Les adaptations de Comics se sont multipliées ces dernières années, mais quelque chose a définitivement changé. Fini le temps des adaptations premier degré où le superhéros sauvait l’humanité tout entière contre un terrible méchant. Le superhéros du XXIe siècle est beaucoup plus qu’un simple héros lisse, c’est au contraire un personnage torturé et souvent faible, un être humain avant tout en somme. Kick Ass confirme cette tendance en choisissant de présenter des héros sans aucun pouvoir et même pas dotés d’une force particulière pour former une caricature à la légèreté toute relative, mais très fun.
Si vous n’avez jamais vu de film de superhéros de votre vie, ou jamais lu de comics de votre vie et si vous ne voulez pas connaître la fin, mieux vaut s’abstenir de lire la suite et vous contenter des deux derniers paragraphes…
Dave est un ado tout à fait banal dans un lycée américain tout à fait banal aussi. Grand lecteur de comics, les lunettes rondes posées sous une tignasse, il a tout du gentil geek, celui que personne ne prend vraiment au sérieux, celui auquel on ne prête pas vraiment attention. Il préfère la compagnie d’un ami virtuel, avec qui il discute sur Internet pour, notamment, s’échanger les meilleurs sites X. Mais sa passion principale reste les comics : il passe beaucoup de temps à en lire, et il voit un peu le monde à travers leur prisme. D’ailleurs, c’est simple, il n’arrête pas de se demander pourquoi personne n’essaie sérieusement de jouer au superhéros. Son rêve serait d’être un superhéros, mais comme il le reconnaît lui-même avec beaucoup d’humour, son seul pouvoir être d’être invisible pour les filles. Un jour, il décide de prendre les choses en main et il achète une combinaison verte et jaune, sorte de caricature de ce que l’on peut faire de plus kitsch en matière d’accoutrement de superhéros. Avec cette combinaison, il affronte un jour une bande et s’en sort avec quelques plaies et surtout une renommée énorme sur Internet. Tout le monde l’adule, il est devenu le superhéros qu’il a toujours voulu être.
C’est en s’occupant d’une affaire en théorie banale pour le compte de la fille qu’il aime secrètement que notre héros s’attire de terribles ennuis. Il tombe en effet sur les hommes de main du mafieux local, Frank D’Amico, un terrible trafiquant de drogue à la tête d’une petite fortune et qui accepte mal que l’on tue ses hommes impunément. Kick-Ass se retrouve, pour ainsi dire, là par hasard puisqu’il s’est sorti d’affaire grâce à Hit-Girl, une étonnante de fillette de 11 ans très très douée pour le maniement d’armes en tout genre, mais toujours très dangereuses. Son père l’entraîne depuis toute petite pour qu’ils se vengent, tous les deux, de la mort de sa femme et de sa femme, une mort causée par le mafieux sus-cité, on s’en doute. Ce trio improbable de superhéros, un père Superman, une fillette meurtrière et un ado un peu mal dans sa peau, et totalement à côté de la plaque en matière de combats, vont ainsi affronter Frank et ses hommes, dans un combat qui va crescendo pendant tout le film.
Le scénario n’est pas très original, c’est le moins que l’on puisse dire. Il ne dévie jamais vraiment des canons du genre, avec un combat final entre le très méchant et les gentils, et évidemment la victoire finale simplement obscurcie d’une ouverture vers un second opus et le fils qui prend le relais du père. Si vous avez déjà vu les adaptations de ces dernières années, par exemple la série de Spiderman, vous serez en terrain connu avec Kick-Ass. Toutes les étapes ont été scrupuleusement respectées, du héros malheureux dans on état normal, qui se découvre superhéros par une série d’épreuves et autant d’apprentissages, qui mène ensuite une double vie avec évidemment une confrontation à l’amour, et qui finit par s’opposer à un grand méchant avant d’abandonner, au moins pour un temps, son statut de superhéros.
