« La révolte commence » : l’affiche du cinquième film de la saga Harry Potter donne le ton d’emblée, c’est la guerre. Jusque-là, les affrontements entre les deux camps ont été limités à des rencontres entre Harry et Voldemort et à un premier affrontement assez bref à la fin de Harry Potter et la Coupe de Feu. L’échelle change dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix qui voit les premiers combats directs, le début d’un long conflit qui ne va jamais s’interrompre jusqu’à la fin de l’histoire inventée par J.K. Rowling. Pour ce tournant dans le récit, les producteurs choisissent de tourner avec une autre équipe : David Yates, réalisateur britannique inconnu du grand public quand sort le film, est chargé de la réalisation, mais le scénariste change également pour la première fois. Son travail n’est pas facile : le cinquième roman est le plus long des sept et avec près de 1000 pages, il n’est certainement pas le plus simple à résumer en 2h20. Harry Potter et l’Ordre du Phénix oublie indéniablement beaucoup de choses, mais David Yates s’en sort bien avec ce long-métrage sombre et surtout plus mature qu’avant.
Si le précédent film avait créé une rupture en évitant la partie estivale hors du monde de la magie, Harry Potter et l’Ordre du Phénix retrouve les Durlseys au cœur de l’été. Harry s’ennuie terriblement jusqu’au jour où deux des créatures censées protéger les prisonniers d’Azkaban viennent l’attaquer, en plein jour et loin du monde de la magie. Une menace directe qui semble ne pouvoir venir que des partisans de Voldemort, mais ces créatures sont censées être contrôlées par le ministère de la magie. Très vite, David Yates introduit ainsi la nouveauté principale de cet épisode : la politique qui fait une entrée fracassante dès le départ avec l’audition de Harry Potter. Le ministre en place craint pour sa place et pense que Dumbledore, le directeur de l’école de magie, la désire pour lui et complote avec Harry Potter autour de la peur de Voldemort. Pendant toute la durée de ce cinquième volet, cette paranoïa et le jeu politique sont au cœur des enjeux pour Harry et ses trois amis, pour une année pas tout à fait comme les autres. Si Harry Potter et l’Ordre du Phénix retrouve certains passages obligés, comme le train et certains cours, l’année scolaire est perturbée par le professeur Ombrage qui vient enseigner la défense contre les forces du mal, du moins officiellement. En fait, cette petite femme terrifiante de rose — Imelda Staunton, tout simplement parfaite — est chargée de surveiller Poudlard pour le compte du ministre et d’effectuer une répression sans merci contre tous ceux qui osent dire que Voldemort est de retour. Harry Potter, déjà mis à mal avant la rentrée, est sa cible préférée et cet épisode est ainsi beaucoup plus sombre que son prédécesseur qui parvenait à ménager une part d’humour. Ici, elle a totalement disparu et on assiste même à des scènes de torture — fût-elle psychologique —, tandis que David Yates filme des scènes dignes des dictatures totalitaires. Au fond, ce qu’Ombrage met en place à Poudlard, c’est une version revue et corrigée des dictatures avec une privation progressive des libertés et une logique implacable qui mène, au nom de la sécurité, à des restrictions toujours plus grandes. Harry Potter et l’Ordre du Phénix est à cet égard un épisode passionnant et David Yates n’a pas négligé cet aspect important.
La saga Harry Potter ne manque pas d’arguments, mais son premier est certainement de suivre ses personnages sur près de dix ans. Les acteurs grandissent en même temps que ceux qu’ils doivent interpréter, un phénomène que l’on a l’habitude de voir à la télévision, dans des séries, mais qui est très rare au cinéma. Dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix, ils sont un petit peu en décalage malgré tout — Harry, Ron et Hermione sont censés avoir 14 ans, alors qu’ils en font plutôt 17 —, mais qu’importe : l’essentiel est que le récit devient plus mature, à leur image. Finies les frivolités amoureuses de Harry Potter et la Coupe de Feu et David Yates écarte d’ailleurs assez judicieusement d’un coup de baguette l’histoire d’amour entre Harry et Cho. C’est le premier amour du garçon, son premier baiser aussi, mais c’est une expérience terminée avant de commencer et un premier essai raté. L’amour sera pour plus tard, Ron et Hermione n’y ont pas plus droit, tous se concentrent sur les évènements en cours. Pendant toute la première partie du récit, le conflit et Voldemort restent éloignés, on ne revoit d’ailleurs le grand méchant de l’histoire qu’à la toute fin. Comme dans la plupart des épisodes, ce cinquième volet adopte une structure progressive où l’intensité augmente peu à peu, jusqu’à un final explosif. Harry Potter et l’Ordre du Phénix contient les premiers combats ouverts, d’abord entre les membres de l’ordre qui a donné un titre au roman et les Mangemorts, les partisans de Voldemort ; puis entre ce dernier et Dumbledore, venu secourir Harry d’une mort certaine. L’heure n’est plus aux plaisanteries et les premiers morts commencent à faire leur apparition dans la saga. David Yates s’en sort bien avec ces combats, impressionnants comme il se doit, mais le cinéaste doit faire des choix pour tenir dans moins de 2h30 et la fin, un peu trop rapide, perd peut-être en intensité. Daniel Radcliffe progresse et son personnage, en proie aux doutes et donc plus complexe et intéressant, est assez bien traité dans un premier temps, mais la mort de son parrain le laisse un peu trop de marbre. Ce sont surtout les personnages secondaires qui sont sacrifiés par les impératifs de temps et Harry Potter et l’Ordre du Phénix en souffre un peu, même si le blockbuster est de bonne tenue, et le divertissement au rendez-vous.
Harry Potter et l’Ordre du Phénix est un épisode intéressant, parce qu’il prépare le combat qui aura lieu dans les deux derniers tomes de la saga. Voldemort est bien de retour, il rassemble ses troupes et commence à attaquer non plus seulement Harry Potter, mais aussi tous ceux qui ne le rallient pas. David Yates doit traiter un matériau immense qu’il condense encore plus qu’à l’accoutumée : son film contient logiquement des lacunes par rapport au roman de J.K. Rowling, mais ce n’est pas aussi gênant qu’escompté. Certes, la fin de Harry Potter et l’Ordre du Phénix aurait gagné à être un peu étoffée, certes quelques personnages ont été sacrifiés, mais cette cinquième adaptation tient la route et on apprécie sa noirceur, surtout avec le personnage d’Ombrage.