Un pilote de ligne qui sauve la majorité des passagers de son avion d’une mort certaine lors d’un crash, un héros national menacé par son alcoolisme. Le sujet de Flight est à la fois intriguant et en même temps extrêmement dangereux. On entrevoit déjà le film catastrophe se terminer en happy-end mielleux après une belle et insipide rédemption… Le dix-septième long-métrage de Robert Zemeckis résiste pourtant longtemps à cette tentation et reste loin de la morale un bon moment, suffisamment pour intéresser au-delà du spectaculaire crash. Un bon divertissement, à voir et puis à oublier.
Sans raison apparente, l’avion pointe du nez et file droit vers le sol. On est sur une ligne régulière aux États-Unis, un petit vol de moins d’une heure, rien d’exceptionnel donc. À bord du vol 227 à direction d’Atlanta, une centaine de passagers et six membres d’équipage, dont le commandant Whitaker. C’est lui justement qui prend exactement les bonnes décisions au bon moment pendant le crash : pour ralentir la chute, il décide de retourner l’avion. Une fois stabilisé, il le remet dans le bon sens et réussit à atterrir dans un champ vide loin des habitations. Bilan : six morts, dont les deux hôtesses de l’air qui n’étaient pas attachées au moment du crash. Un véritable miracle que Robert Zemeckis nous fait vivre au cœur de l’événement, dans la cabine de pilotage. Flight y enferme les spectateurs quasiment en permanence, on ne sait jamais vraiment ce qu’il se passe et cet effet contribue à renforcer l’intensité. Déjà au décollage, le film parvient à impressionner : on ne voit strictement que le commandant et le copilote qui décollent sous un orage très violent. Les secousses sont vives et on a peur avec les hôtesses et les passagers, une sensation très forte qui est l’une des réussites de Flight. Le crash est tout aussi fort, même si la séquence aurait encore gagné en intensité en restant encore plus confiné dans la cabine. Robert Zemeckis cède un peu à la tentation en s’éloignant du pilote et de ses deux assistants pour aller avec les passagers, mais aussi pour montrer un plan général de l’extérieur, ce qui n’était pas nécessaire, sachant que l’on revoit ces images par la suite. Ne boudons pas notre plaisir toutefois : cette séquence est incontestablement un beau moment de cinéma et elle justifie à elle seule de voir Flight.
La suite du long-métrage retombe vite, forcément. Une fois au sol, on suit le parcours de « Whip », le commandant de l’avion qui est vu par toute la société comme un véritable héros national, mais qui est aussi menacé de poursuites judiciaires. Au moment du crash, il avait en effet un taux d’alcoolémie largement supérieur à ce qui théoriquement autorisé et l’agence fédérale qui mène l’enquête après le crash s’intéresse de très près à ce rapport. De fait, le personnage principal de Flight est un alcoolique qui ne dessoûle jamais totalement et qui ne peut résister à l’appel d’une bouteille. Quand il monte dans l’avion, il est déjà sous l’effet de l’alcool, mais aussi de la cocaïne aspirée pour tenir le coup. Il aggrave encore son cas quand, après le décollage, il avale trois bouteilles de vodka et juste avant l’incident, il dort profondément à côté de son copilote un peu abasourdi. Robert Zemeckis ne s’étend pas sur la question, mais il semble évident que l’alcool lui a permis de réaliser l’exploit que l’on sait : quand d’autres pilotes essaient en simulateur de reproduire l’atterrissage dans les mêmes conditions que Whip, ils tuent tous leurs passagers et eux avec. Une vraie performance, mais que l’alcool efface complètement. Flight est d’abord un film sur les ravages de l’alcoolémie et son personnage en prend logiquement conscience tout au long. L’originalité ici, c’est que Whip refuse d’accepter sa condition et refuse de changer quasiment d’un bout à l’autre. Il commence bien par vider sa maison de l’alcool en (très) grande quantité qu’elle contient, mais c’est pour mieux replonger par la suite. Jusqu’au bout, Robert Zemeckis filme un homme qui se voile la face et qui ne veut pas avancer, malgré les conseils insistants de ses amis et de son avocat. C’est ce qui parvient à rendre Flight plus intéressant que la moyenne, on s’attendait à une rédemption beaucoup plus rapide.
Flight n’est pas inoubliable, mais il n’est pas désagréable dans le genre film catastrophe et Robert Zemeckis parvient à nous surprendre dans l’après-catastrophe. Une belle performance en soi qui doit beaucoup à l’interprétation remarquable de Denzel Washington, extrêmement juste dans le rôle de ce pilote complètement aveuglé par son alcoolémie.