Sur l’affiche, le titre de Gone Girl est partiellement effacé par des nuages. Avec ce brouillard, on nous prévient d’entrée de jeux que les apparences sont trompeuses : le dernier long-métrage de David Fincher tourne autour d’une disparition et aussi d’un nuage de fumée. Un couple qui tourne mal, la femme qui disparaît sans prévenir et le mari qui est suspecté de meurtre : sur cette base de thriller, Gone Girl déploie une intrigue complexe, où rien n’est aussi simple qu’il n’en a l’air au premier abord. Un film qu’il faut découvrir le plus neutre possible, sans a priori et sans rien avoir lu à son sujet, pour mieux se faire surprendre. Quand la surprise est réel, le plaisir n’en est que plus grand et David Fincher propose alors deux heures et demi de cinéma intenses et stressantes… une vraie réussite !
David Fincher adapte à nouveau un roman avec ce long-métrage, et le titre de l’œuvre de Gillian Flynn, Les Apparences, est une sorte d’indice. Dès les premières minutes du film, on sent que quelque chose ne va pas, et ce sentiment diffus ne quitte pas le spectateur avant la dernière minute. Avant même que l’intrigue de Gone Girl ne se mette en place, on peut sentir un décalage, une ambiance particulière, on sent que les personnages ne sont pas francs et on sent que quelque chose de terrible va se passer. Cela ne rate pas : l’histoire commence alors que Nick Dunne rentre chez lui après avoir bu un verre dans le bar qu’il tient avec sa sœur, dans la petite ville du coin. Chez lui, sa femme Amy devrait l’attendre, mais elle n’y est pas et la table basse est cassée. Il prévient immédiatement la police et paraît sincère quand il explique ne pas savoir où se trouve sa femme, mais l’enquête qui commence braque rapidement ses projecteurs sur lui. Pourquoi y a-t-il du sang dans la cuisine ? Pourquoi est-ce qu’il ignore tout de la vie de sa femme, et notamment cette voisine qui se dit sa meilleure amie et qui a beaucoup à raconter à la police sur le couple qui bat de l’aile ? Le personnage principal de Gone Girl devient rapidement un suspect, mais le cinéaste parvient à nous faire comprendre que les choses sont plus compliquées encore. Difficile d’en dire plus sans trop en dire, car l’intrigue repose sur quelques retournements de situation qu’il serait dommage de dévoiler ici. David Fincher manie son récit avec une précision impressionnante et parvient à nous faire évoluer dans un sens, puis dans l’autre avec beaucoup de force et en même temps relativement peu de moyens. Le long-métrage semble en effet très simple, ce qui n’est naturellement qu’un leurre. On connait le perfectionnisme du réalisateur et Gone Girl est une œuvre extrêmement réfléchie, de son scénario qui avance à pas feutré pour mieux nous perdre, jusqu’à cette photographie glaciale qui correspond admirablement à l’atmosphère glaçante qui se dégage. L’ensemble est d’une finesse et d’une intelligence rares, ce qui se traduit par une fluidité exceptionnelle : le scénario mis en images par David Fincher est peut-être complexe, mais on n’est jamais perdus. Le réalisateur est pour beaucoup dans cette impression de simplicité qui n’est qu’un leurre, mais il convient aussi de saluer le travail des acteurs. Ben Affleck est excellent dans le rôle du mari un peu paumé et aussi salaud, mais on retiendra surtout Rosamund Pike, époustouflante pour ce rôle plein de mensonges et de tromperies.
Trent Reznor et Atticus Ross retrouvent pour la troisième fois David Fincher pour accompagner Gone Girl de leur musique hypnotique qui convient si bien à l’ambiance du long-métrage, malgré quelques notes de déjà-vu ici où là. L’ensemble reste néanmoins d’un très haut niveau, et ce long-métrage complète une carrière qui commence vraiment à être impressionnante pour le cinéaste. Après la naissance de Facebook avec The Social Network et après Millenium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, excellente relecture du polar suédois malheureusement restée sans suite, David Fincher prouve avec ce nouveau succès qu’il est un excellent réalisateur. Difficile de vanter les mérites de Gone Girl sans trop en dévoiler, mais si vous aimez les intrigues complexes, mais pas compliquées et si vous aimez les films qui manipulent, ne le ratez sous aucun prétexte.