Créé, écrit, produit et interprété par Lena Dunham, Girls appartient à cette catégorie de séries fortement inspirées par une personne. En l’occurrence, celle qui joue Hannah dans la création de HBO, une jeune new-yorkaise d’une vingtaine d’années qui tente de faire carrière comme autrice tout en essayant de trouver l’amour. La propre vie de Lena Dunham a servi d’inspiration et c’est surtout sa personnalité qui est comme mise en image le temps de six saisons. C’est peut-être ce qui frappe le plus quand on découvre Girls, cette impression finalement assez rare d’être vraiment dans la tête d’un tiers et de voir le monde à travers ses yeux. Même si elle est imparfaite, c’est ce qui rend la série de HBO si originale et attachante. Une curiosité à découvrir.
Quatre jeunes femmes d’une vingtaine d’années à New-York : si vous pensez à Sex and the City, ce n’est pas un hasard. C’est le point de départ choisi par Lena Dunham, qui ne s’en cache pas, la série mythique de HBO est citée explicitement au cours de la première saison. N’allez pas croire que Girls est un simple remake toutefois, la nouvelle création de la chaîne américaine trouve en effet bien vite sa propre voie et surtout sa voix. Loin du glamour et des paillettes, on opte ici pour un traitement réaliste qui frôle avec le documentaire. C’est un New-York sale et bruyant qui est présenté et ce sont surtout des personnages hauts en couleur, avec des personnalités marquées et clivantes. Hannah, le personnage principal de la série, est une une fille compliquée, tellement bavarde, qui a des ambitions contradictoires et qui peut être insupportable envers tout le monde. Ses amis ne sont pas forcément meilleurs et le scénario n’essaie pas de nous rendre les personnages appréciables, pas plus que la mise en scène n’essaie d’enrober les choses. Dès les premiers épisodes, on découvre un monde bizarre, loin de la vision romancée trop souvent apportée par la fiction du genre féminin. Ces quatre filles créées par Lena Dunham ont chacune leurs particularités, des qualités et défauts, mais ce qui les réunit avant tout, c’est leur caractère brut et leur crédibilité. Chaque actrice a certainement contribué à écrire son personnage, en tout cas on sent le vécu et le réel, avec de multiples péripéties qui frôlent constamment avec le glauque de la vraie vie.
Girls est rangé dans la catégorie des séries humoristiques, mais c’est presque une fausse piste. Certes, Judd Apatow a associé son nom au projet du côté de la production, néanmoins il ne faut pas s’attendre à une comédie au sens traditionnel du terme. Il y a des passages drôles, des personnages qui se comportent de manière farfelue ou des situations invraisemblables qui peuvent provoquer quelques sourires, voire rires. Cela étant dit, la série de HBO est au fond assez sérieuse, c’est la conséquence logique de son choix d’un traitement réaliste. Ce n’est pas une comédie légère et l’humour qui domine tend vers le noir. C’est toute la personnalité de Lena Dunham qui est mise en avant, la créatrice n’essaie pas de s’en cacher et au contraire, elle joue sur ce point et c’est ce qui fait tout l’intérêt de sa série. Son omniprésence évite les scénarios aseptisés, les épisodes peuvent au contraire être rugueux et aborder des sujets sensibles ou très mal traités ailleurs, du sadomasochisme à la procréation, en passant par l’alcoolisme. C’est aussi un traitement centré sur un seul personnage et une vision du monde nécessairement réduite, ce qui a valu des critiques à la série, notamment sur son manque de diversité. C’est vrai que Girls n’est pas à la pointe dans ce domaine, mais il ne faudrait pas perdre de vue que c’est une œuvre foncièrement autobiographique. On a rarement eu autant l’impression de voir le monde à travers les yeux d’un autre qu’ici, c’est in fine sa plus grande réussite. Et puis, on peut saluer le courage de Lena Dunham, qui ose aller sur des terrains tabous, à l’image de son traitement de la nudité. Dès la première saison, sa série n’est pas farouche, avec des scènes de sexe filmées de manière réaliste, mais on sent avec la progression des épisodes qu’elle gagne en assurance et revendique de pouvoir mettre en avant la nudité féminine, presque comme une arme. C’est troublant parce que c’est rare et parce que le corps féminin n’est pas traité comme un objet de désir, mais comme quelque chose de normal qui peut être exposé sans basculer dans la pornographie.
Originale et attachante sont les deux adjectifs qui collent le mieux à Girls d’un bout à l’autre. La lecture du synopsis et la durée des épisodes pouvaient laisser penser que l’on avait affaire à une simple sitcom vaguement inspirée de Sex and the City, mais rien de tel. La série portée par HBO évite les clichés du genre en se concentrant exclusivement sur la vision de sa créatrice, sans lui imposer de limite arbitraire. C’est très original et on a le sentiment de connaître intimement Lena Dunham à la fin de la sixième saison. Girls nécessite de faire un effort d’ouverture et d’accepter une vision différente, mais c’est payant tant elle vaut le détour.