Invisible Man, Leigh Whannell

Invisible Man1 est l’énième adaptation au cinéma de L’Homme invisible, un roman de H.G. Wells publié à la fin du XIXe siècle qui continue manifestement toujours autant de fasciner. Il faut dire que l’idée qu’un homme puisse agir dans notre société à l’insu de tous, sans être vu de quiconque, est une idée qui est encore très puissante à notre époque où l’image est omniprésente. C’est la bonne idée de Leigh Whannell, qui ne se contente pas d’une adaptation banale et déjà vue mille fois ailleurs, mais qui modernise au contraire l’œuvre du romancier britannique en mode film d’horreur. En jouant sur le harcèlement moral et en faisant planner l’hypothèse de la crise psychologique sur les épaules de son personnage principal, Invisible Man parvient à offrir une relecture intense et prenante.

Du roman de H.G. Wells, Leigh Whannell n’a gardé au fond que l’idée principale qu’un homme a réussi à devenir invisible. Tout le reste est profondément modifié par rapport à l’œuvre adaptée ici, et d’ailleurs le héros n’est pas l’homme invisible, mais bien plus sa victime, Cecilia. Invisible Man commence par une séquence qui monte doucement en tension. On voit la femme sortir doucement du lit où son compagnon dort encore et si l’on croit dans un premier temps qu’elle ne veut pas le réveiller par gentillesse, on découvre vite qu’elle cherche en fait à fuir cette immense demeure qui surplombe l’océan Pacifique non loin de San Francisco. Une fuite méticuleusement préparée, mais qui ne se déroule pas comme prévu et qui se termine in extremis. Cecilia reste persuadée qu’Adrian, celui qu’elle a fui, va la retrouver et elle se cache chez des amis jusqu’au jour où elle apprend son suicide. Néanmoins, l’héroïne du long-métrage reste suspicieuse et elle se sent bientôt épiée par son ancien petit ami… vous pouvez deviner la suite. Dans Invisible Man, le fait de pouvoir agir sans être vu permet à un homme de déstabiliser la femme qui l’a quittée, avec comme objectif très clair de la rendre folle. Très marquée par ce qui s’apparente à des années de torture morale, elle tombe effectivement dans une forme de folie, en tout cas vu de l’extérieur. Au départ, elle semble juste paranoïaque, mais quand son bourreau commence à maltraiter ses proches, elle paraît même dangereuse et rapidement appréhendée par les forces de l’ordre. Comment faire comprendre à tout le monde qu’elle n’est pas psychotique et que son ancien compagnon a mis en scène son suicide pour disparaître dans un costume créé par ses soins ? L’idée est excellente et elle fonctionne très bien dans une première partie, mais Weigh Whannell utilise quelques ficelles narratives un petit peu grossiers sur la fin. Son personnage ne fait jamais ce qu’il faut, son entourage ne voit jamais ce qui se passe vraiment… on peine parfois à y croire. Néanmoins, le projet peut compter sur le talent d’Elisabeth Moss, dans le rôle principal, pour compenser ces petites faiblesses. L’actrice est souvent seule à l’écran à affronter l’homme invisible, mais elle se débrouille remarquablement bien et elle justifie à elle seule le détour.

L’idée de revoir une nouvelle version de L’homme invisible en 2020 n’était pas forcément très réjouissante, mais Leigh Whannell prouve bien que l’histoire originale a encore de quoi offrir. En optant pour un traitement plus sombre et surtout plus intense dans l’esprit d’un film d’horreur, et surtout en introduisant une bonne dose de psychologie, Invisible Man parvient à tirer son épingle du jeu.


  1. Un titre français qui n’est pas exactement le titre original, alors même que la traduction est évidente et connue, allez comprendre.