Note : cet article a été publié en 2012, une bonne partie des informations qu’il contient ne sont plus à jour. J’ai publié en 2019 un article sur le même sujet sur iGeneration : Comment l’iPad Pro a trouvé sa place dans mon travail quotidien.
Il y a près de deux ans, je posais ici même une question : peut-on vivre sans ordinateur (mais avec un iPad) ? Apple avait sorti sa tablette quelques semaines auparavant et on ignorait encore que ce nouveau produit allait bouleverser à ce point le marché de l’informatique. Deux ans plus tard, l’iPad a tué les netbooks qui étaient alors assez populaires et il a même mis à mal les ventes de PC traditionnels. On commence à voir la tablette partout, jusque dans certaines émissions de télévision où elle a remplacé les traditionnelles fiches de carton, mais aussi sur les bancs des facs ou encore dans certaines écoles où l’iPad a remplacé les manuels scolaires.
Deux ans après donc, cet article n’est plus tout à fait à jour. Apple a corrigé certains points qui posaient alors problème et l’iPad a gagné en polyvalence. La tablette peut-elle maintenant se substituer à l’ordinateur traditionnel ? En grande partie sans doute, mais pas pour tout le monde, ni pour tous les usages : rapide état des lieux…
Le nouvel iPad : outil de consultation ultime ?
Le premier iPad était déjà un formidable outil de consultation. Il n’y avait déjà pas mieux pour naviguer sur Internet ou pour lire des magazines et la tablette a souvent trouvé naturellement sa place dans les salons et sur les canapés. Au fil des mises à jour, Apple a amélioré son produit pour proposer, avec le nouvel iPad, un outil de consultation pas loin de la perfection.
L’iPad 2 était déjà fourni avec plus de mémoire vive, condition nécessaire notamment à une navigation confortable sur Internet. Le premier modèle nécessitait de fréquemment recharger les pages, ce qui est assez pénible sur un terminal qui n’est pas nécessairement connecté en permanence. La génération actuelle contient suffisamment de mémoire pour que cet aspect ne soit plus qu’un mauvais souvenir. Les pages se chargent plus rapidement dans le navigateur, elles sont stockées plus longtemps en mémoire et les applications démarrent elle aussi en moins de temps qu’avant. Bref, tout est plus fluide et agréable, de quoi utiliser la tablette même pour consulter les pages les plus lourdes sur Internet. Ajoutons que si l’iPad ne gère toujours pas Flash, ce n’est absolument plus un problème aujourd’hui : nonobstant quelques sites réfractaires — dont beaucoup de sites de restaurants, bizarrement —, cette technologie a largement disparu de la toile et c’est devenu une gêne vraiment épisodique.
La plus grande nouveauté concerne toutefois l’écran de l’iPad de troisième génération. Apple a repris sa formule de l’écran Retina introduite avec l’iPhone 4 pour l’adapter à sa tablette. Le concept reste donc le même : on ne voit plus à l’œil nu les pixels. Disons-le d’emblée, l’écran de cette tablette est splendide : il contient plus de pixels que n’importe quel autre écran autour de vous (oui, plus que votre écran plat HD par exemple) et il affiche images et textes avec une qualité que l’on n’avait jamais vu. Ce nouvel iPad est devenu un challenger de poids pour la lecture : si les écrans à encre numérique restent moins fatigants, lire un livre ou un journal sur la tablette d’Apple est aussi agréable et c’est même plus adapté quand il s’agit de lire du texte et des images. De nombreux tests, à commencer par celui de MacGeneration, ont évoqué l’idée d’un papier animé et c’est tout à fait ça : quand quelque chose est chargé à l’écran, on a l’impression de regarder une impression en papier glacé d’excellente qualité. Sauf que cette impression n’est pas figée, contrairement au papier…
Le seul défaut de l’écran Retina, finalement, ce sont les contenus pas adaptés. Les applications de l’App Store seront rapidement mises à jour, d’autant que le passage au Retina est souvent assez simple. Tous les textes bénéficient automatiquement des améliorations, que ce soit dans un livre ou sur Internet. Restent quelques cas qui mettront beaucoup de temps à évoluer : les images sur Internet, notamment. Sur ce blog, j’essaie désormais de doubler la taille des images par rapport à la largeur du texte. Cela ne se voit pas si vous utilisez un ordinateur traditionnel, mais sur le nouvel iPad c’est la garantie d’images sans pixels… mais aussi beaucoup plus lourdes à charger. Je peux me le permettre, mais la majorité des sites Internet ne feront pas cet effort, ne serait-ce qu’en raison des surcoûts liés à l’augmentation de la bande passante. L’écran du nouvel iPad est meilleur, mais il rend aussi les défauts plus visibles : une vidéo, même en HD, même en 1080p, n’est pas suffisante pour un affichage parfait sur l’écran Retina de la tablette…
Un outil de création
Si l’iPad est aujourd’hui incontestablement un excellent outil de lecture de contenu, quel qu’il soit, il s’est aussi largement amélioré du côté de la création en deux ans. Du côté matériel, l’amélioration considérable des performances en deux ans a permis l’émergence de nouveaux moyens de créer avec la tablette. Notons aussi que le terminal est devenu un appareil photo capable de prendre des photos et vidéos de qualité, même si l’idée d’utiliser un iPad en guise d’appareil reste souvent bien peu praticable… Quoi qu’il en soit, si vous n’avez qu’un iPad de dernière génération sous la main, vous pouvez envisager de faire quelques photos qui seront tout à fait correctes, à défaut d’être aussi bonnes que les photos d’un appareil dédié, ou même que celles prises avec l’iPhone 4S.
