Les séries adaptées d’œuvres littéraires sont monnaies courantes, mais un auteur s’est rarement autant impliqué qu’ici. Good Omens a été créée par Neil Gaiman et c’est aussi lui qui a signé le scénario, près de trente ans après avoir co-écrit De bons présages avec Terry Pratchett. C’était l’assurance d’une adaptation fidèle et de ce côté, la mini-série de six épisodes portée par Amazon Video ne déçoit pas. La trame du roman est suivie à la lettre et on retrouve très bien l’univers du roman et surtout le style incomparable de ses deux auteurs, à mi-chemin entre fantastique et absurde et avec une bonne dose d’humour noir. Contrat rempli donc, mais Good Omens souffre aussi un petit peu de cette proximité et ce qui fonctionnait sur le papier n’est pas toujours aussi convaincant à l’écran. Le résultat reste court et plaisant, mais le roman reste indéniablement au-dessus.
Good Omens se déroule dans un monde identique au nôtre, à ceci près qu’il y a vraiment des anges et des démons, que Dieu existe — mais c’est une femme — et que l’Apocalypse est bien réelle. D’ailleurs, elle doit intervenir dans quelques jours, alors que l’Antéchrist envoyé par Satan va fêter son onzième anniversaire, déclenchant par la même occasion la destruction de notre planète. Les deux camps, le Bien et le Mal, les anges et les démons, se réjouissent de cette guerre qui va leur permettre de déterminer qui est le plus fort une bonne fois pour toute, mais ces plans sont contrariés par deux des leurs. L’ange Aziraphale et le démon Rampa sont sur Terre depuis 6 000 ans, depuis l’Éden et Adam et Ève en fait, et ils sont à la fois liés d’amitié et épris pour les humains. Ils apprécient le confort de la vie sur Terre et ne veulent pas tout perdre : ils décident alors de contre-carrer les plans divins, en faisant en sorte que l’Antéchrist ne déclenche pas Armageddon. Voilà le point de départ du roman et la trame également de la série, un combat entre le bien et le mal tourné en ridicule. Dès le départ, Good Omens offre une relecture au second degré des événements décrits dans la Bible. Dieu est une femme — Frances McDormand, impeccable dans ce rôle purement vocal —, le jardin d’Éden est une prison dans un désert, le paradis ressemble à une multinationale et les cavaliers de l’Apocalypse sont en fait des motards. Tout est tourné en ridicule et détourné en mode parodique pour mieux se moquer de la religion, mais aussi des chasseurs de sorcières et de tout ce qui passe entre les mains des auteurs. Le procédé fonctionnait parfaitement à l’écrit, mais l’humour perd forcément un petit peu dans la transposition à l’écran. Neil Gaiman fait ce qu’il peut, mais il a sans doute trop peur de s’éloigner du matériau original en l’absence de Terry Pratchett, ce qui n’a certainement pas aidé la série. David Tennant et Michael Sheen sont très bien dans les rôles principaux et les bonnes idées du roman sont toujours là, donc on passe un bon moment, mais ce n’est pas aussi drôle qu’on aurait pu l’espérer. Et puis, même si ce n’est pas si gênant dans une série qui joue autant sur le second degré, les effets spéciaux auraient quand même mérité un petit peu d’amour. Par moments, leur kitsch va dans le sens du récit et on pourrait presque croire que c’est voulu, mais trop souvent, c’est simplement moche.
De manière générale, l’esprit des romans de Terry Pratchett est très difficile à transposer sur un écran, les adaptations existantes le prouvent bien. Good Omens ne fait vraiment exception, c’est sympathique, mais pas aussi fun et délirant que le roman original. Finalement, la brièveté de la série d’Amazon Video est une bonne chose, elle a permis de se concentrer sur la trame du roman sans en faire trop et elle permet de rester sympathique, sans ennuyer. La série mérite malgré tout d’être vue, mais à choisir, (re)lisez plutôt l’œuvre originale…