Après l’excellente Chewing Gum, Michaela Coel revient avec sa nouvelle série. Vous espériez une nouvelle comédie déjantée comme la première ? I May Destroy You a bien quelques points communs à commencer par la place du sexe dans le récit, tandis que l’univers si original de la créatrice transparaît à nouveau ici. Néanmoins, la première saison de cette série portée par HBO pourrait difficilement être plus éloignée. Elle commence de manière assez légère, mais c’est un leurre, puisqu’elle se concentre vite sur le traumatisme subi par le viol de son personnage principal. Comment se reconstruire après un événement aussi horrible ? Tristement autobiographique, I May Destroy You apporte quelques suggestions, mais pas de vraie réponse. Une série touchante et importante, à défaut d’être très plaisante.
Michaela Coel s’inspire de sa propre vie dans cette nouvelle série, comme dans la précédente. La jeune femme a subi une agression sexuelle pendant l’écriture de Chewing Gum et cet horrible événement lui a inspiré cette nouvelle histoire. Celle d’Arabella, jeune écrivaine qui a connu un premier succès avec un livre publié à partir de ses tweets et dont on attend désormais un deuxième opus. La pression est intense pour qu’elle termine un premier brouillon, mais l’un de ses amis l’invite à une soirée un petit peu trop arrosée. Le lendemain, elle se réveille sans souvenir de la veille, mais avec ce sentiment d’avoir été violée. Un homme l’a drogué au bar pour l’endormir et la violer. La police récupère les preuves, le viol a bien eu lieu, mais la jeune auteure ne sait rien de plus et n’a rien pour reconstruire sa vie, si ce n’est des visions qui viennent perturber son quotidien. Comment continuer à vivre après cela ? Comment, en particulier, avoir une vie sexuelle normale après un tel acte ? Lors d’un rapport sexuel peu après cela, un homme profite de sa faiblesse pour enlever son préservatif avant de la pénétrer, ce qui est une autre forme de viol. I May Destroy You dénonce de toutes ses forces la toxicité masculine, bien connue désormais, mais qui reste un des pires travers de notre société. Michaela Coel profite de sa propre expérience pour dénoncer cet état de fait : alors que la moitié des femmes ont subi la violence d’un homme, rien n’est réellement fait pour lutter. La police fait bien son travail, mais l’enquête n’aboutit pas. Et les violences sexuelles touchent aussi les hommes, notamment homosexuels, comme le montre aussi la série avec le personnage de Kwame qui ne peut même pas porter plainte et qui subit le manque de considération de la société. La scénariste, créatrice, actrice principale et même réalisatrice brasse tous ces sujets difficiles et leur apporte une vision très personnelle, avec ce grain de folie qui nous avait tant marqué dans Chewing Gum. Un grain de folie, oui, mais l’ambiance n’est plus la même. L’humour, même noir, a déserté la scène et cette nouvelle série s’impose au contraire par son sérieux. Les personnages peuvent être déjantés, des situations peuvent être absurdes, mais Michaela Coel n’abandonne jamais de vue son sujet et sa colère contre notre monde patriarcal est constamment palpable. Les œuvres qui évoquent le phénomène #MeToo se multiplient, mais on a rarement eu un point de vue aussi intense et dur sur la question.
Pour cette raison, I May Detroy You n’est pas une série très agréable, elle est même assez anxiogène par moment et peut être dure à regarder. Mais ce n’est pas une critique, davantage la preuve qu’elle vise juste et qu’elle est cruellement nécessaire. Michaela Coel a le courage d’affronter son viol face à la caméra et ce faisant, elle dresse un portrait réaliste et précis de sa génération, avec toutes ses qualités et aussi ses défauts, traités frontalement. Ne passez pas à côté.