Endymion, Dan Simmons

Hypérion et La Chute d’Hypérion se suivaient de près et formaient un tout cohérent. Pour poursuivre sa saga, Dan Simmons introduit une rupture majeure, puisque le tome suivant, Endymion, se déroule 274 ans après les événements décrits auparavant. Plusieurs siècles après la fin de la civilisation humaine telle qu’elle existait, la fin des portails qui permettaient de relier instantanément toutes les planètes, la fin de l’Hégémonie et l’isolement à nouveau de petites bulles de vies humaines éparpillées dans l’univers. En introduisant cette distance, le romancier peut ainsi repartir sur de nouvelles bases, même si on retrouve les mêmes thèmes et quelques personnages. Endymion est nettement plus simple et linéaire que le début de la saga, mais ce roman reste un divertissement très plaisant qu’on lit avec plaisir.

C’est un monde très différent de celui des précédents romans que l’on découvre au début d’Endymion. Après la chute de la civilisation construite autour des intelligences artificielles et des déplacements instantanés dans toutes les galaxies, un nouveau monde se crée autour de la Pax, nouveau nom de l’Église catholique. Profitant des croix de résurrection découvertes sur Hypérion, la Pax s’impose très rapidement comme la nouvelle Hégémonie et plus de deux siècles plus tard, la religion est à nouveau au cœur de l’univers humanisé. La Pax détruit méthodiquement la menace extra-terrestre et aussi les autres religions qui subsistaient pour imposer son régime politique théocratique et ses nouvelles règles. Les intelligences artificielles sont officiellement bannies, tous les convertis bénéficient de la croix de résurrection et le clergé impose sa hiérarchie, avec un cardinal ou un évêque à la tête de chaque planète. Raul Endymion, le héros de notre nouvelle histoire, n’a jamais connu l’ancien monde. La religion est la norme pour lui, il n’imagine pas une vie sans la Pax, ni la résurrection à l’infini de tous les membres de l’Église. Et pourtant, il refuse le crucifix et il se retrouve embarqué dans une histoire totalement folle. Embauché par le poète Silenius qui survit encore sur Hypérion, le jeune homme doit retrouver Énée, la fille de Brawne Lamia et du cybride Keats. Il doit la protéger des griffes de la Pax qui envoie toutes ses forces pour la retrouver et la neutraliser, l’Église considérant qu’elle est une menace globale. Endymion se construit ainsi entièrement sur cette course-poursuite à l’échelle de l’univers, d’abord sur Hypérion où, contre toutes attentes, Raul parvient à fuir avec Énée à bord de l’ancien vaisseau spatial du Consul, puis d’une planète à l’autre le long du mythique fleuve Thétys.

Dan Simmons ne fait aucun effort vraiment pour réexpliquer ce qui se déroulait dans les deux romans précédents et si ces noms ne vous disent rien, vous perdrez un petit peu de l’intérêt de cette suite. En même temps, Endymion est résolument indépendant et peut même être lu en ignorant tout de ce qui précède. Le monde est différent, le type de récit aussi, avec une histoire beaucoup plus simple où s’entremêlent deux fils narratifs en parallèle. On suit d’un côté Raul, Énée et l’androïde A Bettik dans leur vaisseau spatial, puis sur le radeau qu’ils construisent pour descendre le fleuve. Et de l’autre, le père capitaine de Soya et ses hommes, dans le vaisseau spatial qu’ils empruntent pour essayer de les suivre et de les retrouver. Chaque chapitre est consacré à un groupe et leur point de vue, ce qui permet au romancier de jouer sur les effets de surprise. Les événements « contre toute attente » s’enchaînent, et une fille qui semble innocente, aidée par deux hommes pas très doués s’en sort toujours face à l’immense armée de la Pax et son énorme arsenal. À défaut d’être très original, c’est une bonne manière de maintenir les tensions et l’intérêt du lecteur sur plus de 500 pages. De fait, Endymion se lit avec facilité et plaisir, et Dan Simmons multiplie toujours les genres différents, avec des séquences d’action intense dans l’espace et des chapitres entiers d’exploration à l’ancienne. La technologie est parfois très discrète et les plus belles séquences du roman sont même très éloignées de la science-fiction, notamment tout le passage sur la planète glacée et ses étonnantes créatures1. Ce tome fait moins la part belle aux mythes et au fantastique, même si le Gritche est toujours là. Mais si vous avez surtout aimé les récits des pèlerins dans Hypérion, vous serez peut-être déçu par la simplicité de cette suite, bien moins originale sur ces aspects. Mais ce n’est pas pour autant un mauvais roman et les amateurs de science-fiction et d’aventure y trouveront leur compte. Et puis le romancier a le sens du suspense, avec une fin ouverte qui donne bien envie d’en lire plus.

Comme pour la première partie de la saga, Endymion n’est en effet que la moitié d’un diptyque, puisque L’Éveil d’Endymion suit de près. Dan Simmons a cherché à créer une rupture par rapport aux deux premiers romans, à la fois temporelle et stylistique et même si le résultat est moins original, le récit n’en reste pas moins captivant. En prenant ce tome en soi, indépendamment du reste de la saga, il reste une œuvre de science-fiction bien ficelée et plus originale qu’on ne pourrait le croire, notamment par son incursion dans d’autres genres, l’aventure en tête. Endymion reste ainsi très sympathique et on a bien envie de lire la suite !


  1. C’est un passage qui évoque, d’ailleurs, un roman bien plus tardif de l’auteur : on pense à Terreur, notamment pour la description des conditions climatiques extrêmes, et pour le côté fantastique.