Jason Bourne, Paul Greengrass

La saga Jason Bourne a marqué l’histoire du cinéma, ou du moins du blockbuster hollywoodien. Quand Paul Greengrass s’empare de la série en 2004 avec La mort dans la peau, il impose une manière de mettre en scène l’action qui a fait date et par la suite, tous les films à grand spectacle ont plus ou moins ressemblé à son travail. Mais la saga créée à l’origine par Doug Liman et basée sur les romans de Robert Ludlum vaut plus que pour son action, c’est aussi son contexte politique qui a fait son succès. Ce que, comme bien souvent, les producteurs n’ont pas compris, comme en a témoigné l’échec de Jason Bourne : l’héritage. En misant tout sur l’action, cette histoire parallèle ne tient pas la route et Tony Gilroy n’a pas le niveau de Paul Greengrass en matière d’action. Après cette tentative ratée, un cinquième volet dans la saga signe un retour aux sources. Nommé Jason Bourne, tout simplement, il reprend l’histoire du héros original avec la même équipe derrière lui. L’idée de revenir au meilleur de la trilogie était séduisante et force est de constater que le réalisateur n’a pas perdu la main, pas plus que Matt Damon. Le résultat est très plaisant, mais aussi un petit peu redondant… fallait-il vraiment donner une suite à la saga ?

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Près de dix ans se sont écoulés depuis La vengeance dans la peau et cela se voit naturellement sur visages des acteurs. Paul Greengrass a la bonne idée d’exploiter cette différence et même s’il n’y a pas de repère temporel précis, on sait qu’il s’est écoulé également plusieurs années depuis la fin du film précédent. Jason Bourne commence alors que le héros de la saga vit discrètement quelque part entre la Grèce et l’Albanie. L’agent secret a gardé la forme, mais ses traits tirés trahissent une certaine fatigue que l’on imagine plus morale que physique. Il vit au jour le jour grâce à des combats de rue, loin de la CIA qui le cherche toujours comme ennemi depuis qu’il a révélé l’existence du programme secret qui l’avait embauché, toutes ces années auparavant. Il fallait une excuse pour le faire revenir sur le devant de la scène et au cœur des préoccupations de l’agence et Paul Greengrass imagine que Nicky, une autre agent de la CIA qui l’avait aidé dans la trilogie originale, tombe par hasard sur une information capitale le concernant. Le père de Jason Bourne avait participé à l’élaboration du programme, ce qu’il ignorait complètement. Apprenant cela, il désire se venger et commence une longue course à l’homme dans le monde entier. Le patron actuel de la CIA, Robert Dewey, entend se débarrasser de l’agent secret devenu gênant et il le fait poursuivre par un nouvel Atout d’Athènes à Londres pour finir à Las Vegas. Cela vous dit quelque chose ? C’est là que le bat blesse en effet : la trame générale de Jason Bourne ressemble fort à celle des films précédents. Le sentiment de redite est indéniable et il ne quitte jamais vraiment le spectateur. On ne peut pas s’empêcher de comparer telle scène de course-poursuite qui rappelle une séquence des précédents films, ou bien tel personnage qui en rappelle un autre.

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En passant après les trois premiers films, Jason Bourne souffre naturellement de la comparaison. Pourtant, Paul Greengrass n’a pas oublié son savoir-faire et ce nouveau long-métrage prouve qu’il reste un maître en matière de courses-poursuites et de combats rapprochés. Pendant plus de deux heures, le cinéaste nous tient en haleine avec des séquences toujours parfaitement rythmées et filmées. La caméra bouge constamment, ce qui n’empêche pas que les scènes restent lisibles et claires de bout en bout. Par ailleurs, le script exploite des évènements contemporains, ce qui est malin : toute la scène à Athènes, par exemple, se déroule pendant des manifestations. Cela donne au long-métrage un cadre crédible et cela offre au réalisateur une dynamique de mise en scène. Toute cette séquence est un modèle du genre, et si Paul Greengrass a l’habitude de reconstituer ce genre d’événements, il l’entremêle ici à une action de haute volée. Plus tard, Jason Bourne montre à nouveau tous ses talents à Las Vegas, le temps d’un duel impressionnant entre l’agent et l’atout. Tout ceci est impeccable et haletant, ce qui est déjà ça de pris, mais on ne peut s’empêcher de se dire que les premiers volets avaient déjà proposé tout cela, et bien plus encore. Ici, le scénario essaie de se renouveler en adoptant les nouvelles technologies et les nouvelles problématiques, en premier lieu avec la surveillance de masse. Le nom de Snowden revient plusieurs fois, une entreprise privée doit lancer un nouveau service pour le compte de la CIA… ces ajouts sont malins et ils permettent effectivement de moderniser un petit peu l’intrigue. Même si, à l’arrivée, on retrouve toutes les composants que l’on connaissait déjà et même le retour sur le passé de Jason. C’était une bonne idée sur le papier, d’ajouter le rôle du père dans l’équation, mais Paul Greengrass le fait maladroitement. On ne croit pas tellement à ce fantôme du passé qui surgit sans prévenir, tandis que la relation personnelle avec l’atout est assez grossière.

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Et au fond, c’est sans doute ça, le problème de Jason Bourne. Le blockbuster est très bien mené, l’action est au rendez-vous, le spectacle est divertissant et Paul Greengrass reste le maître du genre. C’est plaisant, mais le fond qui faisait la différence dans la trilogie originale n’est plus vraiment là. Jason Bourne avait découvert la vérité à la fin de La vengeance dans la peau, tenter de prolonger cette idée en ajoutant un père qui n’avait jamais été abordé auparavant est un petit peu trop facile et on n’y croit pas. Au total, Jason Bourne n’est pas un film raté et on retrouve avec plaisir un personnage et une mise en scène toujours aussi efficace. Mais ce n’est pas non plus un ajout indispensable à la saga et il aurait peut-être été préférable d’en rester à l’épisode précédent.