Quand Les Indestructibles sort dans les salles, le studio d’animation Pixar n’a même pas dix ans, mais avec déjà cinq films au compteur, il s’est imposé comme une référence en la matière. Ce sixième long-métrage se distingue de ses prédécesseurs sur plusieurs points : il est réalisé par Brad Bird, un cinéaste qui participe pour la première fois à un film d’animation Pixar. C’est aussi le premier film du studio à avoir des héros humains et, non des jouets ou des animaux comme c’était le cas dans les précédents. En s’attaquant aux superhéros, Les Indestructibles propose une comédie familiale redoublée d’un vrai film d’action. Une vraie réussite qui plait autant aux petits qu’aux plus grands.
Bob était un superhéros extrêmement célèbre et reconnu dans le monde entier pour sa force et son talent. Avec l’aide de ses amis superhéros, il sauvait des vies tous les jours et le pays lui était reconnaissant. Un jour, le vent a tourné : en sauvant un homme qui voulait se suicider, « Mr. Indestructible » s’est mis à dos la société qui ne voulait tout simplement plus de ces êtres exceptionnels. Une série de lois l’a condamné, ainsi que tous les autres superhéros, à rentrer dans le rang, à cacher leur véritable nature et à devenir comme monsieur Tout-le-Monde. Bob et Hélène, qui était connue sous le nom d’Elastigirl, ont ainsi fondé une famille, ils ont trois enfants et ils font tout pour masquer leur véritable nature. Lui travaille dans une assurance où il s’efforce chaque jour de mener à bien son travail et de ne pas craquer dans la grisaille du quotidien. Leurs enfants ont hérité des capacités exceptionnelles de leurs parents, mais ils ont l’interdiction formelle d’utiliser leurs pouvoirs. Jusqu’au jour où Bob ne sait pas refuser une dangereuse proposition et se rend sur une île pour détruire un robot devenu fou…
Les superhéros revus et corrigés par l’univers de Pixar. Le studio d’animation ne pouvait reprendre les univers existants et leurs galeries de personnages, que ce soit celui de Marvel ou de DC Comics. Les Indestructibles construit de ce fait son propre Panthéon de superhéros, avec des inspirations prises un peu partout. Le début évoque Les Quatre Fantastiques — on retrouve au moins un être élastique et une brute épaisse —, mais Brad Bird multiplie ensuite les références et clins d’œil. Le rejet par la société rappelle Watchmen ou dans un autre registre, la saga X-Men. C’est en tout cas un angle très intéressant pour évoquer les personnages de comics, et Les Indestructibles l’exploite remarquablement bien. L’ouverture qui rappelle l’historique glorieux tranche avec le présent gris et ennuyeux de la vie de bureau. Pixar fait appel à la caricature par petites touches pour mettre en valeur le ridicule de la nouvelle vie de Bob : ce personnage très carré roule dans un pot de yaourt et son patron est bien sûr odieux et tout petit. Le retour aux affaires oriente le film vers les blockbusters d’action et Brad Bird n’a pas à rougir face à ses concurrents. Dans le genre, on a rarement fait mieux : Les Indestructibles est très bien rythmé, l’action y est très bien dosée et on passe un excellent moment. Là encore, le studio s’est inspiré d’autres histoires pour composer la sienne : on retrouve l’arrêt du train façon Spider-Man, l’île évoque l’univers des James Bond, Superman n’est jamais très loin, etc. Plutôt qu’un infâme pot-pourri, l’ensemble évoque plus un best-of tout à fait respectueux de ses modèles.
Les Indestructibles reste un film Pixar et il ne pouvait à ce titre pas se contenter de reprendre les meilleures idées des histoires de superhéros pour les décliner sous une nouvelle forme. Le long-métrage prend cette histoire comme prétexte pour raconter ce qui motive au fond tous les films du studio : une famille. Celle-ci est un peu spéciale, il est vrai : le père doit en permanence contrôler sa force s’il ne veut pas tout casser, la mère peut étendre ses membres sur plusieurs mètres, la fille peut devenir invisible et le fils court plus rapidement que l’éclair. Des particularités qui ont des conséquences indéniables sur leur vie de famille, d’autant qu’ils doivent se cacher en permanence, mais qui n’ont au fond pas une si grande importance. Derrière ces pouvoirs, Les Indestructibles met en scène des personnages « normaux », avec leurs problèmes du quotidien. Bob n’en peut plus de son travail et de son patron tyrannique qui n’a qu’un mot à la bouche : le profit. Hélène est une mère de famille très occupée par trois enfants et leurs difficultés : sa fille est une adolescente qui semble toujours déprimée et son fils est un garçon turbulent qui profite de son pouvoir pour affoler ses professeurs. Au départ, cette famille est assez désunie, mais Brad Bird raconte leurs retrouvailles autour de leurs pouvoirs respectifs. Fondamentalement, Les Indestructibles retrouve le même type de récit que ses prédécesseurs et ce sixième film est toujours aussi efficace : si l’action est au rendez-vous, l’émotion n’est pas en reste.
De film en film, Pixar a amélioré ses techniques et le studio d’animation a ainsi pu s’approcher toujours plus du photoréalisme. En 2004, on en était encore loin, mais Les Indestructibles a plutôt bien vieilli avec des décors riches et réussis. Ce sont les personnages qui posent le plus de problèmes : faute de réussir à les représenter de manière réaliste, Brad Bird a la bonne idée de tendre vers les caricatures souvent utilisées en animation. Les personnages sont ainsi tous un peu trop grand et costaud pour Bob, petit et grincheux pour son patron… Le spectateur comprend ainsi qu’ils restent d’abord des personnages de dessin animé, ce qui évite de considérer leurs traits simplifiés avec une trop grande sévérité. Pixar n’a jamais été intéressé par les performances techniques brutes, mais d’abord par une histoire à raconter. Les Indestructibles dispose justement d’un excellent scénario qui fait la part belle à l’action et aux superhéros, tout en ménageant une belle place à la famille Indestructible.
Pixar peut changer de registre, le studio reste toujours aussi efficace. En s’attaquant aux superhéros, Les Indestructibles parvient à la fois à proposer l’action et la mythologie rendues nécessaires par le genre, tout en racontant d’abord et avant tout une aventure humaine et l’histoire touchante d’une famille. Brad Bird fait une première entrée remarquée dans le studio, quelques années avant Ratatouille qui change encore totalement de genre. En attendant, Les Indestructibles est un très beau film, à voir en famille avec toutes les générations…