Les deux frères Coen ont toujours alterné entre drames sérieux et comédies plus légères, même si l’humour noir qui a fait leur réputation n’est jamais loin. Ils l’ont encore prouvé avec Intolérable Cruauté, une comédie romantique qui semble innocente à première vue, mais qui a beaucoup plus de mordant qu’escompté. Sans atteindre le meilleur de leur cinéma, ces histoires de divorces intéressés constituent un divertissement très solide, porté par deux excellents acteurs et par l’humour grinçant des Coen. Un vrai plaisir, à (re)voir !
Intolérable Cruauté commence avec une scène assez banale : un mari rentre chez lui pour découvrir que sa femme le trompe avec un réparateur. Il s’énerve, on s’y attend, le menace avec une arme pour le faire fuir et prend dans la foulée des photos. On l’a bien compris, c’est une procédure de divorce qui s’engage, mais sa conclusion n’est pas aussi claire que prévue. Sa femme embauche Miles Massey comme avocat et il réussit à lui obtenir, alors même qu’elle était en tort, la totalité des biens de son mari et sa fortune. Joel et Ethan Coen introduisent ainsi leur personnage principal, un avocat brillant spécialisé dans les divorces. Il est connu pour son contrat de mariage réputé incassable, mais quand il n’y a pas de contrat, il s’est fait une belle réputation pour tout récupérer pour le compte de ses clients. Il faut dire qu’à Hollywood, il n’est pas rare que, sous couvert de coup de foudre, des mariages soient en fait uniquement motivés par l’argent et les avocats sont là, soit pour le bloquer, soit pour en récupérer un maximum. Un jeu souvent cruel, surtout quand on est aussi doué que Marylin, une femme prête à tout pour gagner son indépendance en arnaquant un homme riche. C’est pour cette raison qu’elle a épousé Rex quelques années avant et qu’elle essaie désormais de divorcer pour le ruiner. Elle engage un détective privé pour le prendre sur le fait, mais manque de bol, son mari embauche Miles Massey et elle repart sans rien.
C’est à ce stade du récit que l’intrigue principale se met vraiment en place, sans que l’on ne sache pourquoi au départ. La meilleure idée du scénario est en effet de ne pas dévoiler d’emblée le plan de Marylin, qui cherche en fait à se venger de l’avocat en récupérant toute sa fortune. Mais dans un premier temps, Intolérable Cruauté suit plutôt sa nouvelle histoire d’amour avec un riche magnat du pétrole qu’elle parvient à épouser sans contrat de mariage. Quelques mois plus tard, elle divorce et récupère sa fortune, tout en cédant face aux avances de l’avocat, tombé fou amoureux. Le piège peut alors se refermer et les frères Coen prouvent à nouveau qu’ils sont les maîtres dans le genre de l’humour noir quand on découvre le plan extrêmement sophistiqué de leur personnage. Ils peuvent compter sur deux excellents acteurs, autant George Clooney avec qui ils travaillent à nouveau après O’ Brother que Catherine Zeta-Jones, parfaite dans le rôle du vautour social impitoyable. Comme souvent, ce sont les personnages si bien écrits qui font tout l’intérêt du film et c’est incontestablement le cas ici, avec quelques scènes hilarantes, notamment celle au tribunal où l’avocat discute avec son assistant alors que leur client extrêmement inquiet se tient entre les deux. Intolérable Cruauté déçoit peut-être un petit peu par sa fin très conventionnelle, mais on sent bien que ce n’est pas ce qui intéressait les deux cinéastes et ils ne s’attardent fort justement pas sur ce point.
Comédie romantique d’apparence légère, Intolérable Cruauté se révèle vite beaucoup plus cruelle et c’est tant mieux. Joel et Ethan Coen tiennent un sujet parfait avec ces histoires de mariages arrangés et de divorces et leur dixième film est très drôle, à défaut d’être le plus réussi dans leur filmographie. On passe néanmoins un excellent moment et c’est bien l’essentiel !