Into the Badlands, Alfred Gough et Miles Millar (AMC)

Into the Badlands surfe sur la mode des univers post-apocalyptiques qui se multiplient sur les étals des librairies et dans les salles obscures. Comme Hunger Games, Divergente et d’autres encore, cette série diffusée par AMC se construit sur une dystopie assez classique, mais qui n’a pas perdu de sa force. Notre civilisation est tombée suite à une apocalypse quelconque et une nouvelle culture est née, cette fois sous la force de cinq barons qui ont pris le pouvoir et instauré un système quasiment médiéval. Into the Badlands ne brille pas par son originalité et les six épisodes qui composent la première saison ne sont pas tous réussis, mais l’univers est suffisamment original et riche pour intriguer et donner envie de voir la suite. Alfred Gough et Miles Millar ont-ils suffisamment pour s’éloigner des dystopies pour ado qui tournent en boucle au cinéma ? En attendant de le savoir, cette saison est assez divertissante et mérite le détour si vous aimez les Wu Xia Pian.

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Comment se distinguer quand on part sur une idée déjà vue trente six-mille fois ailleurs ? C’est un petit peu l’enjeu pour cette série AMC, tant cet univers rétro-futuriste, où l’humanité (comprendre, les États-Unis) est organisée en cinq baronnies bien distinctes, sent le déjà-vu. On sent dès le départ que le conflit est inévitable entre ces barons qui ont pris le pouvoir par la violence, et maintiennent leur pouvoir par la violence. Les lignes du scénario sont très vite établies et on a une idée assez précise de ce qui va se dérouler dès la fin du premier épisode, ce qui n’est pas une très bonne nouvelle. La première approche d’Into the Badlands manque ainsi cruellement d’originalité, et on a presque envie d’arrêter dès le premier épisode, tant l’ensemble paraît grossier pour quiconque a lu ou vu ses classiques de SF et d’héroïc-fantasy. Pourtant, la série trouve une voie originale et elle révèle une richesse que l’on ne soupçonnait pas immédiatement au fil de ses épisodes. À la fin de la saison, on reste bien loin de Game of Thrones, mais il faut reconnaître que les pistes lancées sont intéressantes et donnent envie d’en voir plus. Et puis Alfred Gough et Miles Millar ont trouvé comment renouveler un petit peu leur univers pour éviter la redite : en multipliant les genres. Le scénario imagine que les armes à feu ont été toutes interdites. On ne se bat ainsi qu’avec des armes blanches, et avec les arts martiaux asiatiques, ce qui donne, dans chaque épisode, des séquences de combats virevoltants d’une très bonne tenue. Into the Badlands ne fait pas aussi bien que les maîtres du genre, mais certaines séquences restent impressionnantes et même si leur présence systématique dans chaque épisode est regrettable, force est de constater que la série propose son lot de scènes d’action réussies. On tire ainsi vers l’Asie, mais pas uniquement : avec le système féodal en place, on pense évidemment à l’Europe médiévale, mais il y a aussi des voitures et des motos anciennes. Bref, c’est un joyeux mélange, mais les créateurs de la série sont parvenus à trouver un bon équilibre, ce n’est pas indigeste et même assez plaisant.

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Contrairement aux apparences, Into the Badlands n’est pas qu’un clone de n’importe quelle saga pour ados. La série commence avec beaucoup de traits communs, c’est vrai, mais elle est beaucoup plus adulte, ne serait-ce que par une bonne dose de gore qui fait honneur à la chaîne qui présente aussi The Walking Dead. Pour être honnête, la première saison est intrigante et elle donne envie d’en voir plus, mais Alfred Gough et Miles Millar sont encore loin d’avoir créé une grande série. Pour l’instant, on en est au stade du divertissement plutôt bien mené, surtout si on aime les films de sabre chinois, mais la deuxième saison sera essentielle. AMC a signé pour dix épisodes, de quoi peut-être permettre à Into the Badlands de passer au niveau supérieur…


Into the Badlands, saison 2

(26 mars 2018)

La première saison d’Into the Badlands avait réussi à suffisamment intriguer pour donner envie de voir la suite, malgré quelques gros défauts, le principal étant certainement le manque d’originalité de cet univers post-apocalyptique. Intriguer, c’est bien, mais la série créée par Alfred Gough et Miles Millar devait passer à la vitesse supérieure et offrir enfin tout le potentiel contenu dans cet univers, mais davantage suggéré que visible dans les six premiers épisodes. Hélas, la deuxième saison ne parvient pas à remplir cet objectif. Ces dix nouveaux épisodes sont toujours aussi peu originaux et frisent constamment avec le kitsch facile des sagas pour adolescents, mais ce n’est même pas le pire. Fondamentalement, le problème d’Into the Badlands est à chercher du côté de son histoire principale. Les scénaristes vont explorer intrigue secondaire après intrigue secondaire, et ils oublient l’enjeu principal. Résultat, on s’ennuie ferme dans cette nouvelle saison qui part toujours davantage vers le n’importe quoi, et on n’a certainement pas envie de voir les seize épisodes de la saison suivante…

