Olivier Ducastel et Jacques Martineau poursuivent leur voie à part dans le monde du cinéma. Trois ans après leur étrange Théo et Hugo dans le même bateau qui oscillait entre hommage à la Nouvelle-Vague et la confrontation avec la menace du SIDA, c’est à nouveau un dispositif très formel très strict qui a présidé à la création de leur nouveau long-métrage. Haut Perchés est en effet un huis clos qui se déroule intégralement et exclusivement entre les murs d’un appartement parisien. Quatre hommes et une femme s’y retrouvent sans que l’on ne sache très bien pourquoi en commençant le film, et c’est très bien ainsi. Haut Perchés mérite d’être découvert sans rien avoir lu à son sujet, la compréhension très progressive de la situation participant beaucoup au plaisir du projet.
Les deux réalisateurs soignent encore leur image, avec cette fois un appartement dans le noir, éclairé de multiples couleurs. On découvre tout d’abord ce lieu unique en silence, alors qu’une personne, puis deux, puis trois et bientôt cinq se dévoilent. Les acteurs ne disent rien, ils se croisent et manifestement ne connaissent pas forcément les lieux, sauf l’un qui semble plus au courant. Toute cette première partie est très intriguant et particulièrement réussie, Olivier Ducastel et Jacques Martineau parviennent très bien à créer une aura de mystère et on se laisse porter sans trop savoir où l’on va. Il est question d’un autre homme, que tout le monde semble connaître et les hypothèses se bousculent. S’agit-il d’un enterrement ? Ces cinq individus ont-ils commis un meurtre ensemble ? Petit à petit, on comprend qu’ils ont tous été séduits par un même homme, un pervers narcissique qui les a utilisées pour satisfaire ses propres désirs et qu’ils ont maintenant amenés dans cet appartement pour lui régler son compte, au moins métaphoriquement. Le scénario entretient longuement le doute sur ce qui se passe exactement, et c’est une excellente chose. On ne sait pas s’il s’agit d’un ancien meurtre ou d’un crime en préparation, après tout ils sont dans une tour suffisamment haute pour qu’un accident malheureux puisse avoir lieu. Est-ce l’idée ? On ne sait pas et c’est très bien ainsi, d’autant que Haut Perchés conserve sa part de mystère jusqu’au bout. À l’arrivée, même si le jeu des acteurs manque encore de naturel, et même si la situation est parfois un petit peu artificielle, la curiosité l’emporte et le film se suit avec beaucoup de plaisir. On a envie de savoir ce qui va se passer et on a envie de connaître ces cinq personnages, réunis pour une drôle de raison. Olivier Ducastel et Jacques Martineau ont imaginé quatre homosexuels parisiens à la fois assez proches et en même temps très différents. Ce sont des portraits convaincants, malgré le jeu très théâtral des acteurs. À cet égard, Manika Auxire apporte une bouffée d’oxygène avec une interprétation beaucoup plus naturelle et l’actrice compose un personnage très réussi.
Comme Théo et Hugo dans le même bateau avant lui, Haut Perchés repose sur un dispositif peut-être un petit peu artificiel et sur des acteurs pas toujours naturels, mais il s’avère malgré tout attachant. Le huis clos imaginé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau est plein de tensions et de mystères et on a vraiment envie de savoir jusqu’où cette situation improbable ira. Ajoutez à cela une mise en scène soignée et vous obtiendrez un long-métrage qui parvient aisément à faire oublier ses petits défauts. Si vous aimez être surpris, Haut Perchés vaut clairement le détour.
Sortie en salle le mercredi 21 août 2019