Homecoming est une série originale par son origine. À la base, cette histoire était… un podcast, une fiction audio publiée en 2016. Peu après sa diffusion, les droits ont été récupérés par Amazon Video pour en faire une série télévisée et le service de streaming a commandé deux vidéos. Eli Horowitz et Micah Bloomberg, les deux auteurs du podcast, sont restés comme créateurs de la version télévisée, mais dans l’équipe, c’est probablement le nom du réalisateur des épisodes que l’on retiendra. Sam Esmail, particulièrement connu pour l’excellente série Mr. Robot, est derrière les caméras et il apporte son style très soigné à l’ensemble. Les dix premiers épisodes durent une demi-heure chacun et ils forment une première saison assez courte et particulièrement brillante sur le stress post-traumatique, la mémoire et le cynisme de la société américaine. Homecoming mérite le détour et on a hâte de voir la suite !
Le pilote introduit les personnages principaux et aussi le dispositif particulier de cette première saison. Homecoming suit en effet deux trames narratives en parallèle, et surtout deux époques : on suit l’action principale qui s’est déroulée en 2018 et aussi les conséquences, quatre ans plus tard. Sam Esmail marque la différence entre ces deux périodes de manière très claire, avec une image au format « naturel » pour le passé, et une image carrée pour le présent. Les couleurs sont aussi plus vives pour le passé que pour le présent, écrasé à la fois par ce format inadapté à nos écrans allongés modernes et par une photographie désaturée. L’effet n’est pas foncièrement original et Homecoming est bien loin d’être la première œuvre à en profiter, mais il faut reconnaître qu’il est efficace. Et surtout, il libère la narration ou la mise en scène de la tâche d’expliciter l’époque. Le spectateur sait toujours parfaitement où il en est, ce qui est important pour bien comprendre l’intrigue. Pour ne rien gâcher, cette idée de mise en scène est justifiée par l’intrigue elle-même, ce qui n’était même pas obligatoire, mais n’en reste pas moins agréable. De manière générale, la série créée par Eli Horowitz et Micah Bloomberg frappe par le soin apporté à sa réalisation. On pense inévitablement à Mr. Robot, ou bien encore à Better Call Saul qui épate toujours plus, saison après saison. Sam Esmail s’est fait plaisir dans cette nouvelle série, avec de nombreux plans filmés à la verticale, des plans-séquences fluides dans les bureaux qui servent de décor à la majorité des épisodes. C’est souvent très bien fait, mais discret comme il le faut, ce n’est pas une mise en scène virtuose pour le plaisir de l’être. Tant que l’on parle technique, évoquons encore les génériques de fin d’épisode qui avancent alors même que la dernière scène continue d’être filmée. C’est un gimmick, certes, mais il est bien trouvé et donne un caractère particulier à l’ensemble.
La réalisation, c’est bien, mais ce ne serait pas suffisant pour faire une bonne série. Homecoming bénéficie aussi d’une histoire très bien ficelée et d’un casting excellent. Le scénario original imagine qu’un grand groupe pharmaceutique américain, Geist, teste un nouveau traitement pour éliminer les troubles liés au stress post-traumatique des soldats qui reviennent du front. Homecoming est le nom du centre mis en place en Floride pour tester ce traitement sur des volontaires, des soldats qui reviennent d’Irak et qui ont du mal à retrouver une place normale dans la société. Ce médicament est conçu pour leur faire oublier les événements les plus traumatiques et le centre mène une étude classique dans ce domaine, avec des patients qui se voient administrés un placébo pour juger de l’efficacité de la solution médicamenteuse. Le personnage principal de la série est Heidi, une psychologue en charge de suivre les soldats et de noter les évolutions de leurs troubles psychologiques. Elle suit plusieurs patients, mais en particulier Walter Cruz, un soldat avec qui elle entretient une relation plus proche, trop même au goût de son employeur. Homecoming n’essaie pas de créer u suspense inutile et dès son pilote, on apprend que l’expérience s’est mal passée et que Heidi comme Walter ont quitté le centre le même jour, et que l’expérience a été interrompue dans la foulée. Quatre ans après, Eli Horowitz et Micah Bloomberg imaginent qu’un enquêteur du ministère de la Défense s’intéresse à cette fin précipitée suite à une plainte déposée par la mère de Walter. Il essaie de reconstituer les faits et d’établir les responsabilités, mais se heurte à l’indifférence de Geist, à la colère de la mère et à l’amnésie de Heidi. Après les faits, la psychologue est en fait retournée chez sa mère et elle semble avoir tout oublié, jusqu’à l’existence même de Homecoming, de Walter ou de son patron. Que s’est-il vraiment passé ? C’est à cette question que les dix épisodes réalisés par Sam Esmail répondent, ajoutant à chaque fois une nouvelle brique pour reconstituer les faits.
Nous n’en dirons pas plus pour garder la surprise, mais disons quand même que l’intrigue conserve quelques surprises jusqu’au bout. Homecoming se rapproche ainsi d’un thriller psychologique et il faut saluer la qualité de l’écriture, avec la bonne dose de suspense pour maintenir l’attention du début à la fin. Ajoutez à cela un casting de très haut niveau, Julia Roberts en tête, et vous obtenez une excellente série, à ne pas rater. Cette première saison se suffit à elle-même, mais autant dire qu’avec un tel niveau, on a hâte de voir ce qu’Eli Horowitz et Micah Bloomberg nous préparent pour la suite !