Alfred Gough et Miles Millar terminaient la première saison sur une série de bouleversements. Sunny, le personnage principal, était fait prisonnier et revendu comme esclave. MK, l’autre personnage principal de la saison, était récupéré par d’étranges moines à la force surhumaine et placé dans un coffre vers une destination inconnue. Et le baron Quinn, principal adversaire de la saison, était laissé pour mort. Into the Badlands reprend six mois plus tard, là où on l’attendait : Sunny, dans un camp de travail, MK dans le temple des moines. La grosse surprise de ce début de saison —  Quinn n’était en fait pas mort — est une mauvaise idée qui rappelle que la leçon de Game of Thrones n’est toujours pas passée. Il est vivant et il veut se venger et reprendre sa place, tout comme les deux autres personnages qui veulent revenir dans les Badlands, qui pour sa femme et son enfant, qui pour retrouver ses amis et une fille. Alors que tout le monde voulait quitter cette région, c’est donc l’effet inverse dans cette suite. Pourquoi pas, mais la saison avance et introduit un nouveau personnage clé avec Bajie (Nick Frost, égal à lui-même) sans jamais revenir au cœur de l’intrigue. Les pouvoirs de MK et la promesse d’Azra sont toujours là, en arrière-plan, comme une toile de fond, mais ils ne sont jamais traités. C’est le gros problème de cette saison, qui patine d’un bout à l’autre et finit par tout dévoiler dans son ultime épisode, comme si les scénaristes s’étaient brutalement réveillés en réalisant qu’ils n’avaient rien fichu jusque-là. Cette promesse finale remet au moins l’un des deux enjeux au cœur de l’intrigue, mais c’est trop tard, bien trop tard, et Into the Badlands aura épuisé même le plus grand des fans à se perdre dans les méandres d’intrigues secondaires sans intérêt. On se fiche bien de ce qui arrive à la Veuve, à Veil et son enfant, et même à Sunny et MK au fond. Tous les épisodes tournent autour du pot et semblent d’une lenteur parfois infinie, que l’abus de ralentis n’aide certainement pas à masquer.

À défaut de se concentrer sur une intrigue riche, originale et passionnante, Into the Badlands laisse au spectateur tout loisir pour analyser ses défauts. Et des défauts, il y en a des tombereaux. C’était déjà le cas dans la première saison, mais celle-ci avait au moins le tact de rester courte, alors que cette suite, avec ses dix épisodes d’une quarantaine de minutes, est au contraire dans la norme en termes de longueur. Même si les combats, dans la tradition du Wu Xia Pian, sont en général assez beaux à regarder, ils sont trop nombreux. Chaque épisode a au moins son combat et le scénario a beau essayer de faire varier les combinaisons entre les personnages, on a l’impression de toujours revoir la même scène. Cette propension à se concentrer sur les combats est révélatrice : on sent qu’il fallait remplir les épisodes et on sent même parfois que l’intrigue n’est là que pour mener d’un combat au suivant. Sans compter que le dernier combat tombe dans le grand n’importe quoi, avec des personnages qui semblent invincibles1. On voudrait du fond, on a de la forme… ou alors des apitoiements sans fin. C’est l’autre défaut de la saison, il y a beaucoup de drame forcé, de personnages à qui le pire arrive, de larmes qui coulent… Into the Badlands devient beaucoup trop sérieuse pour son propre bien et ce n’est pas le gore à outrance et souvent gratuit qui vient compenser ce déséquilibre. Alfred Gough et Miles Millar ont aussi quelques mauvaises idées, à l’image de cet épisode où Sunny se retrouve coincé dans un rêve avec Samara et qui semble ne jamais finir. Et puis dans le genre mauvaise idée, les couleurs unies attribuées à chaque camp semblent stupides sur le papier, mais c’est encore pire en vrai. Il faut voir MK dans sa combinaison violette pour y croire, c’est ridicule au possible.

On aurait pu pardonner tous ces défauts si la série avait été passionnante sur le fond. Malheureusement, la forme défaillante est accompagnée d’un fond pour ainsi dire absent. Into the Badlands perd son temps en intrigues secondaires futiles et perd de vue son objectif principal dans cette nouvelle saison, qui est ainsi surtout ennuyeuse. C’est dommage, car on sent que le potentiel est là, mais on passe systématiquement à côté. Et même si la toute fin pourrait relancer l’intérêt, c’est trop tard, on en a trop vu et on ne veut plus rien savoir… tant pis !


  1. Quinn est transpercé deux fois par l’épée de Sunny, mais il n’en meure pas pour autant. Et avant cela, Sunny est atteint par plusieurs flèches et écrasé par un mur, mais il continue comme si de rien n’était. Les scénaristes avaient-ils totalement abandonné la partie à ce stade ?