L’échange : même les grands peuvent se planter…

Les films de Clint Eastwood, comme pour quelques rares autres réalisateurs, je vais d’habitude les voir sans discuter. J’avais beaucoup aimé Million Dollar Baby et surtout son récent diptyque (Mémoire de nos Pères et Lettres d’Iwo Jima). Mais je n’ai vu L’échange que cette semaine, soit pendant la cinquième semaine de diffusion. Ce décalage est clairement lié à une réception critique peu enthousiaste, et avec des arguments convaincants à mes yeux : sujet de pathos, classicisme à l’extrême, bref rien qui pouvait me plaire.

Et en effet, je suis déçu. N’aimant pas parler de ce que je n’aime pas, je vais être bref pour une fois.

L'échange

L’échange raconte l’histoire vraie d’une femme qui perdit son enfant dans les années 1920, à Los Angeles et qui ne le retrouva jamais, alors que la police disait l’avoir retrouvé. Cette femme fut internée quelque temps pour ça avant que lumière soit faite sur son cas, aidée par un pasteur dans une sorte de quête contre la police et le gouvernement corrompus.

Ce thème de l’homme face à la machine du système n’est pas nouveau — c’est même un topos de la culture occidentale (le classique du genre étant, bien entendu, le Procès de Kafka) — et il est ici renforcé par le fait que l’homme en question est une femme, l’oscarisée Angelina Jolie donc. En soit, je n’ai rien contre et on retrouvait cette idée dans Million Dollar Baby qui m’avait bien plu, la fin exceptée. Mais là, ça ne marche pas et je pense que c’est à cause du syndrome du trop.

Clint Eastwood, en effet, en fait trop, bien trop, et c’est vraiment dommage. Il fait trop long déjà : quasiment deux heures et demie, en soi, pourquoi pas, mais à la fin, je commençais sérieusement à me demander si le film allait s’arrêter, enfin, un jour ! Que de longueurs dans le récit, dans certains plans. Sans vouloir dévoiler l’intrigue (même si, honnêtement, on ne peut pas parler de suspense haletant), elle comporte un ultime rebondissement quelques minutes avant la fin et là, je me suis dit, « ah non, pas encore ! ».

Je suis pourtant bon public, mais si j’ai trouvé le temps long, c’est que j’ai aussi trouvé le film peu intéressant. Enfin, le sujet était intéressant, pas la réalisation. Le classicisme nuit, à mes yeux, au film : tout est lourd et aussi rigide que la héroïne. Parlons-en : outre le fait que l’on ne voit que son rouge à lèvres (sauf, pause salutaire, quand elle est internée), Angelina Jolie joue un rôle assez simple puisqu’il consiste à ne jamais laisser rien transparaître, à ne surtout rien exprimer et rester bien droite. Par moment, on a même l’impression qu’elle se contrefiche de son gamin et ça n’est pas ses cris trop cinématographiques qui pourraient enlever ce sentiment. Non vraiment, je l’ai trouvée… ben aussi mauvaise que d’habitude je dirais. Je la préfère à la limite en Lara Croft ou en Mrs Smith finalement. Ici, elle retrouve le rôle qu’elle avait dans Un cœur invaincu qui m’avait plus convaincu (maintenant que j’y pense, c’est d’ailleurs bizarre).

Le pathos est clairement un problème du film. Trop de violons tuent le violon, je l’ai toujours pensé, et ici, Eastwood tombe allègrement dans le piège. On sent qu’il a été indigné par cette histoire et qu’il souhaite la dénoncer : fort bien, mais ça n’est pas en insistant beaucoup trop comme il le fait ici que cela fonctionne, en tout cas pas pour moi. Les scènes sont attendues, elle pleure quand il faut et on est incité à pleurer avec. L’autre gros problème, qui est lié au précédent, c’est la dualité du film : d’un côté, il y a des méchants très méchants (ouh ça oui) : les policiers, les responsables de l’asile, le tueur diabolique. De l’autre, il y a les très gentils qui sacrifient leur vie au service du Bien (notez la majuscule) : la môman, le gentil pasteur… Quand on se souvient de ce que ce réalisateur avait pu faire sur le Iwo Jima, on est en droit d’être déçu par cette vision du monde !

Bon, je voulais faire court et c’est déjà raté. Je ne vais pas m’acharner sur le film d’un réalisateur que j’aime par ailleurs bien. La morale de cette histoire, c’est bien que même les plus grands peuvent se planter, car, comme qui dirait, errare humanum est. Bon et puis il a bien fait apparemment, puisque cela plait au grand public…

Mes critiques préférées sont plus sympathiques que moi sur le film : tant Télérama, que les Inrockuptibles ou Critikat.