Ghost, Jerry Zucker

Une comédie romantique, teintée d’une bonne dose de fantastique, frôlant par moment avec le thriller et surtout racontée du point de vue d’un mort. Le pari de Ghost était assez gonflé, mais payant : plus gros succès de l’année en 1990, le long-métrage réalisé par Jerry Zucker conserve encore trente ans plus tard toute son originalité et il reste très plaisant à regarder. Il y a bien quelques clichés faciles et des effets spéciaux qui n’ont pas très bien vieilli, mais Ghost est toujours aussi fun et sympathique.

Le titre annonce d’emblée la présence de fantômes, mais Jerry Zucker prend son temps avant d’introduire son concept principal. Il s’amuse même à jouer avec les attentes des spectateurs, en ouvrant sur une séquence qui pourrait sortir tout droit d’un film de maison hantée. Trois jeunes new-yorkais nettoient un immense loft poussiéreux et rempli de vieilles pièces et d’autres curiosités. On pourrait s’attendre que les fantômes soient d’anciens occupants encore dans les lieux, un classique du genre, et une séquence un petit peu plus tard renforce cette croyance. La nuit tombée, la caméra avance doucement dans le calme des lieux et on s’attend à ce qu’un objet tombe ou une porte claque. Rien de tel néanmoins, c’est le préambule à la scène devenue mythique de poterie et pas du tout à une séquence horrifique. C’est que le fantôme annoncé par le titre même de Ghost n’est pas un étranger que l’on découvre en même temps que les personnages, la formule la plus traditionnelle du genre, mais bien un personnage que l’on connaissait. Sam, le petit ami de Molly, est tué par un voleur dans une rue sombre de New York et il reste sur place sous la forme d’un fantôme. Plus personne ne peut le voir ou l’entendre et il n’a plus de substance réelle, mais il est bien là et découvre que sa mort n’était pas un accident.

Raconter une histoire de fantôme du point de vue de l’esprit hanté est une excellente idée qui distingue Ghost de l’écrasante majorité des films de genre. Jerry Zucker l’exploite assez bien, même s’il doit ajouter quelques astuces de scénario pour que le personnage incarné par Patrick Swayze ne soit pas toujours tout seul dans son coin. Cela commence par une excellente idée : Oda Mae, une médium qui arnaque normalement ses clients, l’entend réellement. Sam peut ainsi communiquer avec un vivant, ce qui enrichit les possibilités de scénario, surtout quand il découvre que c’est son meilleur ami Carl qui est derrière son assassinat. Cette idée était bonne et Whoopi Goldberg est le choix parfait pour incarner ce personnage haut en couleurs, la réussite du projet lui doit beaucoup. En revanche, quand le fantôme apprend à interagir avec les objets physiques, on se dit que le scénario pousse un petit peu trop loin par facilité. De toute manière, Ghost n’est pas un film fantastique très sérieux, la logique de son univers est dans l’ensemble à géométrie variable. Les fantômes passent à travers portes et murs, mais jamais à travers le sol, par exemple, ce qui n’a pas beaucoup de sens. Mieux vaut ne pas trop y penser, tout comme il faut passer à côté de quelques clichés vieillots, comme ce personnage secondaire portoricain dont la seule raison d’être semble d’avoir un « méchant » facile à identifier. On se passerait bien aussi de la dose de morale judéo-chrétienne sur le paradis et l’enfer qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Malgré tout, Jerry Zucker parvient à distraire jusqu’au bout et l’originalité de cette comédie romantique du point de vue d’un fantôme parvient à faire la différence.

Ghost est une œuvre des années 1980, ce qui fait aussi son charme. Bien sûr, les effets spéciaux ont mal vieilli, même s’il faut saluer la retenue du réalisateur qui les évite au maximum sauf à la toute fin. Naturellement, quelques clichés passeraient beaucoup moins bien aujourd’hui. Mais à l’heure des bilans, on retient surtout de ce drôle d’objet cinématographique à cheval entre trois genres que c’est un film original et charmant, qui mérite bien d’être (re)vu.