaîne de télévision américaine. Petit à petit, EastSiders a grossi, la série a été repérée par Netflix qui lui a offert dès moyens supplémentaires pour finir avec quatre saisons en tout. Kit Williamson et ses amis sont restés au cœur du projet jusqu’au bout, offrant à la série un ton inimitable et forgeant en grande partie sa réussite.
La série suit plusieurs personnages, mais surtout deux, Cal et Thom qui sont en couple depuis quatre ans quand EastSiders commence. La première saison se construit autour de la nouvelle qui détruit le couple : Thom a trompé Cal avec Jeremy, puis Cal couche avec Jeremy et tout part de travers. Kit Williamson n’a pas besoin de rebondissements complexes pour faire avancer son histoire, il compte plutôt sur les histoires compliquées et banales de ses personnages. Outre Cal et Thom, Ian et Kathy essaie aussi d’avoir une relation qui dure malgré quelques difficultés. L’humour vache et limite noir, marque de fabrique de la série, est présent dès le départ. C’est vraiment une histoire d’amour et de haine et même si l’audio n’est pas toujours très bien enregistré, cette saison est vraiment très plaisante, avec un sens de l’écriture qui permet de créer des personnages en six épisodes de dix à quinze minutes seulement. À défaut d’avoir des moyens, le créateur d’EastSiders avait des idées, par dizaines même. La caméra trouve toujours le bon angle, le montage astucieux permet de glisser d’une scène à l’autre sans prévenir : c’est malin, joueur même, et très agréable à regarder. On comprend sans peine le succès à l’époque, qui a permis à Kit Williamson de persévérer, produisant quatre saisons au total. La deuxième est très similaire à la précédente, mais un petit peu plus longue. La troisième introduit un changement majeur en prenant la forme d’un road-trip, tandis que la quatrième se concentre plus sur des personnages jusque-là secondaires. On pourrait regretter le format très ramassé des débuts, et en même temps saluer un esprit maintenu du pilote à l’ultime épisode. Même si l’arrivée de Netflix a probablement offert à la série des moyens nettement moins limités, le réalisateur n’a pas perdu de vue le ton des débuts, ni même la forme des débuts. EastSiders reste une série modeste jusqu’au bout et c’est un compliment. La mise en scène comme l’écriture gagnent en assurance, les acteurs osent davantage montrer leurs corps et aborder des questions sexuelles et amoureuses parfois compliquées. C’est toujours très bien fait et la série a su se réinventer régulièrement pour ne pas tomber dans la redite, avec toujours un sens assez parfait du rythme et des situations.
Après quatre saisons et même pas 30 épisodes, EastSiders se termine sur une très belle note, pleine d’espoir pour les personnages. Kit Williamson a aimé raconter des histoires d’amour bien compliquées et mettre en scène des couples qui se déchirent, mais il n’a jamais été dans la surenchère gratuite. On imagine que le scénario a largement pioché dans sa propre vie ou celle de ses connaissances et c’est très bien ainsi, c’est sans doute ce qui lui offre une authenticité rare. Les personnages sont tous attachants, leurs histoires aussi et on regarde cette série avec beaucoup de plaisir. EastSiders est une vraie réussite, ne passez pas à côté.