Godless, Scott Frank (Netflix)

Difficile d’innover dans le genre du western. Il a été exploité à tant de reprises dans l’histoire du cinéma que toutes les variations, toutes les idées ont déjà été testées. Un western moderne frôle souvent le déjà-vu, quand il ne tombe carrément pas dans le cliché vieillot et rares sont les œuvres modernes qui réussissent à s’en sortir avec une bonne idée, originale et pertinente. Scott Frank s’y risque à nouveau avec Godless, une mini-série de sept épisodes qui durent tous plus d’une heure, un très long-métrage en somme qui n’appelle pas de suite. Son idée ? Et si une ville perdue dans le légendaire Far West américain était entièrement occupée par des femmes, seules rescapées après le terrible accident minier qui a tué quasiment tous les hommes ? L’idée est intéressante, mais le créateur de la série l’oublie totalement et ne s’y intéresse plus jamais, ou alors seulement brièvement, le temps d’une séquence ou deux. Reste un western extrêmement classique et sans grand intérêt, qui enchaîne les clichés et qui peine à maintenir l’intérêt du spectateur. Godless est prévisible — mais ne lisez pas la suite si vous n’avez pas encore vu la série et que vous comptez le faire — et décevant sur la fin… vous pouvez passer votre chemin.

Godless ne revendique pas un statut de western féministe, certes. C’est d’ailleurs heureux, parce que l’on aurait pu parler de publicité mensongère si cela avait été le cas. Pour une œuvre qui espère renouveler un genre largement exploité, le versant féminin est étonnamment discret. Certes, il y a plusieurs femmes qui participent à l’intrigue et la ville de La Belle, dans le Nouveau Mexique, où se déroule une bonne partie de la série est occupée essentiellement par des femmes. Mais les hommes ne sont pas absents, loin de là, et ils occupent toujours la majorité de la place à l’écran. Les hommes restent le principal moteur de l’action, et de loin, et les femmes restent toujours des auxiliaires secondaires, comme dans tous les autres westerns jamais créés. C’est même assez risible dans le cas de Godless et on a l’impression que les scénaristes ont fait tout leur possible pour augmenter au maximum la place des hommes, comme s’il fallait compenser parce que le point de départ évoquait une ville habitée essentiellement par des femmes. L’histoire centrale se déploie ainsi autour d’un conflit entre plusieurs hommes et Scott Frank n’a même pas essayé de faire dans l’originalité en la matière. D’un côté, le shérif de La Belle, de l’autre deux hors-la-loi autrefois très proches, mais qui mènent désormais une guerre sanguinaire. Pouvait-on trouver plus cliché que cette idée principale ? Pour ne rien arranger, les scénaristes ajoutent une histoire d’amour avec la propriétaire d’un ranch local et il y a aussi en toile de fond les indiens, sans oublier bien sûr la cavalerie appelée en renfort, les attaques de train et les saloon dans les villes poussiéreuses. Si vous attendiez des idées nouvelles, vous ne serez pas servi, cette série n’en a quasiment aucune et elle se contente de reproduire les mêmes valeurs sûres que l’on a déjà vues tant et tant de fois. On pourrait ajouter que même lorsque la série utilise des femmes, elle n’évite pas les clichés. À La Belle, celle qui organise la résistance et qui structure la société est une femme masculinisée et lesbienne… était-ce franchement nécessaire ?

Cela étant, tout comme Godless n’a jamais cherché à être une œuvre féministe, on ne peut pas reprocher à ce western de ne pas renouveler le genre. C’est son droit et Scott Frank aurait pu signer un classique en offrant une variation des classiques. Hélas, il n’en est rien. Il y a de bons éléments quand même dans la mini-série de Netflix, à commencer par une photographie soignée qui convient parfaitement aux splendides paysages désertiques de l’ouest américain. C’est encore un cliché, évidemment, mais il faut reconnaître que la photographie est idéale pour ces paysages et l’ensemble est très plaisant à regarder. Par ailleurs, l’ambiance est souvent intéressante et le premier épisode parvient à convaincre. On sent la menace planer, on découvre l’univers et pendant un moment, on pourrait croire que la série va être une réussite. Malheureusement, les désillusions arrivent vite et Godless perd vite de son intérêt. Les acteurs, aussi bons soient-ils par ailleurs, ont ici un jeu souvent caricatural ou fade et il n’y a rien de mémorable en la matière, surtout pas le méchant sans relief et prévisible offert par un Jeff Daniels bien peu inspiré. Jack O’Connel est correct dans son rôle de beau-gosse, Michelle Dockery déçoit dans celui de la belle et les personnages les plus intéressants sont secondaires, comme la grand-mère indienne ou encore Mary Agnes, la sœur du shérif. L’intrigue est par ailleurs sur des rails et elle ne parvient jamais à surprendre en suivant toujours très précisément un fil narratif convenu. L’épisode final est logiquement l’affrontement final entre les deux parties et tout se déroule exactement comme on l’imagine. Avant cela, chaque rebondissement est soit pressenti dix minutes à l’avance, soit sans intérêt. Car c’est l’autre gros défaut de Godless, la série est trop longue, trop lente et elle tombe souvent dans l’ennui. On a l’impression que les scénaristes ont cherché à remplir sept épisodes, au lieu de construire à partir de ce qu’ils avaient, et on se perd au milieu des intrigues secondaires. Quand il ne s’agit pas simplement de remplir avec des flashbacks qui n’apportent jamais rien, qui sont d’une lourdeur infinie1 et qui explicitent des sous-entendus qui auraient mérité de le rester.

Prometteuse, mais finalement ratée. Godless partait sur une piste intéressante pour renouveler un genre qui en avait bien besoin, mais Scott Frank a préféré à la place faire confiance aux bons vieux clichés. C’est déjà décevant, mais si cela avait été bien fait, on aurait pu lui pardonner ce choix conformiste. Ce n’est pas le cas et encore, on pourrait évoquer quelques maladresses assez gênantes, notamment dans la fameuse séquence du dernier épisode qui est censée être épique et qui tombe en fait dans le ridicule absurde2. L’intention est bien là, mais elle ne suffit pas et l’ambitieuse série de Netflix déçoit. Dommage.


  1. On vantait les mérites de la photographie plus tôt et c’est vrai qu’elle peut être réussie. Mais elle est aussi capable du pire, en particulier lors de ces flashbacks qui présentent une photographie désaturée, chargée de mettre en avant artificiellement le sang. On se croirait dans un mauvais clip ! 
  2. Le pire étant sans doute le personnage de Jeff Daniels se tient au milieu de la fusillade pendant plusieurs minutes sans jamais être touché. À moins que ce ne soient les ralentis caricaturaux qui essaient d’insuffler de l’héroïsme et qui parviennent surtout à détruire tout sentiment d’importance. 🙄