Les joies de la HIFI…

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Je me rappelle que lorsque j’ai placé pour la première fois les q-Jays dans mes oreilles, je retrouvai la même sensation que lorsque j’avais placé sur ma tête pour la première fois les Porta Pro, mon premier vrai casque (et casque mythique s’il en est). On a alors un sentiment étrange, celui de la découverte d’un monde nouveau. La musique n’était plus seulement un air reconnaissable, elle prenait brusquement une consistance insoupçonnée, une présence spatiale qui donnait l’illusion, à condition de fermer les yeux, d’avoir en face de soi un vrai groupe jouant effectivement la musique.

Je m’égare un peu dans ce souvenir, mais ce fut vraiment quelque chose d’important, la découverte d’un nouveau monde jusque-là totalement ignoré. Comme mon père avant moi, j’étais tombé dans le piège de la HIFI. un piège en effet puisqu’une fois que vous y avez mis les pieds, un engrenage infernal se met en mouvement et vous ne pouvez plus vous en extirper. Le principe de la HIFI est, en effet, qu’il existe toujours mieux quelque part, de meilleures sources qui feront encore plus sortir de vos disques, de meilleurs amplis pour transcender ces sources et évidemment de meilleures enceintes sans qui tout ce qui précède serait vain. Quand on a gouté à quelque chose, on est alors curieux de savoir ce que vaut le modèle supérieur qui nécessite d’allonger encore un peu plus d’argent. Mais on sait très bien que ce modèle n’est pas le Graal, qu’il existe encore mieux, encore plus cher. Un audiophile n’est, par définition, jamais satisfait, puisqu’il y a toujours mieux. Le problème évidemment est d’avoir des sous pour satisfaire cette envie et on connait alors les hésitations éternelles de celui qui essaie de savoir si l’argent dépensé en plus est justifié par une qualité sonore vraiment supérieure.

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J’ai connu à trois reprises cette sensation grisante du gouffre qualitatif, d’un avant et d’un après totalement différent et irréconciliable. Le Porta Pro je l’ai dit, le Sennheiser HD555 qui me reste fidèle quand je suis chez moi, et depuis le mois d’avril, les q-Jays premiers intras haut de gamme que j’essaie et premier appareil à être au niveau des Sennheiser voire au-delà dans certains domaines. Je pensais donc avoir atteint mon Graal, c’est-à-dire le niveau à partir duquel ma bourse ne me permet de toute façon pas d’avoir mieux.

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C’était sans compter sur une règle immuable pour toutes choses et en particulier pour le matériel informatique ou audio. Si un prix est bas, c’est qu’il y a une raison. Soit la qualité du son en pâtit, soit le constructeur a rogné sur les prix ailleurs. Le son étant impeccable, les Suédois de Jays ont réduit le prix de production dans la solidité de ses écouteurs et notamment du câble. Après 5 mois d’utilisation globalement soigneuse, mais certes pas maniaque, mes écouteurs sont en train de me lâcher, cédant au niveau de la séparation entre les deux voies. Pour le prix c’est tout bonnement scandaleux d’autant que la raison est stupide : apparemment La Fontaine n’a jamais débarqué dans les programmes scolaires suédois, car sinon ils sauraient que la souplesse est gage de solidité. Certes renforcer le câble de Kevlar pour en garantir la solidité est une bonne idée en soi, mais sur les q-Jays cela signifie aussi que le câble est rigide, très rigide.

Cette rigidité est la cause de tous les maux de ce casque, par ailleurs merveilleux. D’une part, tout frottement sur le câble est amplifié vingt fois dans la boite crânienne, même le frottement du vent ! Autant dire que l’on a en permanence de désagréables bruits en plus de la musique, et qu’il vaut mieux éviter d’essayer de manger avec… D’autre part, on l’aura compris, cette rigidité fait que le câble est très cassant : au lieu de se plier gentiment comme tout câble de qualité prévu pour la portabilité devrait être capable de le faire, celui des q-Jays forme vite des angles droits inspirant, à raison, peu de confiance. Enfin, la rigidité fait que des fils dépassent de partout, notamment à droite et à gauche des oreilles quand, comme moi, on aime mettre un fil derrière la nuque. On a l’air ridicule, ce qui n’a apparemment encore tué personne, mais surtout c’est vachement pratique pour attraper du fil tout ce qui traine et donc immanquablement retirer involontairement les écouteurs de l’oreille. Bref, ce Kevlar est la parfaite fausse bonne idée et on aurait vraiment apprécié que les ingénieurs de chez Jays réfléchissent un peu plus avant de se lancer là-dedans.

