Merlin l’Enchanteur, Wolfgang Reitherman

Dernier long-métrage sorti du vivant de Walt Disney, Merlin l’enchanteur n’est pas le film qui marque le plus les esprits et il ne fait pas partie des classiques Disney les plus connus. Est-ce à dire que Wolfgang Reitherman signe un mauvais film d’animation ? Pas du tout, mais il faut reconnaître que ce long-métrage tranche avec la production de l’époque et reste, aujourd’hui encore, à part dans la filmographie du studio. Très humoristique, il fait de la célèbre légende arthurienne une sorte de farce, tout en proposant un style appauvri par le manque de moyens. Merlin l’enchanteur est un divertissement très plaisant qui mérite largement d’être vu et qui reste de toute manière bien supérieur aux compilations de courts-métrages des années 1940.

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Qui ne connait pas l’histoire du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde ? Les studios Disney s’en emparent à leur tour avec Merlin l’enchanteur, mais comme le titre français du film l’annonce, le principal sujet n’est pas vraiment Arthur. De fait, ce n’est pas vraiment l’histoire du roi qui est racontée, mais la jeunesse d’Arthur, avant qu’il ne sorte l’épée et devienne roi. Walt Disney a acheté les droits pour adapter L’Épée dans la pierre, un roman sorti en 1938, un an seulement après sa sortie et c’est cette œuvre qui sert de base au scénario. Pour diverses raisons, en premier lieu budgétaires d’ailleurs, le roman a été largement modifié au cours de l’adaptation, si bien que le personnage d’Arthur est encore moins important et c’est bien Merlin qui devient le personnage principal. Ce magicien forme Arthur pour l’aider à devenir roi et c’est lui qui occupe l’essentiel du dessin animé. Étrangement, la version Disney n’est absolument pas sérieuse et rappelle un peu le personnage imaginé par Alexandre Astier pour Kaamelott. On découvre ainsi un vieux monsieur un peu gâteux qui est un puissant magicien, certes, mais aussi un amnésique qui oublie ses formules et qui confond toujours les époques. L’occasion, pour les scénaristes, d’imaginer de nombreux clins d’œil anachroniques avec des éléments inventés bien plus tardivement et intégrés ici comme des inventions de Merlin. L’idée est plutôt amusante et assez bien exploitée : même si les contemporains ont souvent critiqué cette méthode, elle est plutôt moderne à nos yeux habitués aux références dans les films d’animation.

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L’humour est central dans Merlin l’enchanteur, plus que dans tous les longs-métrages précédents du studio et plus sans doute que dans la majorité de ceux qui suivront. Le personnage de Merlin est pour beaucoup dans cet humour diffus, il est souvent la cause de gags visuels et de références humoristiques, mais il n’est pas le seul. Tout au long du film, un loup revient régulièrement : ouvertement inspiré par le fameux Vil Coyote de Looney Tunes, il essaie toujours de manger Arthur, mais n’y arrive jamais et se prend constamment des arbres et autres pierres dans la figure. Le long-métrage se concentre sur l’éducation d’Arthur, avec notamment trois séquences où il se transforme en animal, ce qui donne là encore des séquences humoristiques quand, en écureuil, il séduit à son insu une femelle qui ne veut plus le lâcher. L’ambiance est légère dans tous les personnages, si bien que, contrairement à d’autres longs-métrages du studio, on n’a jamais vraiment peur. Même la confrontation spectaculaire et par ailleurs réussie entre Merlin et madame Mim, terrible sorcière et unique méchante de Merlin l’enchanteur, n’est jamais vraiment terrifiante. Le film semble porté par cette ambiance légère et le côté légende mythique est totalement oublié. D’ailleurs, la conclusion hâtive n’est pas le meilleur moment, on a vraiment l’impression que c’était un passage obligé auquel Wolfgang Reitherman ne croyait pas.

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Merlin l’enchanteur a des défauts, sans doute, mais la critique à son égard est un peu dure. Conçu pour être rentable après l’échec commercial cuisant de La Belle au bois dormant, quatre ans plus tôt, il est pensé pour coûter encore moins cher que Les 101 Dalmatiens et il doit ainsi composer avec des moyens bien plus faibles. À l’écran, cela ne se voit pas trop, même si l’animation n’est pas aussi riche qu’ailleurs. La vraie particularité du film réalisé par Wolfgang Reitherman toutefois, c’est l’humour qui domine. On peut trouver cela dommage, mais Merlin l’enchanteur reste incontestablement divertissant.