Encore plus que sur un ordinateur traditionnel, l’intérêt de l’iPad est fonction des applications que l’on peut utiliser, c’est-à-dire trouver sur l’App Store. — moi, juin 2010
Cette idée est toujours vraie en 2012, mais heureusement pour Apple, le succès de sa tablette a entraîné une augmentation considérable du nombre d’applications disponibles sur l’App Store. La boutique d’Apple compte aujourd’hui plus de 500 000 applications, dont environ ⅕ d’applications dédiées spécifiquement à l’iPad. Dans le lot, on retrouve toujours un grand nombre d’éléments inutiles, certes, mais aussi beaucoup d’applications vraiment utiles et parfois tout aussi efficaces qu’un ordinateur traditionnel quand il s’agit de produire un contenu.
Apple a donné l’exemple en premier en adaptant la suite de logiciels iLife à l’iPad. Avec la sortie de l’iPad 2, en 2011, l’entreprise de Cupertino a développé deux applications vraiment très impressionnantes : iMovie pour monter un film et GarageBand pour créer un morceau en enregistrant des instruments réels ou virtuels sur plusieurs pistes. Cette année, Apple a ajouté iPhoto (ci-dessous) à l’App Store pour modifier et gérer des images. Autant d’outils de création qui sont loin de n’être que des gadgets et permettent vraiment de créer des films, de la musique ou de gérer ses images. Ils ne sont pas toujours aussi complets que les versions Mac, iPhoto par exemple ne sait pas gérer les fichiers RAW, mais ces applications ajoutent des fonctions vraiment puissantes pour une tablette. Par rapport à la situation à la sortie du premier iPad, l’utilisateur a beaucoup plus de possibilités et peut faire face à un grand nombre de demandes, y compris dans les milieux professionnels. Que ce soit dans l’éducation, dans les administrations, les grandes entreprises ou même à l’hôpital, à l’armée ou dans le cockpit d’un avion, l’iPad a trouvé sa place un peu partout, alors même qu’Apple n’a jamais vendu son produit comme un outil professionnel.
L’iPad peut-il aujourd’hui remplacer totalement un ordinateur ? Cela dépend quand même des domaines. Publier un article sur Internet sans jamais quitter la tablette est envisageable, mais il faut alors savoir faire quelques concessions, à commencer par oublier les images. Les outils existent, mais je n’en ai trouvé un qui réponde à toutes mes attentes à commencer par trouver des images suffisamment grandes et ensuite les ajuster à la bonne taille. Une application comme Blogsy se rapproche de mes attentes, mais son côté usine à gaz et certaines fonctions mal pensées ne m’ont pas permis de finir un article sans repasser par un ordinateur traditionnel pour ajouter des images, corriger le texte et mettre finalement en ligne.
Les outils de rédaction se sont toutefois multipliés en deux ans et il en existe aujourd’hui beaucoup et souvent de qualité. Anthony, mon collègue chez MacG, ne jure plus que par Byword et même si je ne suis pas aussi convaincu que lui, je dois avouer que cette application est très convaincante pour écrire du texte au kilomètre, sans trop se soucier de mise en page. La mise en ligne d’articles peut se faire ensuite avec une application dédiée, il y en a forcément une qui sera adaptée à vos besoins dans le cas d’un blog. Signalons au passage que l’application officielle WordPress s’est largement améliorée en deux ans et elle est devenue très pratique, même si elle ne répond pas encore à toutes mes attentes.
