Hannibal, Bryan Fuller (NBC)

Hannibal invente ce qui se passe avant les romans de Thomas Harris, rendus célèbre par plusieurs adaptations au cinéma. Avant de parvenir à l’attraper et avant de le placer en hôpital psychiatrique, comment est-ce que Will Graham a rencontré Hannibal Lecter ? L’idée est intrigante et la première saison de la série créée par NBC est brillante. Bryan Fuller impose une ambiance poisseuse, enchaînant les crimes et tueurs en série plus fous les uns que les autres et faisant planer la menace du cannibale sans vraiment la concrétiser. Comme dans les romans, Hannibal commence en faisant du docteur Lecteur un personnage secondaire en apparence et c’est une excellente idée. Malheureusement, cette première saison brillante de bout en bout cède la place à deux saisons qui partent dans tous les sens et finissent par se complaire dans une esthétique gore et souvent sublime, il faut le reconnaître, en oubliant toute histoire. Dommage.

‌La première saison pose les bases et tous les personnages principaux du roman et aussi de l’adaptation réalisée par Michael Mann dans les années 1980. Jack Crawford, agent du FBI, embauche Will Graham pour l’aider à comprendre des tueurs en série. Celui qui a été recalé à l’examen d’entrée du FBI à cause de problèmes psychologiques est doté d’un don rare : son empathie extrême lui permet de comprendre n’importe qui, même un tueur sanguinaire. Dès le pilote, on le voit en action, remonter le temps une fois sur la scène du crime pour comprendre ce qui s’est passé et surtout l’intention du tueur, son « dessein ». Mais Will Graham est instable et c’est pour l’encadrer que Jack Crawford demande au psychiatre réputé Hannibal Lecter de le surveiller. Voilà comment les deux hommes se rencontrent pour la première fois et apprennent à se connaître. Le scénario met vite en évidence les bizarreries du psychiatre, qui semble fasciné par le cerveau de son nouveau patient et surtout curieux de voir jusqu’où peut aller son identification aux serial-killers. Commence alors un jeu trouble, où Hannibal sort de son rôle et incite Will à aller plus loin, voire joue avec l’enquête en cours, prévenant notamment le suspect principal qu’il a été démasqué. C’est dans ce jeu malsain entre les deux hommes que le meilleur survient dans cette première saison. Plus les épisodes avancent et plus le profiler semble se rapprocher de ses cibles, quitte à se confondre avec elles. S’il comprend aussi bien les tueurs en série, est-ce parce qu’il pourrait en être un lui-même ? Voire parce qu’il l’est déjà ? Les manipulations du docteur Lecter sont subtiles et bien amenées et le spectateur connaissant toute l’histoire peut s’amuser de le voir servir de la viande à tous ses invités, sans trop savoir si elle est d’origine animale ou humaine.

Pour la deuxième saison, Bryan Fuller a une idée originale : il fait accuser Will Graham d’une partie des meurtres non élucidés dans la première saison, à la place de Hannibal Lecter. Hannibal passe alors de la série d’enquête à la série judiciaire, avec l’ancien assistant du FBI qui tente de trouver un moyen de clamer son innocence, sûr qu’il est désormais de la culpabilité de son psychiatre. C’est une bonne idée, mais quand Will sort, on n’en est encore qu’à la moitié de la saison. NBC oblige, le format imposé de 13 épisodes force les scénaristes à imaginer une intrigue capable de faire tenir jusqu’à la fin, alors que la saison aurait mérité d’être plus courte. Le double-jeu avec Will et Jack contre Hannibal tourne vite en rond et les scénaristes nous perdent pour de bon en tentant de complexifier les choses. L’idée de faire perdurer le doute sur l’allégeance de Will est bonne sur le papier, sauf qu’elle conduit à des épisodes inutilement confus et surtout lourdingues. La série n’a jamais été fine et subtile, mais l’esthétique marquée fonctionnait assez bien dans la première saison. Dans cette suite, elle devient de plus en plus gratuite et l’accumulation de métaphores visuelles à base de bains de sang et de monstres à cornes est d’une lourdeur qui fatigue bien vite. Mais alors que le dernier épisode de la deuxième saison promettait un renouvellement, il est au contraire le prétexte à une troisième qui va encore plus loin dans cette esthétisme sans but. On s’éloigne encore davantage du fil rouge narratif et on se noie dans un tsunami de métaphores visuelles incompréhensibles. C’est si désagréable que l’on n’a pas tenu au-delà des premiers épisodes : et dire que cette ultime saison en compte à nouveau treize !

Bryan Fuller a vu juste, l’idée de raconter les débuts de Hannibal Lecter est excellente et il a trouvé comment bien le faire, en instaurant un climat malsain entre le cannibale et l’agent du FBI. Cette bonne idée a permis de tenir une seule saison toutefois et il fallait bien en trouver une autre pour offrir à la série de NBC une durée de vie plus longue. En ne retenant que l’esthétique malsaine au détriment de tout fil narratif cohérent, le créateur opte toutefois pour la mauvaise solution. Hannibal sombre dans un défilé de scènes incohérentes ou peu crédibles et on se désintéresse rapidement des personnages pourtant si forts au départ. Certes, Mads Mikkelsen est bluffant dans le rôle de Hannibal, il ne suffit toutefois pas à tenir la distance. Décevant, mais les treize premiers épisodes valent tout de même le détour.