Kingdom, Kim Seong-hun (Netflix)

Peut-on encore vraiment innover avec des zombies ? Ces créatures entre la vie et la mort ont alimenté les fantasmes et des milliers d’œuvres, mais Kingdom prouve bien que tout n’a pas déjà été fait. Cette série sud-coréenne portée par Netflix offre une relecture rafraîchissante, avec des zombies nocturnes dans un environnement médiéval. Entre la fresque historique et le film catastrophe, Kim Seong-hun trouve sa propre voie et la première saison, composée de six épisodes seulement, est réjouissante. Malgré quelques défauts, elle parvient à créer une attente pour la suite, dont le tournage va commencer très prochainement. C’est bien le signe de sa réussite : Kingdom offre une nouvelle variante très fun autour du mythe du zombie, à ne pas rater.

L’un des plus gros défauts de cette première saison est qu’elle prend beaucoup trop de temps à démarrer. Alors même qu’elle n’est composée que de six épisodes, elle fait patienter jusqu’à la fin du deuxième pour enfin entrer dans le vif du sujet et enfin présenter les zombies que l’on attendait. Dans l’intervalle, Kingdom essaie de faire monter la sauce, mais ses deux premiers épisodes constituent une introduction trop lente aux personnages principaux. Lente et un petit peu empesée aussi, il faut dire qu’il faut s’habituer à un style teinté de kitsch que l’on ne voit pas fréquemment sur nos écrans. Et puis les acteurs principaux ont aussi du mal à trouver leur marque, tout particulièrement Ju Ji-hoon qui incarne le prince héritier et qui est assez transparent au début. Il lui faudra du temps, lui aussi, pour trouver son rythme et sa place et pour s’imposer davantage à l’écran. Bref, on sent que la série de Netflix patine un petit peu au démarrage, mais elle mérite un effort de votre part pour persévérer. Les quatre derniers épisodes de la saison haussent le ton, le réalisateur trouve son bon rythme alors que l’épidémie prend de l’ampleur et que les attaques entre zombies et humains s’intensifient. L’univers particulier de Kingdom peut alors s’exprimer à plein et on découvre cette variante originale des créatures pas tout à fait mortes. Elles ressemblent un petit peu aux vampires, en n’agissant que de nuit. Quand le soleil se lève, les zombies se cachent tous sous les maisons ou un caillou, jusqu’au crépuscule où ils sortent à nouveau. Ils se nourrissent exclusivement de chair humaine vivante et ils contaminent par une morsure ou par leur propre chair, ce qui a son importance. Kim Seong-hun dévoile petit à petit tous ces éléments, c’est une sorte de puzzle que le spectateur peut reconstruire avec les indices fournis dans chaque épisode. Outre cette relecture atypique du mythe des zombies, la série surprend par sa critique explicitement politique. Dans Kingdom, le pire ne vient pas de zombies assoiffés de sang, même s’ils peuvent dévorer leur enfant sans hésiter. Non, les comportements les plus odieux proviennent systématiquement des puissants, les nobles et notables qui font tout pour se protéger, sans jamais se soucier de la population. Quand les zombies attaquent, ils les prennent d’abord pour des manants. Quand le moment est venu de fuir, ils partent uniquement entre eux et avec leurs richesses. Et que dire des manipulations grossières au plus haut de l’État, où une famille est prête à absolument tout pour prendre le pouvoir, même laisser la moitié du pays mourir. Kim Seong-hun réalise un film historique qui se déroule visiblement il y a longtemps, mais on sent bien que cette vision du monde politique et de l’argent est dirigée directement contre la Corée contemporaine. Les zombies ont souvent servi de véhicule à des attaques politiques, mais cela a rarement été aussi explicite et glaçant que dans Kingdom.

Au bout du compte, cette première saison donne vraiment envie d’en voir plus. La série de Netflix a quelques défauts, outre son départ un petit peu lent, avec un style qui est parfois un poil ampoulé et quelques facilités de scénario. Mais tout cela est vite oublié, tant le spectacle est fun et réjouissant, avec une bonne dose d’humour qui est conservée jusqu’au bout. Kingdom offre une relecture novatrice du mythe du zombie et Kim Seong-hun trouve le bon rythme et le bon style au fil de la saison. En espérant que la suite maintienne ce bon niveau, voilà une série plaisante qui mérite d’être vue !


Kingdom, saison 2

(16 mars 2020)

La première saison de Kingdom avait agréablement surpris par son univers et sa vision originale des zombies. Malgré quelques défauts, en particulier de rythme, ces six épisodes étaient très plaisants et surtout prometteurs. On sentait bien que Kim Seong-hun posait un univers appelé à s’enrichir par la suite, et c’est justement le rôle de la deuxième saison. Netflix reste sur un format court avec six épisodes supplémentaires seulement, mais un changement d’ampleur qui était nécessaire. Kingdom se contentait très largement de présenter la maladie et ses maux, cette suite doit maintenant construire sur cette base. Hélas, le résultat n’est pas aussi bon qu’on l’espérait, avec trop de passages à vide et des lenteurs régulières.

Et pourtant, on s’arrêtait sur un cliff-hanger totalement dingue : les zombies jusque-là strictement nocturnes attaquent en plein jour. Une belle idée qui relance cette saison sur les chapeaux de roue, avec la fin de la bataille préparée à la fin de la précédente. Mais passé ce cap, les scénaristes patinent et se focalisent très vite sur les seules intrigues de cour. Kingdom a toujours été éminemment politique, il s’agissait déjà dans les six premiers épisodes de dénoncer les agissements des plus riches et on n’est pas surpris de retrouver cette tendance dans cette suite. Néanmoins, l’équilibre était auparavant maintenu avec une action bien menée et surtout un rythme effréné. On perd ici largement ce rythme, à part dans une ou deux séquences, et en s’arrêtant, la création de Kim Seong-hun perd aussi en force. Les intrigues de cour sont moins bien présentées et on s’ennuie à plusieurs reprises, surtout vers la fin. Il faut dire que Kingdom a aussi la fâcheuse habitude de tout expliquer, détailler la moindre action des personnages. Tant mieux pour les spectateurs distraits, tant pis pour ceux qui suivaient et qui doivent subir lentement les explications de ce qui était déjà parfaitement clair. Ajoutez à cela une dose un petit peu trop élevée de pathos pas toujours bien maîtrisée, et vous obtenez un ensemble assez bancal.

Malgré ces défauts, la brièveté de cette saison sauve Kingdom et on regarde sans trop de difficulté ces six nouveaux épisodes. Et puis la fin laisse entrevoir une troisième saison prometteuse, peut-être sur de nouvelles bases plus intéressantes. On quitte la série coréenne la curiosité titillée, en espérant que la suite redresse le tir et évite de se perdre à nouveau dans des intrigues de cour mal gérées.