Un été à Osage County, John Wells

Adapté d’une pièce de théâtre qui a connu beaucoup de succès aux États-Unis, Un été à Osage County effraie d’abord par sa cohorte de stars et par la mention, qui prend autant de place que le nom des deux actrices principales, de nominations aux Oscars. John Wells semble proposer un film calibré pour la cérémonie et de fait, les performances exceptionnelles de Meryl Streep et de Julia Roberts devraient leur permettre de frôler la récompense, à tout le moins. Pourtant, cette histoire de famille qui se déchire le temps d’un été ne saurait être résumée à cette quête de la récompense. Par sa noirceur qui condamne même les quelques touches légères qui allègent un peu l’ensemble, Un été à Osage County offre une plongée dramatique très réussie dans une famille déchirée. Un film bavard, mais intense, à découvrir.

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Le décès de Beverly Weston rassemble toute la famille bien malgré elle dans la maison familiale. Ce poète alcoolique a laissé une femme, Violet, qui soufre d’un cancer de la bouche et qui est tombée dans une addiction sévère aux médicaments, sous toutes leurs formes. Il laisse aussi ses trois filles devenues grandes et mariées ou en couple à droite et à gauche. Il y a d’abord Barbara, mariée et une fille, Jean. Il y a aussi Karen qui a fui le plus loin possible et Ivy, la dernière qui est restée pour s’occuper de sa mère. Un été à Osage County commence ainsi avec une disparition, rapidement suivie d’un enterrement. Mattie Fae, la sœur de Violet, arrive elle aussi avec son mari et son fils. Une réunion de famille que personne ne semble vouloir, et pour cause : ces retrouvailles au cœur de l’été dans les grandes plaines américaines rouvrent des cicatrices qui n’ont jamais vraiment été refermées. Barbara est séparée avec Bill, son mari volage qui vient malgré tout pour sauver tant bien que mal les apparences, tandis que ses relations sont difficiles avec sa fille, adolescente de quatorze ans. Mattie Fae ne supporte pas « Little » Charles, son fils qui souffre de troubles psychologiques, mais ce sont des secrets bien plus terribles encore qui sont peu à peu dévoilés. Le plaisir du dernier long-métrage de John Wells reposant aussi sur la surprise des révélations qui l’émaillent pendant deux heures, on n’en dira pas plus. Un été à Osage County n’a pas son pareil pour s’enfoncer toujours plus dans les horreurs de tous les non-dits qu’une famille peut contenir et si cette réunion familiale commence dans le respect du défunt, elle dérape vite et ce sont des mots toujours plus durs qui sont prononcés.

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Un été à Osage County est adapté d’une pièce de théâtre et cela se ressent. Filmé dans une vraie maison et non en studio, le film s’apparente presque à un huis clos simplement perturbé par quelques scènes en extérieur. L’essentiel toutefois se déroule dans les pièces de cette grande demeure, avec de longues scènes de discussion qui culminent avec un repas où toute la famille — et donc tous les acteurs — est réunie. John Wells signe un long-métrage bavard, c’est indéniable, mais les dialogues adaptés de la pièce originale par le dramaturge lui-même sont parfaitement écrits et ils ne sont jamais pesants. Certes, le film prend son temps et il ne faut pas s’attendre à une action énervée, même si plusieurs scènes sont l’occasion d’échanges très mouvementés. Ce n’est pas une critique toutefois et Un été à Osage County trouve rapidement son rythme de croisière et n’est jamais ennuyeux. Au milieu du désastre familial, on peut compter sur des acteurs de talent, et en particulier quelques actrices exceptionnelles. Oui, Meryl Streep et Julia Roberts sont là pour un Oscar, mais on aurait tort de le leur reprocher. Dans leurs rôles de mère et de fille, elles sont excellentes et ne cabotinent pas gratuitement, mais trouvent le ton juste. L’aînée incarne à merveille cette mère carnassière, à la fois d’une violence totale, mais aussi d’une fragilité touchante dès que les médicaments ne font plus leur effet. Son regard totalement désabusé est l’occasion de quelques scènes assez terribles, mais aussi drôles. C’est en effet ce qui sauve le film d’une noirceur trop systématique : un humour, certes noir, mais un humour quand même qui offre quelques moments de bonne humeur pour relâcher la tension. Des pauses bienvenues qui permettent de respirer, avant une nouvelle scène encore plus noire. Un été à Osage County joue ainsi des extrêmes et peut compter sur tous ses acteurs, de Julia Roberts qui a des airs cadavériques sur certains plans jusqu’à Benedict Cumberbatch ici dans un rôle d’une faiblesse rarement expérimentée jusque-là par l’acteur.

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John Wells se risque, avec Un été à Osage County, au dangereux travail d’adaptation d’une pièce de théâtre au cinéma et le réalisateur s’en tire finalement plutôt bien. Les enjeux ne sont pas essentiels et il ne se passe pas grand-chose, mais cette plongée au cœur d’une famille qui explose est une expérience d’une noirceur rare et passionnante à ce titre. Agrémenté de respirations comiques bienvenues, Un été à Osage County est un long-métrage réussi, à voir.