Blogsy, application dédiée à la rédaction d’articles de blog
Reste un problème toujours : à mon goût, le clavier virtuel d’iOS est moins efficace sur l’iPad que sur l’iPhone. Cela peut paraître paradoxal, mais les touches sont trop grosses et trop éloignées pour rendre la saisie de texte confortable. Je n’y arrive pas vraiment, même si le clavier séparé d’iOS 5 fait un peu mieux dans ce domaine et je finis toujours pas utiliser un clavier externe pour les textes les plus longs. C’est, pour moi, une limite sérieuse à l’utilisation unique de l’iPad pour écrire, ce qui est après tout mon métier. Si je dois emporter un clavier externe en plus de la tablette, autant emporter un MacBook Air qui s’avère beaucoup plus agréable grâce à son clavier physique et pas beaucoup plus lourd, ni même beaucoup plus gros qu’un iPad.
Apple a répondu partiellement à cette critique avec le nouvel iPad qui hérite de l’une des fonctions de Siri, son assistant vocal réservé jusque-là à l’iPhone 4S. On peut désormais dicter du texte en utilisant la touche microphone ajoutée au clavier par défaut d’iOS. Bonne idée, mais pas toujours utile dans les faits : il faut Internet pour l’utiliser, et il faut se trouver dans un lieu silencieux où l’on peut faire du bruit… À mes yeux, le clavier physique reste donc indépassable pour les longs textes.
iCloud : tout est dans le nuage
L’avènement du cloud computing […] devrait favoriser des produits nouveaux, comme l’iPad. […] Il ne fait guère de doute qu'[Apple] finira par entrer dans la danse. À ce moment-là, l’iPad perdra peut-être son statut d’ordinateur de compliment pour devenir l’équivalent d’un ordinateur, dédié au grand public. — moi, juin 2010
En 2010, pour l’utilisateur de terminaux iOS, le cloud restait un concept encore assez vague. Apple faisait alors partie des entreprises les plus en retard dans ce domaine et on ne pouvait pas vraiment en profiter sur son iPad. Il y avait bien MobileMe, mais ce service de synchronisation de données ne prenait en charge qu’une partie limitée de ce que l’utilisateur souhaite transférer d’un endroit à un autre au quotidien.
Depuis, Apple a sorti iCloud. Ce service a remplacé MobileMe, il est devenu gratuit et il répond à l’une des critiques principales que j’émettais il y a deux ans contre la tablette. Le principe est simple : tout ce que vous avez sur un terminal (un iPhone, un iPad ou même un Mac ou secondairement un PC) est disponible immédiatement et de manière totalement transparente sur tous les autres terminaux que vous gérez. Prenez une photo sur votre téléphone, elle se retrouve immédiatement sur votre tablette ou sur votre ordinateur. Ajoutez un contact, un rendez-vous ou un marque-page sur l’ordinateur, vous l’aurez immédiatement sur tous les autres. À condition de disposer en permanence d’une connexion Internet, ce service apporte une valeur ajoutée indéniable à l’écosystème d’Apple et simplifie la gestion des données personnelles.
Il y a mieux encore : les développeurs peuvent utiliser iCloud pour y stocker les documents créés par leurs applications. Apple en a profité avec sa suite bureautique, mais d’autres applications ont suivi et adopté ce moyen très pratique d’accéder à ses documents quel que soit le terminal considéré. Un éditeur de texte comme Byword est compatible, mais on trouve aussi de plus en plus d’exemples sur l’App Store et la sortie à l’été de Mountain Lion, le prochain système pour Mac d’Apple, devrait encore accélérer ce mouvement. iCloud simplifie la vie des utilisateurs, mais ce service de synchronisation dans le nuage va beaucoup plus loin en supprimant complètement des concepts aussi anciens que ceux de fichier ou de dossier. Avec une application compatible iCloud, vous créez un document que vous retrouverez ensuite partout. Vous n’avez pas besoin de savoir où se trouve le fichier, ni même quelle forme prend ce document. Le fichier n’a plus de sens dans l’ère iCloud, c’est ce qu’il contient qui devient l’élément le plus important. Une véritable révolution dans l’histoire de l’informatique qui devrait d’abord simplifier la vie des utilisateurs les moins avancés.
