Meurtre mystérieux à Manhattan : le titre du film dit tout ce qu’il faut savoir. Woody Allen imagine un étrange meurtre dans un immeuble huppé de New York, avec une bonne part de mystère comme promis parce que tout semble sortir de l’imagination très fertile de l’un des personnages principaux. Loin de l’enquête sérieuse qu’un autre aurait pu imaginer, le cinéaste s’amuse avec ses New Yorkais un peu ridicules qu’il affectionne tant. Entre chamailleries de couple et improbables course-poursuites, un divertissement très sympathique.
Woody Allen ne se contente pas de réaliser le long-métrage, il a aussi coécrit le scénario et il interprète l’un des personnages principaux, Larry Lipton, agent littéraire. Alors qu’il rentre d’un match de hockey avec sa femme, Carol, ils croisent un couple de voisins plus âgés qui les invitent chez eux pour prendre un café. Le lendemain, la femme qui semblait en parfaite santé meurt brutalement d’une crise cardiaque, ce qui ne semble pas inquiéter son mari, Paul. Voilà qui suffit à rendre Carol suspecte : pourquoi n’est-il pas dévasté par sa mort, après 28 ans de mariage ? Et s’il avait quelque chose à voir avec sa mort ? Meurtre mystérieux à Manhattan se construit sur la seule suspicion de cette femme au foyer qui s’ennuie manifestement beaucoup trop depuis que son fils est parti à l’université. Elle suspecte Paul d’avoir tué sa femme, sans la moindre preuve pourtant, mais ça ne l’empêche pas de rester éveillée la nuit, de le prendre en filature et même d’entrer chez lui pour mener l’enquête. Le scénario a la bonne idée de ne pas confirmer d’entrée de jeu qu’elle a raison et plutôt de jouer sur la carte de la folie. Son mari considère qu’il n’y a rien de plus que l’imagination débordante de sa femme, et Ted, ami du couple qui a toujours eu un faible pour elle, joue le jeu uniquement pour passer du temps avec Carol. Cette manière de faire durer le suspense est maligne et il y a un autre bénéfice : le film serait beaucoup moins drôle si l’on avait directement la confirmation que le meurtre est réel. En l’état, Woody Allen a écrit non pas un thriller plein de suspense, mais davantage une comédie noire qui fonctionne très bien. Les délires de Carol sont très divertissants et la gêne ressentie par son mari complice des spectateurs est tout aussi amusante. C’est le meilleur du film, la fin plus classique n’est pas ennuyeuse d’autant que Meurtre mystérieux à Manhattan n’est pas trop long, mais elle est moins drôle et plus banale.
Dans la catégorie des Woody Allen légers, ce long-métrage est une belle réussite. Les traits d’humour du scénario sont excellents et même légendaires pour certains[^« Quand j’écoute trop Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne. », lance Woody Allen en sortant de l’opéra.] et le duo formé par le réalisateur et Diane Keaton fonctionne pleinement. Ce n’était probablement pas voulu lors du tournage au début des années 1990, mais le film a une drôle de saveur « OK boomers » aujourd’hui qui n’est pas déplaisante. Et alors que l’on approche de son trentième anniversaire, Meurtre mystérieux à Manhattan reste un très bon divertissement.