Erin Brockovich, seule contre tous, Steven Soderbergh

Pour son dixième long-métrage, Steven Soderbergh tient un sujet en or. L’histoire vraie d’Erin Brockovich, une Américaine moyenne qui n’avait jamais fait d’étude en droit quand elle découvre par hasard un énorme scandale environnemental et de santé publique. Son acharnement sur ce dossier condamne finalement la société en cause à payer plus de 300 millions de dollars aux victimes, une histoire si incroyable qu’elle aurait été jugée peu crédible si elle n’était pas vraie. Le cinéaste s’en empare et signe avec Erin Brockovich, seule contre tous l’un de ses meilleurs films. Porté par une Julia Roberts exceptionnelle et oscarisée pour l’occasion, le long-métrage est prenant, passionnant et réjouissant, une vraie réussite !

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Erin Brockovich, seule contre tous commence avec un entretien d’embauche raté et c’est encore peu dire. Erin est une jeune mère qui vient de divorcer et qui a absolument besoin d’un travail, quitte à postuler n’importe où. En l’occurrence, un cabinet de médecins alors qu’elle n’a jamais fait d’étude de médecine : on comprend vite le malaise du praticien qu’elle rencontre. Avec cette première scène, Steven Soderbergh pose déjà son personnage principal : cette belle blonde semble n’avoir jamais eu de chance dans sa vie et d’ailleurs elle ne sort de son entretien que pour avoir immédiatement un accident de voiture. Un accident qui signe l’apogée de ses malheurs en série, mais qui lui offre aussi, sans qu’elle le sache naturellement, une chance de faire quelque chose de sa vie. Un modeste avocat est assigné automatiquement à la jeune femme et c’est à cette occasion qu’elle pose un pied dans l’univers des avocats. Après avoir perdu son procès, elle parvient à obtenir un travail dans le cabinet. Au début, il ne s’agit que d’un petit boulot de tri et de rangement de papiers, mais c’est justement en rangeant un dossier qu’elle tombe par hasard sur une affaire étrange. Le vrai sujet d’Erin Brockovich, seule contre tous apparaît progressivement : Erin est d’abord surprise de trouver dans le même dossier un bilan de santé et une proposition immobilière et c’est en allant vérifier sur place qu’elle découvre un énorme scandale. Une entreprise utilise depuis une trentaine d’années un produit toxique en le cachant aux habitants des alentours et sans prendre les mesures nécessaires pour le traiter. Ce produit a empoisonné les nappes phréatiques et les habitants à des kilomètres à la ronde et jusque-là, les responsables avaient réussi à étouffer l’affaire.

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Steven Soderbergh a un sujet en or et son film l’exploite parfaitement. Regarder Erin Brockovich, seule contre tous sans rien avoir lu sur l’affaire est encore plus plaisant : on découvre alors avec la principale intéressée toutes les implications du scandale au fur et à mesure. Il ne s’agit d’abord que d’une famille ou deux, puis une dizaine et finalement ce sont plus de 600 personnes qui portent plainte contre l’entreprise. Le film ne s’intéresse pas vraiment au procès, évacué à la fin du long-métrage, mais plutôt aux longues préparations et le scénario montre très bien que c’est parce que Erin Brockovich n’est pas elle-même avocate qu’elle parvient à comprendre ce qui s’est passé. C’est sa sensibilité différente et surtout le fait qu’elle prend l’affaire à cœur et qu’elle finit par connaître toutes les victimes comme sa propre famille, qu’elle peut s’entêter et finalement convaincre les bonnes personnes pour obtenir les preuves nécessaires. L’affiche française avance un slogan un peu maladroit — « Elle a mis une petite ville à ses pieds et une multinationale à genoux » —, mais c’est un bon résumé de ce que Steven Soderbergh a voulu montrer. Cette femme qui galère dans la vie depuis tant d’années se consacre corps et âme sur cette affaire qui ne la concerne pas, mais qu’elle fait sienne. Quitte, pour cela, à sacrifier ses enfants et l’homme qui l’aime : même si Erin Brockovich, seule contre tous est dans l’ensemble un long-métrage positif et réjouissant, il n’évacue pas totalement cette zone d’ombre. Reste qu’au total, l’entreprise est bien condamnée et lourdement condamnée et le réalisateur ne manque pas de souligner que cette condamnation est le fait d’une amatrice qui n’était pas appelée à remporter cette affaire. Ce n’est pas directement le sujet du film, mais la place de cette mère de famille qui manque souvent de tact et qui est jugée de haut par la plupart des autres personnages est très intéressante et, sans le vouloir, l’héroïne devient une sorte de figure du féminisme.  

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Pour ce sujet en or, Steven Soderbergh ne pouvait sans doute pas mieux tomber qu’en tournant avec Julia Roberts. Dix ans après Pretty Woman qui lui avait apporté la gloire, l’actrice est rayonnante dans ce film et elle apporte à Erin Brockovich, seule contre tous toute la force nécessaire, mais aussi des touches d’humour qui évitent de tomber dans le didactisme. On est avant tout en présence d’un divertissement très réussi et non dans un pamphlet contre l’industrie chimique aux États-Unis. Drôle, touchant et intéressant, ce film a tout pour lui et il reste toujours aussi réussi : à ne pas rater !