Jeanne Herry ne cherche pas à évincer son origine familiale : avec Elle l’adore, la fille de Julien Clerc construit un film précisément autour d’un chanteur star et d’une fan. Avec un angle original et bien trouvé : le chanteur exploite sa plus grande fan pour éviter d’être accusé de la mort de sa compagne, sans savoir que cette fan en question est aussi une mythomane de premier ordre. L’idée est bonne, mais le long-métrage entre dans la catégorie malheureuse des films gâchés par leur bande-annonce. Celle d’Elle l’adore nous promettait un scénario beaucoup plus intéressant que celui qui est finalement proposé par Jeanne Herry. Le film redistribue en fait en permanence ses cartes et se joue de nos attentes en mélangeant les genres. En théorie, c’est la clé du succès, mais le scénario est trop incohérent et lourd pour cela. Dommage…
Elle l’adore commence par un mensonge. Muriel, femme divorcée, raconte à ses deux enfants une anecdote sans intérêt, mais qui montre qu’elle ment aussi facilement qu’elle respire. C’est essentiel pour la suite, mais Jeanne Herry ne se concentre pas sur cette idée et embraye sur autre chose. On découvre que Muriel est esthéticienne et fan absolue depuis 20 ans de Vincent Lacroix, un chanteur très populaire qui est probablement inspiré par Julien Clerc, ou par Patrick Bruel. Muriel le suit depuis toujours, elle est là à tous ses concerts, lui envoie des lettres régulièrement et a même passé du temps à le suivre et rester près de sa maison. Vincent connaît cette femme et quand il doit se débarrasser du corps de sa compagne, il pense immédiatement à elle. Il imagine un plan sophistiqué grâce auquel Muriel l’aidera à se débarrasser du corps, sans qu’elle le sache et sans qu’il puisse être suspect. Jeanne Herry ne s’est pas embarrassée d’un seul genre pour ce premier long-métrage et s’il y a une chose que l’on ne peut pas reprocher au film, c’est sa manière de toujours dévier de ce qui semblait logique. La bande-annonce laissait entendre qu’il s’agirait d’une comédie, mais le film n’est jamais drôle très longtemps. Passée une introduction un peu longue et inutilement lourde, Elle l’adore tourne à l’enquête policière. Le chanteur est suspecté par un inspecteur qui le trouve louche, mais c’est rapidement la fan qui devient la première suspecte. L’enquête est toutefois perturbée par la comédie qui surgit ici où là, essentiellement par la mythomanie du principal personnage féminin. C’est d’ailleurs dans ces moments que le film excelle et une scène en particulier justifie à elle seule de le regarder : Sandrine Kiberlain, parfaite en Muriel menteuse, est époustouflante dans une scène d’interrogatoire, où elle invente mensonge sur mensonge jusqu’à faire sortir le policier de ses gonds. Ces séquences comiques sont une réussite, mais elles sont très minoritaires. C’est plutôt l’enquête qui domine, et Elle l’adore est malheureusement beaucoup plus faible sur ce point. Le scénario multiplie les incohérences et le couple de policiers qui se déchire en permanence n’est pas plus crédible, à tel point que l’on a parfois le sentiment de voir une mauvaise série policière. Jeanne Herry s’attarde aussi sur le chanteur, et c’est un aspect de son film qui est plus réussi. Laurent Lafitte est très bon et son personnage est particulièrement bien écrit : on sent que la cinéaste s’est inspirée de sa propre histoire pour nourrir ce chanteur, et c’est une réussite.
Déroutant, certes, mais aussi frustrant. Elle l’adore brouille les pistes en évitant d’adopter un genre et de s’y tenir, et cette manière de jouer avec nos attentes est bien trouvée. Les touches d’humour sont par ailleurs très réussies, et cette scène de l’interrogatoire restera sans doute dans la carrière de Sandrine Kiberlain. On le voit, Jeanne Herry a vu juste sur plusieurs points, mais le travail de la cinéaste est inégal. On ne croit jamais à l’enquête policière qui avance beaucoup trop rapidement et qui repose sur quelques rebondissements vraiment trop faciles, surtout quand le dénouement est proche. Et si le duo d’acteurs principaux est vraiment convaincant, les autres acteurs sont souvent trop faibles. Dans l’ensemble donc, Elle l’adore déçoit un peu et le fait que la bande-annonce annonçait un scénario beaucoup plus intelligent que celui choisi finalement est sans doute l’une des raisons de cette déception…