Peut-on, doit-on juger un film uniquement sur la base de ses dix dernières minutes ? Selon la réponse, votre avis sur The Game changera probablement du tout au tout. Après la réussite sur tous les plans de Seven, David Fincher prend en charge un scénario original qu’il adapte avec deux stars en tête d’affiche, mais qui n’était au départ qu’une petite production. Est-ce le scénario qui pêche par manque de moyens ou un problème de réalisation ? Toujours est-il que The Game est probablement le film le plus incohérent dans sa filmographie. Malgré tout, on se prend au jeu pour essayer de comprendre ce jeu dont il est question pendant plus de deux heures et, aidé par ses acteurs et une mise en scène toujours aussi efficace, le film s’en sort plutôt bien. Jusqu’à ce final d’un grotesque absolu qui vient tout gâcher… à moins de l’oublier et de se concentrer sur le reste.
Le point de départ de The Game est bien trouvé et assez original. Nicholas Van Orton est un investisseur richissime qui brasse des millions et qui a tout pour lui, même si sa femme l’a quitté et qu’il vit seul dans un immense manoir vide. Qu’offrir à cet homme qui a tout pour son anniversaire ? Son frère, Conrad, lui offre une carte assez mystérieuse, un bon pour un jeu tout aussi mystérieux organisé par une société elle aussi inconnue. Nicholas a beau être sceptique, il promet à son frère d’appeler et, poussé par la curiosité, il s’inscrit pour le fameux jeu. David Fincher excelle dans cette première partie qui met l’eau à la bouche : on ne comprend pas ce qui se passe exactement, pas plus que le personnage d’ailleurs. La mise en scène permet au suspense de monter rapidement et quand le jeu se met en place pour Nicholas, le spectateur n’a qu’une envie, découvrir en quoi il consiste exactement. Comme on le comprend vite, le principe est que la vie du personnage est bousculée par petites touches, c’est d’abord un clown simulant un suicide devant la porte de chez lui, puis la télévision qui lui parle, etc. Peu à peu, sa vie très rangée est bouleversée et les évènements deviennent de plus en plus étranges. Jusqu’au point où Nicholas se demande, et le spectateur avec, s’il s’agit vraiment d’un jeu.
À un moment donné, le scénario de The Game opère un changement et implique que l’on pourrait avoir affaire, non pas à un jeu, mais à une arnaque très savamment organisée pour voler à Nicholas son immense fortune. Quand l’entreprise censée gérer le jeu disparait sans laisser de traces et quand elle semble déterminée à tuer son joueur, on sent bien qu’il y a un problème. Là encore, l’idée était bonne et il faut reconnaître qu’à ce stade, on a de sérieux doutes sur ce jeu. Malheureusement, sans trop en dire, on peut malgré tout noter que le film ne va pas vraiment dans une meilleure direction. Et si la première moitié est vraiment plaisante et prenante, David Fincher ne parvient pas à sauver une deuxième partie beaucoup trop incohérente. Dès le départ déjà, on a du mal à comprendre comment un homme aussi riche et occupé peut accepter de perdre plusieurs heures pour s’inscrire à un jeu. Les incohérences de ce type restent toutefois sur un mode mineur pendant la majorité du film et la maîtrise technique du réalisateur fait le reste. Plus l’on avance néanmoins, plus ces incohérences deviennent visibles et gênantes. Et quand The Game se conclut, on ne peut qu’être abasourdi par l’ultime twist, et ce n’est pas un compliment. À trop inverser les situations, le scénario ne nous perd plus, il crée un voile totalement artificiel qui ne révèle que mieux ses défauts. Sans compter que l’on finit par ne plus se soucier du tout de ce qui se passe, alors même que les premières minutes étaient parfaitement réussies sur ce point.
Michael Douglas fait ce qu’il peut et l’acteur est très professionnel comme toujours, mais cela ne suffit pas. The Game est un divertissement convaincant, mais qui cherche à être plus malin qu’il n’est en vérité. David Fincher aurait-il pu faire mieux ? Peut-être, mais son scénario manque de cohérence et promet énormément, pour finalement s’en tirer avec une pirouette qui ne convainc pas du tout. Le divertissement reste de la partie, mais The Game déçoit avec cette fin frustrante, mais pas dans le bon sens. Dommage, car l’idée de base était vraiment bonne…