L’ère du post-PC
Apple n’a pas souhaité proposer un terminal parfaitement autonome, ce qui est tout à fait sensible quand on l’allume pour la première fois : comme pour les iPhone, l’iPad a besoin d’être initialisé par iTunes avant de pouvoir être utilisé. La dépendance à iTunes reste totale puisque c’est toujours le moyen unique (du moins selon ce qui a été prévu par Apple) pour gérer un iPad. — moi, juin 2010
C’était peut-être le point le plus énervant avec le premier iPad : cette tablette que l’on voulait utiliser à la place d’un ordinateur avait constamment besoin d’iTunes… sur ordinateur justement. Ce point noir est désormais oublié, non pas tant grâce au nouvel iPad qu’avec la sortie d’iOS 5 ; la nouveauté concerne donc toutes les tablettes d’Apple, y compris celle que j’évoquais en 2010, mais aussi les iPhone et iPod touch. iTunes n’est ainsi plus indispensable pour charger des documents sur l’iPad, mais Apple est allé encore plus loin avec son dernier système mobile : iTunes n’est plus indispensable tout court.
Apple a réussi à couper le cordon et à rendre tous ses terminaux mobiles totalement indépendants d’un ordinateur. Au déballage d’un iPad par exemple, vous n’aurez plus le logo exigeant la connexion de la tablette à iTunes, mais un processus de démarrage réalisable entièrement sans ordinateur. Le système demande si vous souhaitez démarrer une nouvelle tablette ou partir d’une sauvegarde existante, et vous pourrez même dans ce cas utiliser iCloud et retrouver ainsi votre iPad dans le même état que précédemment avec une simple connexion Internet, les applications étant téléchargées automatiquement depuis l’App Store. C’est très efficace, à défaut d’être très rapide et ce processus donne à l’iPad toute son indépendance. On peut envisager de partir même sur une longue période avec uniquement la tablette : à condition de disposer d’une connexion Internet, on pourra tout faire sans ordinateur. Même la musique, par le biais du service d’écoute en streaming iTunes Match, et les vidéos, peuvent transiter exclusivement par les serveurs d’Apple…
Alors, peut-on se contenter d’un iPad aujourd’hui ? Sans surprise, la réponse dépend d’abord de vos besoins. Dans la majeure partie des cas, la tablette peut certainement remplacer votre ordinateur. Meilleure pour naviguer sur Internet, elle suffit de manière générale dans la plupart des tâches quotidiennes : mails, consultation de photos ou de vidéos sur Internet ou en local. À condition de prendre le temps de découvrir les bonnes applications et d’apprendre à les utiliser, l’iPad peut également faire office d’excellent outil de création. Il suffit de regarder iMovie ou GarageBand pour comprendre le potentiel de la tablette, mais il faut savoir composer avec leurs limites…
L’iPad est supérieur aux ordinateurs par certains aspects, faisant entrer l’informatique dans l’ère du post-PC annoncée par Steve Jobs, mais pas dans tous les cas. Certaines tâches simples sur un ordinateur traditionnel peuvent devenir un calvaire sur l’iPad : n’imaginez pas prendre une image, la redimensionner à une taille précise et l’optimiser pour réduire son poids avec la tablette, par exemple. Ce n’est pas encore possible, mais cela viendra sans doute avec le temps. Apple est dans un processus qui vise non pas tant à remplacer les ordinateurs traditionnels par des iPad qu’à rapprocher les deux univers. Les Mac ont beaucoup emprunté à iOS et à l’iPad ces dernières années, mais l’inverse est aussi vrai : les terminaux mobiles gagnent au fur et à mesure des fonctions supplémentaires et ils deviennent ainsi plus puissants et multitâches. Ils s’affranchissent au passage de plus en plus des ordinateurs traditionnels et même si iTunes est toujours plus efficace pour certaines tâches, on peut totalement se passer de l’application d’Apple.
Un processus fascinant que l’on aurait tort de bouder : si l’iPad ne sait pas en faire autant, il reste un appareil bien plus fun, plus rapide et même souvent plus efficace qu’un ordinateur. L’écran du nouvel iPad efface bien des critiques qu’on pourrait lui faire et si vous hésitez entre un iPad et un nouvel ordinateur, n’hésitez pas à essayer la tablette, vous serez sans doute surpris…
Crédit couverture : © The White House