Le dernier long-métrage de Pierre Salvadori est un objet cinématographique étrange et surtout pas très évident à classifier. On pourrait croire qu’il s’agit d’un polar ou même d’un thriller, mais une bonne dose d’humour absurde fait dérailler l’histoire et tend En liberté ! vers d’autres genres, sans se restreindre pour autant à un seul. Le film suit au contraire son propre cours et s’impose comme une comédie bizarre et très plaisante. Loin des clichés de la comédie à la française, vous auriez bien tort de passer à côté d’une telle réussite !
La toute première scène d’En liberté ! pourrait s’apparenter à une lettre d’intention de la part du réalisateur. C’est une scène d’action comme on en voit plus souvent dans le cinéma américain, elle est très rythmée et avec un style pas très réaliste, très cinématographique. Mais ce n’est pas une scène sérieuse pour autant, elle est contaminée par des pointes d’humour, tantôt ironiques, tantôt absurdes. Cette séquence est très plaisante et lance le film de Pierre Salvadori sur de bonnes bases. Bonne nouvelle, ce n’est pas qu’un bon début qui déçoit par la suite ! L’intrigue se met en place dans un univers plus réaliste, mais avec toujours ce goût pour le second degré et une distance ironique bienvenue. Yvonne est veuve d’un « super-flic » de La Ciotat, une légende qu’elle entretient auprès de son fils en lui narrant tous les soirs ses exploits les plus fous. Sauf qu’un jour, elle découvre qu’il était ripoux et qu’il a notamment condamné un innocent à la prison pour se couvrir. Cet innocent sort justement de prison et elle se met en tête de l’aider, à défaut de lui dire la vérité. L’aider n’est pas une mince affaire : huit ans de prison lui ont laissé une marque, il est devenu violent et imprévisible et il n’a plus vraiment de but dans la vie. Si ce n’est, peut-être, de devenir le criminel qu’on l’a accusé d’être par erreur. Le scénario suit ainsi les (més)aventures d’Yvonne et d’Antoine, avec une imagination assez folle. On voit rarement cela dans le cinéma français et cela fait plaisir de croiser un film qui suit ses idées les plus folles jusqu’au bout, sans jamais trop se prendre au sérieux. L’humour est constant et En liberté ! est souvent très drôle, sans pour autant tomber dans les travers faciles du genre. Entre le tueur qui vient déposer des sacs avec les restes de sa tante au commissariat et le casse de bijouterie en habits sado-maso, en passant par les récits héroïques de la mère à son fils, il y a de quoi faire et on ne s’ennuie jamais. Le casting impeccable est une composante importante du succès du film, tout particulièrement Adèle Haenel et Pio Marmaï dans les rôles principaux, mais c’est un tout. La bande-originale de Camille Bazbaz, entraînante et fun, ajoute une ambiance old-school pas déplaisante et les dialogues sont en général bien écrits, même si certains sont encore trop littéraires. C’est quelque chose que Pierre Salvadori revendique, parlant de dialogues poétiques, mais ils cassent le naturel général du long-métrage et sont une fausse bonne idée. Néanmoins, ce n’est pas suffisant pour dénaturer l’ensemble et le plaisir reste présent jusqu’au bout.
Comment ne pas s’enthousiasmer face à un tel film ? Plutôt que de répéter en boucle les clichés habituels des comédies françaises, En liberté ! trace sa propre voie et propose une histoire originale dans une ambiance assez inclassable, mais toujours délicieuse. C’est drôle, c’est bien écrit, les personnages sont attachants, bref c’est une réussite à tous les niveaux pour Pierre Salvadori. Ne passez pas à côté, vous ne le regretterez pas.