Ce scénario ultra convenu n’est néanmoins pas un défaut pour Kick-Ass. Au contraire puisque ce film parodique se joue des conventions pour mieux les détourner. Tout est pris à la légère dans ce film, même la perte d’un être proche passe comme si de rien n’était. Les affrontements sont terribles, mais on peut se prendre une dizaine de coups de batte puis repartir au combat, comme si de rien n’était. Une fillette de onze ans peut aussi, seule, venir à bout d’une dizaine de gars surarmés, avec seulement deux pistolets et quelques armes tranchantes. Si le doute était encore permis par ce simple énoncé, le réalisateur appuie le second degré en filmant au ralenti, « à la Matrix« , le tout sur une bande-son composée de métal bien lourd, histoire d’en ajouter une couche. Le film commence comme une caricature du teenage movie, se poursuit comme une caricature du film de comics. Ce film est une vaste caricature et cela fonctionne très bien, on rit de bon cœur ou au moins on s’amuse à l’avance de prévoir les chutes et le brusque retour à la réalité. Kick-Ass est, à tout le moins, un film très fun.
Mais la dernière adaptation en date d’un comics a également d’autres intérêts. Comme je l’évoquais en préambule, Kick-Ass confirme que l’on ne peut plus faire de films de superhéros au premier degré en 2010. Celui-ci choisit clairement le second degré, mais il recycle aussi ce qui est en passe de devenir des lieux communs du superhéros moderne. Doutes existentiels (qu’est-ce qui fait le héros ? et quelles différences avec le superhéros ? pourquoi ne peut-on pas se déclarer superhéros et sauver les gens ?, etc.), hésitations perpétuelles notamment en lien avec l’amour (sauver les autres vaut-il le sacrifice de sa propre vie sentimentale ?), quête identitaire avec ici très clairement le passage à l’âge adulte et la relation essentielle avec les pères, les mères étant totalement absentes du film. Kick-Ass brasse ces thématiques, parfois sur un mode humoristique — le cliché du superhéros gay par exemple —, mais parfois plus sérieusement. Le fait qu’un père entraîne sa fille à manier des armes quand elle devrait jouer aux poupées est intéressant : est-ce de l’endoctrinement ? En tout cas, cette Hit-Girl semble bien plus épanouie que le héros supposé du film… Le film sait être politiquement incorrect et il est assez violent et noir. Sans atteindre la force d’un Dark Knight ou d’un Watchmen (ce qui est plutôt logique pour une caricature), Kick-Ass est beaucoup plus sombre que prévu.
Bien sûr, la thématique essentielle du film reste la question de savoir ce qui fait un superhéros. Comme le rappelle l’affiche (« Pas de pouvoirs ? Pas de problème !« ), le superhéros ne se définit plus en fonction de ses pouvoirs, mais bien plus de sa capacité d’imagination et de la reconnaissance de la société. À cet égard, Kick-Ass est intéressant : d’une part, c’est sans doute le premier film de superhéros où la culture des comics est omniprésente. On y fait constamment aux superhéros, aux vrais, ceux des comics donc et Kick-Ass est comparé qui à Spiderman, qui à Superman. Les références sont explicites (au début du film, Dave explique qu’il n’a jamais été mordu par une araignée) et constituent un socle original pour un film… de superhéros. Comme si Matthew Vaughn indiquait par là que l’on ne peut plus faire un comics en oubliant tous les comics qui ont précédé. Je trouve en tout cas très intéressante cette inclusion de l’univers des comics dans l’adaptation d’un comics. Plus banal malheureusement, le film dresse le portrait convainquant d’une société obnubilée par l’image et l’émotion de l’instantané et où il est préférable de filmer une scène de barrage à distance, protégé derrière une vitre en position de spectateur, plutôt que d’agir, ne serait-ce qu’en appelant les secours. La scène d’exécution en direct fait, quant à elle, un écho étrange aux vidéos des prises d’otage par les talibans.
Kick-Ass est ainsi un film de superhéros bien ancré dans son temps. Caricature amusante du genre portée par des acteurs plutôt convaincants (Nicolas Cage en Big Daddy est amusant, sa fille, jouée par Chloë Grace Moretz, est fascinante) et une réalisation un peu lourde, mais rythmée et efficace, ce film se révèle être une bonne surprise. Matthew Vaughn réussit, je trouve, son pari de faire un comics décalé, mais j’espère que le filon ne sera pas trop juteux. Le concept était amusant la première fois, je doute qu’une suite (déjà en préparation) soit à la hauteur. L’avenir nous le dira…
En attendant sa sortie en salle, le 21 avril 2010, vous pouvez lire la critique très positive de mon homonyme sur Filmosphère ou les avis plus mesurés de Chandleyr et de Rom_J. Ce dernier pose une question intéressante sur la part de responsabilité des studios, le film ayant été réalisé en partie de manière indépendante.