Miracle Workers, Simon Rich (TBS)

Miracle Workers est une drôle de série et une série fort drôle. La première saison est l’adaptation d’un roman écrit par Simon Rich, qui est aussi le créateur de la version télévisée commandée par la chaîne américaine TBS. Au lieu de prolonger cette première saison avec des idées nouvelles, comme c’est souvent le cas, la suite est l’adaptation d’une toute autre nouvelle de l’auteur. On garde le casting, on conserve l’humour décalé, mais l’histoire et l’univers changent du tout au tout. Si vous aimez l’absurde et les décalages comiques, Miracle Workers est une série d’anthologie très réussie jusque-là, avec deux saisons originales et drôles.

La première saison imagine que la Terre a été créée par un Dieu terriblement humain, incarné par Steve Buscemi sous une longue tignasse sale. Il est le CEO de Heaven Inc., une entreprise qui se charge de créer et surtout de gérer la planète et tout ce qui la compose. Des ouvriers se chargent de créer des nuages, des ingénieurs imaginent des animaux aussi absurdes que la giraffe — une sorte de chien avec un long cou, comme le décrit son créateur — ou l’humain et des cadres vérifient que tout le monde fait son boulot correctement. Cette vision un poil ridicule de la Genèse n’est pas radicalement nouvelle, mais Simon Rich l’exploite bien, avec de multiples idées pour la ridiculiser un petit peu plus. Dieu est un enfant pourri gâté qui fait honte à ses parents, qui ne sait absolument rien faire tout seul et qui ne veut plus entendre parler de sa création depuis que les humains ont cessé de croire en lui. Il boude dans sa chambre, située tout en haut de l’entreprise bien évidemment, avec ses assistants qui doivent tout faire pour lui, y compris réchauffer ses plats préparés au micro-ondes. Lassé, il décide finalement de détruire la planète, sauf si le département des miracles parvient à faire embrasser un couple choisi au hasard. Chaque épisode se rapproche de l’Apocalypse et la saison, trop brève, se construit autour des tentatives toujours plus absurdes des anges pour que les deux tourtereaux finissent par s’embrasser.

En introduisant le capitalisme dans l’idée de la création divine, Miracle Workers parvient à détourner un concept religieux et à se moquer avec un fond critique bienvenu. L’absurde au service d’un jugement de notre société, c’est à nouveau le moteur de la deuxième saison, qui nous envoie cette fois dans un Moyen-Âge fantasmé et plein d’anachronismes. Le casting reste le même, mais Steve Buscemi est dégradé au rang de ramasseur de merde, littéralement. Dans un magnifique décor de carton-pâte, on a un château où Daniel Radcliffe est le fils incapable du roi terriblement cruel et on a un village avec ses habitants tous illettrés et limités. C’est un défilé de clichés, mais avec le grain de folie qui fait déraper la scène pour tendre vers la parodie et l’absurde à nouveau. Eddie explique à sa fille comment ramasser la merde comme si c’était le boulot le plus compliqué du monde, Maggie entre dans les ordres comme si c’était une entreprise qui devait faire du marketing pour vendre les Croisades et le prince Chauncley passe son temps à entraîner une bande de canards. Au milieu de cette foire médiévale, Simon Rich s’amuse à multiplier les piques contre notre société, par exemple sur les médias et leur amour des fake news. L’humour noir prédomine dans cette deuxième saison, qui n’hésite pas aussi à souligner à quel point cette époque pouvait être horrible et cruelle.

TBS a renouvelé Miracle Workers pour une troisième saison attendue cette année et on imagine que Simon Rich ira chercher une autre histoire entièrement différente pour la suite. C’est une bonne chose, son Moyen-Âge a été bien exploité avec les dix épisodes de la saison 2 et on a envie de voir le même casting dans une nouvelle configuration. On sera au rendez-vous pour la suite, en espérant que la prochaine idée du créateur de la série soit aussi bonne que les deux premières !


Miracle Workers, saison 3

(3 décembre 2021)

Comme prévu, Miracle Workers poursuit avec une nouvelle saison qui n’a rien à voir avec les précédentes. Le casting reste globalement le même — même si Lolly Adefope n’est plus là, remplacée par Quinta Brunson —, mais on change d’histoire pour mieux explorer la bêtise humaine vis-à-vis de la religion. Cette fois, direction le Far West et la conquête de l’Amérique avec une relecture du mythe de l’Oregon Trail. Un pasteur et tout un village décide de partir vers l’Oregon et le groupe guidé par un gangster doit affronter mille dangers pour arriver à destination. Miracle Workers fourmille de bonnes idées pour mieux se moquer de notre société, même si la formule bien connue n’est plus aussi surprenante qu’avant.

Dans cette nouvelle histoire, Daniel Radcliffe est le pasteur qui motive le village à partir, Steve Buscemi le dangereux gangster qui accepte de les guider pour son propre intérêt, Geraldine Viswanathan est la femme d’un riche couard interprété par Jon Bass. