Au milieu des années 1990, Tim Burton change de style. Le réalisateur a connu un énorme succès populaire en adaptant pour la première fois au cinéma deux volets de la saga Batman, mais il s’est fait connaître pour des films plus personnels et on découvre, avec ce nouveau long-métrage, une nouvelle facette. En apparence, Mars Attacks! a tout du film catastrophe et d’ailleurs, il a beaucoup de points communs avec Independence Day sorti la même année. Dans les deux cas, on a une invasion extra-terrestre qui tourne mal, mais la ressemblance s’arrête à peu près là. Là où Roland Emmerich signait un blockbuster premier degré, avec de l’action décérébrée au premier degré qui assumait son côté stupide, mais fun, Tim Burton se moque précisément de ces films catastrophes. Mars Attacks! est un blockbuster parodique, à mi-chemin entre l’hommage aux classiques de la science-fiction — le film est inspiré d’un jeu de cartes des années 1960 — et la moquerie contre les films d’Emmerich et des autres. Et cela fonctionne : cette invasion martienne sans queue ni tête est hilarante, et le film reste aujourd’hui encore un grand moment de n’importe quoi, à ne pas rater !
Dès le premier plan, Tim Burton montre qu’il a compris le principal moteur de tous les films catastrophes et qu’il compte bien, en bon parodiste qu’il est, l’exploiter jusqu’à l’écœurement. Mars Attacks! ouvre ainsi sur la campagne américaine — forcément, puisque le film est américain, le monde se résume aux États-Unis —, le jour se lève paisiblement, tout semble parfaitement normal, jusqu’au moment où on aperçoit au loin une lueur. Le temps pour que le fermier du coin fasse une blague sur son voisin d’origine asiatique (le cinéaste ne peut pas s’en empêcher…), et on voit un troupeau de vaches enflammées passer au premier plan, tandis qu’une soucoupe volante passe à l’arrière-plan. Le générique commence immédiatement avec ce qui ressemble assez nettement à une invasion de soucoupes bien rondes venues de Mars, puis le film multiplie les points de vue, comme c’est la coutume dans ce genre de film. Mars Attacks! ne déroge pas à la règle avec un coup dans la Maison Blanche où l’on voit le Président discuter avec ses équipes pour savoir ce qu’il faut faire, un coup avec un couple de journalistes à New York, un autre à Las Vegas, un autre encore à Washington avec une mère qui élève ses deux enfants seuls, un autre point de vue au milieu de nulle part chez des types un peu bas de plafond. L’invasion n’a même pas encore commencé, mais Tim Burton s’en donne à cœur joie en jouant sur la corde parodique à plein régime. Ces personnages sont tous ridicules et on sent bien qu’ils semblent tous choisis de manière totalement arbitraires, mais que le scénario va tous les réunir de la manière la plus improbable qui soit. Et bien évidemment, ça ne manque pas : quand Mars Attacks! entre dans sa phase la plus mouvementée, quand l’humanité est sur le point de sombrer, tel gamin se trouve par hasard au bon endroit au bon moment et sauve le Président ou sa fille, tandis que la grand-mère à l’autre bout du pays va faire précisément ce qu’il faut pour débarrasser la planète des extra-terrestres.
Au fond, l’intrigue de Mars Attacks! importe assez peu, on l’aura bien compris. Tim Burton ne l’a prend pas trop au sérieux, et le spectateur non plus. Ses extra-terrestres sont des archétypes trop parfaits, avec leurs soucoupes parfaitement rondes, leur couleur verte, leurs armes laser… ils sont trop beaux pour être vrais. Même leur manière de faire, leur langue1 sont des caricatures : tout sonne faux et c’est volontaire, bien sûr. Le film joue la carte de la parodie jusqu’au bout, ce qui ne l’empêche pas d’être un assez bon film catastrophe, au fond. Si on le compare à nouveau à Independence Day sorti la même année, on retrouve la même structure d’ensemble et les deux films sont assez funs, bien que pour des raisons différentes. Ici, la résolution est loin d’être aussi spectaculaire que chez Roland Emmerich, naturellement, mais Tim Burton ne manque pas de bonnes idées pour détruire notre planète et il le fait même de manière plutôt astucieuse. À défaut d’avoir le budget pour des explosions aussi énormes que celles de son concurrent, le cinéaste trouve des astuces visuelles amusantes, à l’image de la destruction de l’île de Pâques où les Martiens jouent au bowling. Dans le même ordre d’idée, la guerre nucléaire que l’on attendait est détournée à la dernière minute par une vulgaire baudruche : Mars Attacks! se joue de nos attentes, tout en composant avec budget bien inférieur à celui qu’avait l’autre film catastrophe de l’année. À l’heure des bilans, Tim Burton n’en sort pas ridicule, bien au contraire même : son film est plus inventif, il est drôle et à défaut d’en mettre plein la vue avec des explosions, il a réuni un impressionnant panel de stars. Le casting est un point fort du film, incontestablement, et tous les acteurs sont parfaits, de Jack Nicholson impeccable en Président2, à Annette Bening dans le rôle de l’illuminée qui accueille les martiens les bras ouverts avant de se réfugier dans une grotte, en passant par Pierce Brosnan en scientifique ou encore Glenn Close en Première Dame. Ils sont souvent ridicules, mais ils sont tous excellents.
Avec Mars Attacks!, Tim Burton s’attaque non seulement à la science-fiction, mais aussi à la comédie. Le cinéaste a toujours aimé les clichés et la parodie et la majorité de ses films, pour ne pas dire tous, contiennent une part de second degré, au moins d’ironie. Mais cette fois, c’est un long-métrage entier qui est censé être drôle et c’est une réussite. On peut dire que le réalisateur a bien compris l’essence même du film catastrophe et il la parodie à merveille avec cette invasion de petits hommes verts qui tombe dans le ridicule dès cette première scène d’immense barbecue. Mars Attacks! est drôle et, comme toujours chez Tim Burton, le film en dit beaucoup sur notre société : un classique à voir et à revoir !
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- Qui ne rappelle pas le canard pour rien : ils ont enregistré des canards et ont inversé ces enregistrements pour créer les « voix » mythiques des extra-terrestres de Mars Attacks! Malin… ↩
- Mais surtout dans celui d’Art Land. Oui, Jack Nicholson n’a pas qu’un seul rôle dans ce film, mais deux : on le reconnaît bien en président, moins peut-être dans dans celui de cet escroc qui veut ouvrir un hôtel à Las Vegas. Et pourtant, regardez bien, c’est le même acteur. Belle performance, pour sûr ! ↩