Élite, Darío Madrona et Carlos Montero (Netflix)

Bienvenue à Las Encinas, un lycée privé huppé de la banlieue de Madrid où le gratin de la société madrilène envoie ses gamins. Ajoutez une poignée de pauvres qui se retrouvent avec une bourse suite à la destruction accidentelle de leur propre lycée et vous obtenez une bonne vieille guerre sociale à l’ancienne. C’est la base d’Élite, une création originale Netflix qui n’a jamais peur des clichés. Avec ses acteurs bien trop âgés pour les personnages qu’ils sont censés interpréter et des histoires d’amour, de trahisons et de sexe à n’en plus finir, la série de Darío Madrona et Carlos Montero est systématiquement dans la surenchère, un choix assumé qui lui donne son caractère. Les premières saisons sont ainsi toutes plus ridicules les unes que les autres, mais sympathiques si l’on se prête au jeu et avec une belle représentativité.

Dès les premières scènes, on comprend vite qu’Élite n’est pas là pour faire dans la dentelle. L’opposition entre les élèves habituels de Las Encinas, tous des filles et fils de grandes familles bourgeoises quand ce ne sont pas des nobles à l’image de la marquise dont la mère gère un vignoble, et les quatre nouveaux élèves envoyés ici suite à un accident qui a détruit leur lycée public, est appuyée avec une intensité rare. Les scénaristes n’évitent aucun cliché, au contraire même, ils font dans la surenchère totalement assumée. Les clichés s’enchaînent à grande vitesse et l’opposition de classe est renforcée par tous les moyens imaginables. Les nouveaux-venus ne sont pas seulement pauvre, ce serait trop léger, ils sont aussi dans des familles de criminels — Samu et son frère — ou bien issu de l’immigration palestinienne pour Nadia, et il faut alors ajouter la différence culturelle et la religion aux écarts financiers. En face, les gosses de riche sont tous des pourris gâtés qui sont constamment insupportables dans leur suffisance et pétris de mauvaises habitudes, avec une mention toute spéciale pour le personnage de Lu. Darío Madrona et Carlos Montero font vraiment tout ce qu’ils peuvent pour distinguer et opposer les deux groupes et ils n’ont jamais peur d’aller trop loin. Fort heureusement, ils ne se prennent pas trop au sérieux, sinon ce serait difficilement supportable. Cet excès constant fait partie du jeu pour Élite, qui le revendique en en faisant sa principale raison d’être. Si vous ne supportez pas le ton toujours excessif et les personnages caricaturaux, vous vous lasserez très vite, mais si vous pouvez l’accepter, la création de Netflix peut s’avérer plaisante et plus intéressante qu’on pourrait le croire.

Pour commencer, la première saison a une bonne idée en ajoutant à l’équation un crime violent qui touche Las Encinas. L’une des élèves est retrouvée morte dans la piscine du lycée et ce fait est présenté dès le pilote, comme une menace qui survole en tâche de fond. La bonne piste des scénaristes est de cacher le maximum d’informations initialement pour les délivrer petit à petit. Au départ, on ne connaît même pas l’identité de la morte et celui de son assassin est révélé très tard. Là encore, ne vous attendez pas à une enquête finement menée, on est dans la caricature facile et grossière, mais c’est assumé. Comme souvent dans ces séries avec des adolescents — car oui, même si cela ne se voit pas, ils ont tous 16 ou 17 ans dans la première saison —, les adultes sont absents ou nuls. En l’occurrence, la commissaire qui mène l’enquête est présentée comme une incapable qui se fait mener par le bout du nez par les élèves et qui tourne toujours en rond. Cette manière de mêler thriller à la comédie sociale est une belle idée, mais c’est aussi une recette qui devient hélas systématique. Chaque saison a droit à son mystère, avec la disparition d’un élève dans la deuxième et une nouvelle mort dans la troisième, et Élite reproduit à chaque fois le même schéma à l’identique. On sait tout de suite qu’il s’est passé un fait horrible, mais on ne sait pas quoi et on découvre au fil des épisodes toute la vérité. Si cela passe encore dans la deuxième série de huit épisodes, on commence à tourner un petit peu en rond dans la troisième et la quatrième qui semble reproduire l’intrigue initiale est carrément lassante. C’est dommage, cette bonne idée est devenue une formule répétitive, mais cela ne rend pas la série insupportable pour autant. Contre toutes attentes, les personnages caricatures s’épaississent avec le temps et deviennent attachants. Et surtout, on apprécie la remarquable représentation, avec un couple homosexuel parmi les personnages principaux et des trouples qui se forment régulièrement : bravo Netflix sur ce point.

La quatrième saison essaie de renouveler le casting en ne gardant qu’une poignée de personnages historiques et en ajoutant de multiples nouveaux acteurs à découvrir. C’est un piège classique des séries pour essayer de tenir sur la durée, et cela ne fonctionne pas avec Élite, d’autant que les scénaristes suivent un petit peu trop la formule de la première saison. Et même si Darío Madrona et Carlos Montero franchissent une étape supplémentaire en matière de représentation avec des séquences qui semblent sortir d’un porno gay ainsi qu’un couple lesbien de premier ordre, on ne peut s’empêcher de noter que la série tourne en rond. Netflix l’a renouvelée pour un duo de saisons et on attend ainsi un cinquième lot de huit épisodes, mais est-ce qu’il ne serait pas temps pour Élite de passer à autre chose ? Surtout quand les acteurs continuent de vieillir d’une année sur l’autre alors qu’ils doivent interpréter des lycéens… on n’y a jamais cru1, mais on atteint des sommets de ridicule.


  1. Qui sont ces lycéens tous équipés d’une Surface de Microsoft en guise d’ordinateur et d’un Pixel de Google en guise de smartphone, sérieusement ? Les sponsors sont particulièrement visibles dans Élite, peut-être un poil trop pour leur propre bien…