Créée par Phoebe Waller-Bridge à partir d’un one-woman show écrit par ses soins, Fleabag est aussi interprétée par Phoebe Waller-Bridge et on imagine que les six épisodes de la première saison s’inspirent fortement de son expérience. Cette série portée à l’écran à l’origine par la BBC Three1 est ainsi très fortement ancrée dans l’univers et le quotidien d’une comédienne, et si vous n’adhérez pas à son esprit, vous passerez forcément à côté. Mais si vous acceptez son humour d’une noirceur rare et son style résolument à part, Fleabag est une excellente série, principalement amputée par son format beaucoup trop court. Fort heureusement, une nouvelle saison est prévue et on a hâte de voir la suite !
Composée de six épisodes de moins de trente minute, la première saison de Fleabag est très courte. C’est pourquoi sa créatrice ne perd pas de temps en présentation et elle nous plonge plutôt brutalement dans son univers. Autant le dire, c’est décapant dès le début et l’humour noir très caustique de la série ne devrait pas convenir à tout le monde. L’avantage, c’est que Phoebe Waller-Bridge n’essaie pas de le cacher sous une couche de bienséance, le sexe est un sujet mis sur la table dès le premier épisode, tout comme la dépression, et même le suicide. Entre ses problèmes amoureux et sexuels et tous ses tracas de famille, il y a de quoi faire comme source d’inspiration. L’actrice n’essaie jamais d’enjoliver les choses, elle impose au contraire sa vision des choses et son style, du second degré qui semble léger, mais qui est toujours lié à une noirceur parfois déstabilisante. C’est étonnant, mais c’est indéniablement le point fort de la série, un ton résolument à part et qui n’essaie pas de plaire à tout le monde. Et puis la comédienne a des arguments à faire valoir, son style d’écriture est incisif, les vannes sortent à un bon rythme et Fleabag peut être vraiment très drôle. Tout comme l’ambiance peut d’un coup être plombée par la mention du suicide de la meilleure ami du personnage principal, ou bien par les multiples évocations de sa grande solitude et de sa dépression. On est toujours sur un fil et chaque épisode passe constamment d’un extrême à l’autre, mais sans jamais perdre en cohérence, un tour de force qui témoigne indubitablement de l’excellente écriture de Phoebe Waller-Bridge. Ajoutons par ailleurs qu’elle a su très bien maîtriser le passage de la scène au petit écran, on n’a jamais l’impression de voir un sketch face aux caméras et la série trouve parfaitement son rythme. La seule trace que l’on retrouve est une idée classique, mais bien exécutée : l’actrice brise régulièrement le cinquième mur et parle directement aux spectateurs. Le plus gros défaut à signaler, c’est bien la longueur fort décevante de cette première saison : les épisodes sont courts et peu nombreux, et on a à peine le temps de se familiariser avec les personnages qu’elle se termine déjà. Le potentiel est bien là toutefois, et on espère que Fleabag restera d’un aussi bon niveau avec sa deuxième saison, prévue pour 2019.
Dans le même esprit que Master of None aux États-Unis et surtout Chewing-Gum qui est également sous influence de l’humour britannique, Fleabag est l’œuvre d’une seule personne et c’est son plus gros argument. Loin d’essayer de convaincre, cette série impose un point de vue original sur le monde et un humour très brut, constamment teinté de noirceur, qui passera ou cassera d’un spectateur à l’autre. Si vous y adhérez, la première saison est une vraie réussite qui donne envie d’en voir plus. Est-ce que Phoebe Waller-Bridge tiendra la distance avec une nouvelle saison ? Vivement la suite pour qu’on puisse le découvrir.
Fleabag, saison 2
(9 octobre 2019)
La première saison de Fleabag avait séduit par le talent incroyable de son actrice principale et aussi créatrice, par l’humour noir si particulier de Phoebe Waller-Bridge et par des personnages secondaires hauts en couleur. Les six épisodes passaient bien trop vite et malheureusement, c’est à nouveau le défaut de cette suite, composée encore une fois de six pauvres épisodes d’à peine une demi-heure. C’est le seul défaut de cette saison 2, parce que pour le reste, on retrouve l’écriture acerbe et tout ce qui a fait le succès de la série. C’est une réussite absolue, à ne rater sous aucun prétexte.
On retrouve le personnage principal lors d’un diner familial pour les fiançailles de son père avec sa marraine. C’est censé être une bonne nouvelle, mais dans la famille, rien ne se passe aussi simplement. Ce diner constitue aussi des sortes de retrouvailles pour les deux sœurs qui ne se sont pas parlées depuis les événements de la fin de la saison précédente. Et comme on pouvait s’y attendre, la séquence se termine dans le sang, métaphoriquement et littéralement. Le ton est donné, Phoebe Waller-Bridge ne va pas essayer d’adoucir sa série, Fleabag reste toujours aussi mordante et acerbe. Les six nouveaux épisodes ne répètent pas simplement les précédents toutefois, il y a suffisamment de nouvelles pistes à suivre pour renouveler les choses, entre le mariage de ses parents et son amour pour le prêtre qui est censé le célébrer. On reste sur un format similaire, avec une série de petites histoires et un fil global assez flou, et le personnage principal n’arrête pas de nous parler comme avant. Mais la série créée par la BBC est toujours aussi pertinente, drôle et touchante, avec des personnages mieux dessinés et plus intéressants encore. Que ces personnages existent avec autant de force et de succès après seulement douze épisodes est d’ailleurs assez impressionnant, et rappelle bien les talents de la créatrice de la série. On apprécie aussi son aisance pour aborder des sujets difficiles, que ce soit sur la religion ou encore la volonté, ou non, d’avoir des enfants. L’air de rien, la série n’a pas peur d’aller sur des terrains politiques difficiles et elle le fait remarquablement bien.
Phoebe Waller-Bridge considère que Fleabag est terminée avec cette deuxième saison. On sait qu’Amazon, qui distribue la série à l’international et qui a signé un gros contrat avec l’actrice, aimerait qu’une troisième saison voit le jour. Serait-ce une bonne idée ? Après avoir vu cette nouvelle saison, on a indéniablement envie d’en voir plus et continuer à explorer les évolutions du personnage principal. Mais il y a toujours le risque de tomber dans la répétition ou de perdre en originalité. Quelle que soit la décision finale, Fleabag s’impose avec ces deux petites saisons comme l’une des meilleures séries de ces dernières années, sans discuter. Une très belle performance.
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- Mais désormais visible, depuis la France et ailleurs, en streaming sur Amazon Prime Video. ↩