Ce soir, je suis allé voir Le roi lion, la comédie musicale issue du film présentée depuis un ans au théâtre du Mogador à Paris, et depuis 1997 (!) aux États-Unis, à Broadway of course. Autant le dire d’emblée, j’étais très sceptique à l’idée d’aller voir cette comédie musicale. Pas grand fan des comédies musicales en général (c’est un euphémisme), j’avais bien sûr un bon souvenir du dessin animé de Walt Disney, mais justement, c’était un souvenir et un souvenir d’enfance. Autant aussi le dire tout de suite, je suis ressorti avec le sourire au lèvre, heureux d’avoir été dans cette salle pendant les trois heures du spectacle, bref je ne regrette pas d’y être allé et vous encourage à en faire autant si ce n’est pas déjà fait !
Avant d’en venir au spectacle lui-même, quelque mot quand même sur ce véritable phénomène planétaire comme seuls les Américains savent en faire. La comédie musicale fait suite à un premier essai chez Disney, une adaptation de la Belle et la Bête déjà couronnée de succès, au milieu des années 1990. Chez Disney, on sent que Le roi lion, qui sort aussi à cette époque, aurait aussi du potentiel sur les planches de Broadway : la comédie musicale était née, sur le papier. Restait à concrétiser cette idée et le projet est confié à Julie Taymor, ce qui est un choix étrange, je trouve, de la part de Disney, mais un choix qui se révèle décisif dans le succès de la comédie. En effet, Julie Taymor a un parcours plutôt étonnant puisque sa formation théâtrale est parisienne (études à l’École internationale de Théâtre Jacques Lecoq) et elle est considérée, de l’autre côté de l’Atlantique, comme faisant parti de l’avant-garde théâtrale. Son choix a été de réellement adapter le dessin animé en une comédie musicale : l’idée n’était pas de mettre un dessin animé sur des planches, mais de faire du théâtre. Et du théâtre, c’est-à-dire d’abord des êtres humains : comme on le verra, ils ne se cachent pas sur la scène. Par ailleurs, Julie Taymor ne se cantonne pas à un genre en particulier : elle ne fait pas du Broadway, même si bien sûr c’en est ; ses inspirations sont multiples et l’Afrique y a une part importante, ce qui est normal me direz-vous pour le thème, mais qui n’était pas forcément évident outre-Atlantique. La musique originale du dessin animé, composée Elton John et Tim Rice, a été reprise et complétée, par les deux mêmes, pour remplir le show qui dure deux fois plus longtemps.
Dès sa création, le succès fut immédiat et a très rapidement dépassé les États-Unis puisque le spectacle a été présenté à Londres, Shanghai, Tokyo, Hambourg, Sidney… et Paris donc. À chaque fois, le succès a été présent grâce à un spectacle traduit mais conservé dans l’esprit. D’après le site officiel, ce seraient ainsi 45 millions de spectateurs à travers le monde qui auraient vu ce spectacle ! Même si d’aucuns (j’ai des noms) y sont allés plusieurs fois, ce nombre donne quand même un peu le vertige.
Les présentations terminées, venons-en au fait, le spectacle lui-même. Dans ce théâtre parisien rénové pour l’occasion (c’est dire si le spectacle doit être rentable !), le public est varié, des plus jeunes à leurs parents, et même des personnes d’un âge plus respectable disons. On retrouve globalement le public parisien habitué, mais ce mélange générationel fait plaisir et met dans l’ambiance.
Les lumières s’éteignent, les percussions commencent et on entre immédiatement en Afrique. Le chant qui commence alors renforce ce sentiment, avant que ne s’ouvre le rideau et là, première scène du musical et scène d’anthologie, les animaux arrivent. Chaque soir, il y a une quarantaine d’artistes sur scène et, évidemment, aucun animal. Les animaux sont donc joués par des hommes et femmes et ce qui est formidable, comme idée, c’est que l’on voit plus les hommes que les animaux, mais que l’on oublie totalement les hommes. On pourrait parler pendant des heures des costumes, de leur ingéniosité (comme ces masques de lion qui s’abaissent quand l’acteur baisse le dos, des masques créés à la main par Julie Taymor !), de leur beauté (certains sont littéralement magnifiques) mais je crains que les mots ne suffisent pas. La constante des costumes est toutefois la simplicité et la suggestion. Julie Taymor voulait apparemment suggérer par là que cette histoire d’animaux était d’abord une histoire universelle et une histoire profondément humaine. Ça n’est pas faux en effet, et c’est plutôt bien trouvé je trouve car cela &vite le travers n°1 de ce genre d’adaptation, à savoir quelque chose de niais.
