Nanni Moretti ne veut pas parler d’autobiographie, ni même d’autofiction, mais son dernier long-métrage parle surtout de lui. Le cinéaste est aussi acteur, comme sur tous ses films, mais le personnage principal de Mia Madre est une femme. Elle ne représente pas directement le réalisateur, mais elle réalise elle aussi des films, sa mère est aussi malade et par des biens des aspects, elle est Nanni Moretti. Cette œuvre un petit peu étrange aurait pu être passionnante, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Le film se perd un petit peu à raconter en parallèle deux histoires qui ne se rejoignent jamais vraiment et il souffre aussi de longueurs. À l’arrivée, on s’ennuie un petit peu et les quelques scènes réussies ne sauvent pas le projet…
Mia Madre commence comme un film social, avec une séquence de manifestations violentes devant les grilles d’une usine qui doit fermer. Sauf que ce n’est pas du tout le sujet du scénario et on découvre que c’est en fait le travail en cours de Margherita, une réalisatrice spécialisée dans le cinéma social. Nanni Moretti filme ainsi un film en train de se faire, ce qui fait de son dernier long-métrage un metafilm : c’est le premier fil conducteur de l’œuvre, et c’est le plus approfondi, peut-être le plus intéressant. Le scénario se construit en particulier autour d’un acteur américain qui doit incarner le personnage principal du film dans le film. Incarné par un John Turturo en forme, Barry Huggins est l’archétype de l’acteur qui met en avant son talent en permanence pour mieux cacher sa gêne et ses défauts. Le tournage est catastrophique, rien ne se déroule comme prévu et les tensions montent entre la réalisatrice et son acteur qui ne retient aucun texte et ne sait manifestement pas ce qu’il fait ici. L’ensemble est intéressant et on imagine que l’on peut voir, à travers ce cinéma dans le cinéma, une partie de l’œuvre de Nanni Moretti et même ses méthodes de travail. La phrase que répète constamment la réalisatrice à ses acteurs, leur demandant de ne pas être totalement dans le personnage, mais aussi de rester acteur à côté ? C’est une phrase que le réalisateur de Mia Madre reconnaît prononcer sur ses tournages, sans savoir ce qu’elle veut dire exactement.
Tout cet aspect du film est intéressant, mais un petit peu sous-exploité. On ne comprend pas toujours très bien où veut en venir Nanni Moretti, et on aurait aimé voir plus de confrontations entre l’acteur capricieux et la réalisatrice. Margherita Buy, l’actrice qui l’incarne, est vraiment excellente dans ce rôle difficile, entre doute et colère et le film repose largement sur ses épaules. La scène de la dispute dans la cantine, pendant le tournage, est l’une des meilleures de Mia Madre et on aurait souhaité en voir plus, mais le scénario doit malheureusement diviser les quasiment deux heures du film entre ce tournage et une toute autre histoire. Le titre du long-métrage pouvait mettre la puce à l’oreille : il est aussi question de mère et de relation mère/fille. En l’occurrence, Ada — Giulia Lazzaroni, très bien —, la mère de Margherita, est malade et les médecins à l’hôpital sont très clairs : elle ne va pas aller mieux, au contraire. Une part importante du film se déroule entre l’hôpital où séjourne la mère, et son appartement où se retrouvent sa fille et sa petite-fille, mais aussi son fils, interprété par Nanni Moretti lui-même. Cette partie là est beaucoup moins convaincante, peut-être parce qu’elle est plus confuse et qu’elle n’a pas la place nécessaire pour développer réellement les personnages. Une situation renforcée par le choix d’intégrer au cœur de Mia Madre des souvenirs et même des séquences oniriques. À l’arrivée, on se perd dans ce dédale et cela semble assez gratuit, sans apporter quelque chose d’utile au projet.
À l’heure des bilans, Mia Madre déçoit. À ne pas choisir entre deux films possibles, Nanni Moretti passe à côté des deux sujets qui pouvaient donner à chaque fois quelque chose de bien. On aurait aimé approfondir l’histoire de cette réalisatrice et de son acteur capricieux, ou bien mieux comprendre les relations entre la cinéaste et sa mère. Mais en fusionnant les deux dans un long-métrage qui souffre en plus de longueurs, le réalisateur ne réussit ni l’un, ni l’autre. Dommage…