It’s a sin nous transporte dans le Londres gay des années 1980, alors que le SIDA est en train de tuer des centaines de garçons dans l’indifférence générale. Le sujet n’est pas facile et même Russel T Davies n’a pas réussi à l’imposer comme il le voulait. Le créateur de la mythique série Queer as Folk a été contraint de réduire ses ambitions pour n’en faire qu’une mini série de cinq épisodes seulement. Cela se ressent à l’arrivée, on sent qu’il a fallu couper des éléments et réduire des arcs narratifs, mais It’s a sin n’en est pas moins une belle réussite. Cette plongée dans l’histoire est aussi réjouissante que glaçante, à voir.
Russel T Davies pourrait donner le sentiment de vouloir reproduire la recette de Queer as Folk avec son premier épisode qui réunit une bande de jeunes gays à Londres, loin de leur famille, libre de vivre sans se cacher. La recette est similaire, modernisée avec un casting plus diversifié, mais la maladie plane dès le départ. On est au tout début des années 1980 et personne n’a encore entendu parler du SIDA et du VIH, mais des gays commencent à mourir d’un mystérieux cancer dont on ne sait rien. Le créateur de la mini-série choisit d’affronter son sujet sans détour, avec la mort d’un personnages secondaire que l’on aurait pu imaginer important, puisqu’il est incarné par Neil Patrick Harris. Mais l’acteur américain n’est pas venu pour durer, sa mort à la fin de ce premier épisode fait presque office d’annonce pour ce qui va suivre. Une épidémie effroyable, parce que sans remède et surtout parce qu’elle reste trop longtemps méconnue. C’est d’ailleurs le plus gros succès d’It’s a sin, montrer comment le SIDA est resté pendant plusieurs années sous le radar, y compris au sein même de la communauté LBGT+. Le personnage de Richard Tozer, interprété par Ollie Alexander, est à cet égard particulièrement intéressant : il ne croit pas en cette maladie qui ne toucherait que les hommes homosexuels et il pense que c’est une théorie du complot destinée à faire peur et empêcher les gays de vivre comme ils l’entendent. Il serait facile de se moquer aujourd’hui, avec les connaissances que l’on a sur l’épidémie, mais son point de vue n’est pas entièrement idiot. Il faut se rappeler qu’il n’y avait aucune communication à l’époque, encore moins au Royaume-Uni et les personnages imaginés par Russel T Davies en apprennent davantage suite à un voyage de l’un d’eux à New York. Comment, dès lors, prendre au sérieux cette maladie ? Malheureusement, quand tout le monde autour de soi tombe malade et meurt, isolé dans une pièce d »hôpital, loin de sa famille et de ses amis. It’s a sin n’hésite jamais à montrer les conséquences du SIDA et pas seulement sur le plan médical. Ces cinq épisodes ne sont pas toujours joyeux pour cette raison, même si la création de Channel 4 n’est pas totalement plombée pour autant. Même si les années 1980 sont synonymes de SIDA dans le milieu gay, elles ont aussi été des années d’ouverture et de libération, notamment sexuelle, ce que la série ne manque pas de mettre en avant.
Il manque à It’s a sin ces trois épisodes refusés par Channel 4. Russel T Davies aurait pu ainsi mieux écrire certains personnages quelque peu délaissés ici, et surtout éviter les ellipses qui peuvent sembler brutales, notamment sur la fin. Ces réserves mises à part, la minisérie parvient à convaincre grâce à son excellent casting et son sujet, qui reste toujours d’actualité même si la séropositivité n’a plus rien à voir avec ces débuts terrifiants. Russel T Davies a signé une série dure et très belle, à ne pas rater.