En effet, si le spectacle est bien sûr prévu pour les enfants, les adultes ne sont pas en reste non plus. L’un et l’autre comprennent et voient des choses différentes et tout le monde sort satisfait du spectacle. Et puis, disons-le, tout adulte que nous sommes, nous redevenons des enfants devant ce spectacle qui a vraiment quelque chose de magique. Pour vous donner idée, les animaux arrivent, pour la première scène (celle de la présentation du nouveau-né, comme dans le dessin animé) par l’orchestre, au milieu des fauteuils. Et arrive à côté de vous un énorme éléphant, des girafes, des oiseaux et tout le bestiaire, le tout sur la musique hyper connue (Le cercle de la vie) : on pourrait avoir peur, mais ça marche, on est pris au jeu…
Outre des acteurs portant des costumes d’animaux, le spectacle utilise toutes les techniques imaginables pour augmenter le bestiaire du spectacle : toile pour suggérer un troupeau, système d’antilopes montées sur une sorte de gros vélo (il faut le voir pour bien comprendre), mais aussi ombres chinoises par exemple.
Comédie musicale oblige, les artistes chantent, jouent et dansent. Au sujet de cette dernière, on peut noter une volonté d’ouverture, avec un peu de tout, de la danse classique à la danse moderne en passant même par un zeste de hip-hop. Ça n’est vraiment pas mon rayon, donc je ne m’étendrais pas dessus, mais j’ai trouvé qu’elle passait très bien.
Mais ce qui m’a le plus marqué dans ce spectacle, c’est bien les décors. Ils sont à la fois simples, efficaces et magnifiques. Simples car, finalement, il n’y a quasiment pas de décor en dur, tout est suggéré par l’utilisation combinée de la lumière et de toiles. La scène s’ouvre, monte, descend selon les circonstances et participe du décor. Mais le principal reste les toiles, très nombreuses, baissées ou montées selon les occasions, utilisées toujours très intelligemment pour suggérer un décor. Un arbre pour Rafiki, la savane ou la grotte des hyènes, le désert ou la jungle : tous les décors sont transcrits grâce à ces toiles et la lumière, très vive et très belle. Mais de manière originale, les acteurs se font parfois décors en devenant herbe (que ce soit par un chapeau, ou même carrément des brins d’herbe qui sont comme plantés sur tout leur corps).
Les décors sont vraiment le signe d’une intense et fructueuse recherche pour adapter le dessin animé. Certaines sont à couper le souffle, comme celle de la mort de Mufasa, quand Simba est dans le défilé où le troupeau passe. Les bêtes sont successivement signalées par un jeu d’ombre, puis par une toile, puis par des marionettes, par des acteurs, et enfin des acteurs derrières de gros masques pour suggérer le mouvement. Suggérer, c’est vraiment le maître-mot de ces décors, et je dois dire que la mission est réussie. Si j’essaie d’illustrer un peu cet article, les photos ne rendent absolument pas justice à la réalité…
Outre les décors, l’autre élément essentiel de cette comédie musicale est, bien entendu, la musique. Je ne suis pas un grand fan d’Elton John, c’est le moins que l’on puisse dire. Et globalement, les chansons ont toujours été ce que j’aimais le moins dans les dessins animés de Walt Disney, exception faite du Livre de la Jungle bien sûr, mais aussi du Roi Lion (j’étais très fan de Hakuna Matata). Donc j’avais un a priori mitigé et je suis reparti très satisfait. J’ai beaucoup aimé le mélange de musique africaine, qui passe surtout à travers les percussions et certains chants, et pop avec les traditionnels tubes. Les chants sont agréables, ne semblent pas arriver comme des cheveux sur la soupe, bref rien à dire sur ce point.
Je dois absolument signaler la performance exceptionnelle de la chanteuse derrière Rafiki, Zama Magudulela. Chanteuse sud-africaine, elle a une voix puissante et juste, parle très bien les dialectes africains que son rôle lui amène à parler, et conserve un accent quand elle parle en français, ce qui tombe très bien pour son rôle. Je le dis carrément, pour moi le spectacle aurait été bien différent sans elle pour interpréter Rafiki, j’ai été soufflé par sa prestation (d’autant qu’elle est encore jeune).
La bande son est assurée par un véritable orchestre de 17 musiciens qui jouent en direct chaque soir une partition variée mêlant instruments classiques et modernes (dont au moins une guitare électrique). Le résultat est très plaisant à l’oreille, souvent entraînant et soutient idéalement les chants.
Bon, il est temps maintenant de conclure. Ça n’est pas totalement rationnel, loin de là, mais j’ai aimé Le roi lion en musical. En fait, la raison en est peut-être simple : comme le souligne cet article, on distingue en français les musical des comédies musicales. Ces dernières sont plus proches du concert de pop que du théâtre, alors que les musical sont encore proches du théâtre et de l’opéra. Je trouve ça plutôt bien, comme distinction car elle recoupe des analyse de terrain. Dès les premières secondes, la différence avec les comédies musicales telles que celle que la France a subi connu ces dernières années frappe le spectateur. On est emporté parce qu’il convient de qualifier de show à l’américaine, ce qui ici n’a absolument pas le sens négatif qu’il pourrait avoir par ailleurs.
Un show qui vous emporte, vous fait oublier le monde extérieur, vous fait retourner en enfance, et vous fait sortir avec le sourire : après tout, quoi de mieux ?
Toutes les photos proviennent de ce blog dont je remercie l’auteur pour les informations qu’il y propose… Le site officiel est accessible via l’affiche… Vous y trouverez notamment quelques vidéos.