La vie est un long fleuve tranquille, Étienne Chatiliez

Certains films cultes vieillissent mieux que d’autres. Malheureusement pour Étienne Chatiliez, le sien a très mal vieilli. La vie est un long fleuve tranquille fait pourtant partie de l’héritage cinématographique français et ses répliques sont aussi cultes que celles d’autres comédies des années 1980, à commencer par Le Père Noël est une ordure. Ce premier long-métrage a connu un gros succès à sa sortie et quatre César sont venus le récompenser, mais la comédie très drôle attendue n’est pas au rendez-vous. On rigole franchement pendant les séquences cultes, mais on s’ennuie un peu devant ce scénario caricatural au possible le reste du temps…

La vie est un long fleuve tranquille etienne chatiliez

L’histoire n’est pas nécessairement originale, mais elle est bien trouvée : deux enfants issus de deux milieux sociaux complètement différents, qui naissent le même jour et qui sont échangés peu après leur naissance. Douze ans après, l’infirmière qui a fait l’échange se venge contre le chirurgien qui ne veut pas l’aimer et révèle toute l’affaire en envoyant des lettres aux deux familles. Étienne Chatiliez ne fait pas dans la demi-mesure pour ces familles et c’est en grande partie le problème de son film. La vie est un long fleuve tranquille est si caricatural avec la famille pauvre constituée exclusivement de fainéants et de voyous d’un côté, et de l’autre la famille bourgeoise aisée où tout le monde est si poli que l’on se vouvoie entre époux et entre le père et les enfants. La caricature est si grosse qu’elle ne fait plus vraiment rire ; elle est surtout prévisible, ce qui est encore plus gênant. D’ailleurs, même si l’échange des naissances est présenté comme un coup de théâtre, on s’en doutait en amont, puisque les deux enfants concernés étaient différents du reste de leurs familles adoptives. Du côté des pauvres, chez les Groseille, Momo est mieux élevé que ses frères et sœurs, il est plus intelligent aussi. En face, chez les Le Quesnoy, Bernadette pose des problèmes et fait constamment des bêtises. Tout cela est un peu lourd et la suite du film ne s’arrange pas, avec des ficelles énormes autour des questions d’héritage génétique et d’éducation. Le sujet était intéressant et aurait pu donner un bon film, mais La vie est un long fleuve tranquille reste trop simpliste et finit par ne plus faire rire.

Restent, malgré tout, la petite dizaine de séquences devenues cultes à raison. Le prêtre qui chante, le sourire naïf sur son visage, Jésus reviens pour la fête du catéchisme est tordant. Il y a aussi des mots entrés dans l’imaginaire collectif, du « C’est lundi, c’est raviolis ! » jusqu’à cette séquence où le chirurgien répète inlassablement « La salope ! » et quelques autres encore. La vraie réussite d’Étienne Chatiliez, celle qui mérite finalement de (re)voir La vie est un long fleuve tranquille malgré ses défauts, c’est bien le personnage de Marie-Thérèse. La bonne à l’accent belge qui se fait engueuler par la mère de famille parce qu’elle est enceinte donne lieu à l’une des séquences les plus drôles du film, mais le personnage est l’un des plus drôles pendant tout le long-métrage. Une vraie réussite, mais on aurait aimé plus d’humour comme celui-ci et un peu moins de clichés faciles. Seuls les plus grands fans et les nostalgiques devraient encore aujourd’hui éprouver suffisamment de plaisir avec ce film qui a décidément mal vieilli, et c’est malheureux…