Inspirée d’une série norvégienne qui porte le même nom et qui était largement passée sous le radar, Maniac est une mini-série étrange portée par un univers singulier et une vision d’ensemble originale et riche. Créée par Patrick Sommerville pour Netflix, elle a surtout été entièrement réalisée par Cary Fukunaga à qui l’on devait déjà l’excellente première saison de True Detective et c’est à ce choix que l’on doit la grande cohérence de l’ensemble. Maniac se construit dans un univers de science-fiction rétro-futuriste qui pourrait être le nôtre, dans une dimension parallèle. Très esthétique, la série se construit notamment autour de représentations de rêves, un sujet toujours difficile, mais qui est abordé ici avec toute la folie et surtout le talent des principaux acteurs qui étaient nécessaires. Une belle réussite, à découvrir.
Le pilote introduit un univers qui n’est clairement pas le nôtre, qui appartient manifestement à la science-fiction, mais qui n’est pas pour autant daté précisément. Il ressemble même davantage à nos années 1980, mais une version parallèle où l’intelligence artificielle aurait déjà été découverte, et où certaines idées issues des dystopies sont déjà présentes. Par certains aspects, l’univers créé pour Maniac rappelle celui de Blade Runner, notamment par la place accordée aux publicités, mais aussi pour de nombreux détails de la vie quotidienne. Il y a l’appartement extrêmement utilitaire d’Owen qui rassemble tout dans une pièce, jusqu’à la douche fusionnée avec les toilettes. Il y a ces petits robots chargés de nettoyer les trottoirs ou encore la possibilité de vendre son visage pour la publicité. Mais en même temps, la majorité des décors, la mode vestimentaire, les cigarettes, les voitures, tout cela sort directement de nos années 1970 et 1980. Un curieux mélange qui attire dès les premières minutes et qui frappe surtout par sa vision cohérente. Tout est parfaitement à sa place ici et on sent bien que Cary Fukunaga a soigné chaque détail de chaque plan. Tout est délicieusement rétro-futuriste, familier et en même temps étranger, et il y a manifestement eu un gros travail de recherche et de préparation. Les décors empruntent aux films de l’époque, à l’image du laboratoire qui semble tout droit sorti du vaisseau d’Alien, le huitième passager, tandis que l’on imagine que l’ambiance nippone est directement liée aux consoles de l’époque. Ajoutez à cela une photographie léchée et une mise en scène impeccable et vous obtenez déjà une très belle série, mais fort heureusement, Maniac a davantage que son style et son univers à faire valoir.
L’intrigue suit deux personnages, Owen et Annie, alors qu’ils participent à une expérience scientifique pour un laboratoire japonais qui veut tester un nouveau traitement révolutionnaire. En trois comprimés, il est censé éliminer tous les problèmes psychologiques et rendre ainsi la psychanalyse totalement obsolète. Le processus est encadré par le GRTA, un super-ordinateur capable d’analyser les pensées de chaque patient et d’adapter le traitement en fonction des résultats. Maniac commence alors que les essais cliniques sont catastrophiques. Le laboratoire n’a non seulement réussi à sauver personne, il en a aussi envoyé quelques-uns dans une sorte de coma dont ils ne ressortent pas indemne. Autant dire que ce n’est pas prometteur, mais il reste toujours des volontaires pour tenter le coup et empocher la somme promise au passage. Néanmoins, Owen appartient à une riche famille et il le fait parce qu’il n’a jamais réussi à régler sa schizophrénie et par affront envers sa famille qui ne l’a jamais considéré. Et Annie est là parce qu’elle est devenue dépendante à la drogue utilisée dans le traitement et elle veut simplement sa dose. Tout oppose ces deux personnages, mais suite à un bug de l’ordinateur, ils se retrouvent dans les mêmes rêves et finissent par se découvrir. Les rêves générés par cet ordinateur prennent une place centrale dans la série et ils constituent l’une de ses réussites. À chaque fois, c’est tout un univers spécifique qui est déployé, que ce soit la caricature des années 1980 avec le lémurien, un film de gangster dans les années 1930 pour le Don Quichotte, l’heroïc-fantasy pour le lac ou encore une parodie de film d’espionnage pour l’extra-terrestre. Visuellement, Cary Fukunaga s’est amusé à créer des ambiances qui n’avaient rien à voir, mais les vraies stars à chaque fois, ce sont les deux acteurs. Jonah Hill et Emma Stone sont parfaits dans leur rôle et ils se métamorphosent à chaque rêve, en trouvant à chaque fois la note juste… Maniac leur doit beaucoup. N’oublions pas non plus Justin Theroux, impeccable dans ce rôle de savant fou et de psychologue qui n’a jamais résolu son Œdipe.
Carton plein pour cette série portée par Netflix ! Par de nombreux aspects, Maniac rappelle Legion : même si les deux univers n’ont rien à voir, on retrouve ce même sens de l’absurde, un traitement extrêmement soigné et l’originalité de l’univers. C’est un beau compliment pour cette mini-série courte — huit épisodes seulement, dont certains ne dépassent pas les trente minutes —, mais intense. Patrick Sommerville a créé une œuvre riche, Cary Fukunaga lui a apporté toute sa cohérence et une beauté visuelle indéniable, l’excellent casting a fait le reste. Maniac mérite incontestablement le détour.