Bref, voyant ce désastre et surtout constatant avec effroi que contacter un SAV en Suède après une commande chez Amazon France relève du parcours du combattant (mais pourquoi diable tout le monde ne s’inspire pas d’Apple en la matière ??), je décidai à contrecœur d’acheter une paire d’intras bas de gamme, au mieux en attendant le retour du SAV, au pire en remplacement. Après moult hésitations et consultations de sites divers et variés, je jetai mon dévolu sur une paire de Novodio PureSound IH7. Les commentaires et autres tests dénichés ici ou là étaient plutôt positifs, le prix fort raisonnable (un tiers seulement de celui des q-Jays…) et il y avait une fonction téléphonie plus gadget qu’autre chose, mais qui, après tout, pouvait être sympa quand on possède un appareil compatible, en l’occurrence un iPhone 3GS. Oui, mais voilà…

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Comme je le disais précédemment, on n’a rien sans rien en HIFI et ici les concessions ont été faites sur le son qui parait distant, comme si les écouteurs n’entraient pas dans le conduit auditif, mais se contentaient d’être posés au-dessus de l’oreille. Au passage on perd une bonne partie de l’information notamment du côté des basses, quasiment totalement absentes. Je ne suis pas fan des basses qui tachent comme je l’ai déjà souligné, mais je ne suis pas plus fan de la suppression totale d’une gamme de fréquences. Et c’est toujours quand une fréquence disparaît que l’on sent à quel point celle-ci était indispensable. Ici, ce son métallique, clinquant même, est fort désagréable, surtout à haut volume (or, comme on le verra ensuite, le haut volume est indispensable vu la faible isolation). Après à peine une demi-heure d’utilisation, j’ai souvent mal à l’oreille, ce qui ne m’était jamais arrivé avec les précédents et qui est une belle preuve de la mauvaise qualité du son.

Le noeud du problème vient, je pense, de l’isolation. Quelles qu’en soient les raisons exactes (taille des écouteurs trop importante qui empêche un positionnement au bon endroit, mauvaise qualité des embouts, défaut de conception…) il est fort désagréable avec des intras de devoir monter le son pour couvrir les bruits du RER ou du bambin qui a des choses à dire et entend bien les partager à tout le wagon. L’intérêt des intras est justement de couper du monde extérieur sans même ajouter de la musique, par leur simple conception. Pour ces Novodio, c’est clairement raté et je crois même pouvoir dire qu’ils n’isolent en fait rien du tout. Alors certes, les mouvements du câble ne s’entendent pas dans la boite crânienne, mais ça n’est pas difficile avec de faux intras…

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Outre le son défaillant, les Novodio IH7 souffrent de plusieurs défauts de conception qui se révèlent peu à peu. Ainsi, les deux modules sur le câble, l’un pour régler la lecture en cours et doté d’un micro, l’autre pour régler le volume, sont lourds, relativement mal placés et/ou peu pratiques. D’accord, leur conception est sans doute de qualité, avec une surface métallique qui, effectivement, fait confiance. Mais leur poids élevé a tendance à tirer sur les fils, ce qui est désagréable au niveau des oreilles. Ces deux modules accrochent en plus aux vêtements, particulièrement aux chemises et comme on est obligé de laisser les câbles pendre devant…

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Les commandes proprement dites ne sont pas forcément très accessibles. Le petit bouton de contrôle avec le micro est loin du confort des casques d’origine d’Apple, tandis que le volume est juste ridicule. Il s’agit simplement d’un potentiomètre vertical qui a le mauvais goût de modifier la répartition droite/gauche, de réduire trop fortement et trop vite le son… bref, d’être inutile alors que les iPhone peuvent être réglés par deux boutons. La seule utilité que je peux lui voir est de couper momentanément le son sur les iPod ne gérant pas le bouton de lecture, mais on peut aussi simplement enlever une des deux oreillettes. Si la qualité de fabrication paraît bonne au premier abord, j’ai de sérieux doutes sur la durée. C’est comme si le câble, aussi renforcé par du tissu soit-il, était lui aussi trop rigide au niveau de chaque module et de la prise jack. Les points de faiblesse me semblent trop nombreux, et je ne donnerai pas longtemps à ces écouteurs…

En bref, je suis fort mécontent de mon achat, et je ne peux raisonnablement pas continuer comme ça. J’ai essayé pendant une semaine de m’habituer, je me disais qu’il faut savoir faire des concessions, que de toute façon écouter dans le RER sur un iPod nano de première génération ne demande pas un matériel de qualité… mais rien n’y fait. Je veux bien faire des concessions, mais là j’ai simplement pas envie d’écouter de la musique, je n’y prends aucun plaisir et c’est même plus désagréable qu’autre chose. En outre, j’entends bien trop le RER pour que l’objectif principal — se détendre dans les transports — soit atteint.

Dès lors, il me faut trouver autre chose, et j’en reviens au point de départ. Je serais bien tenté d’essayer les intras d’Apple, tant qu’à faire dans le bas de gamme audio, en espérant que ça soit mieux que Novodio. En même temps, à force de mettre de l’argent dans des casques, j’aurais aussi vite fait de racheter des q-Jays… Ou alors de repartir sur des valeurs sûres, des semi-intras que j’ai déjà eus ou testés…

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Ah vraiment, si seulement j’en étais resté aux casques d’origine, j’aurais moins d’ennuis… Les joies de la HIFI, on s’en passerait parfois aussi…

Crédit photo couverture : Tilton Lane @ Flickr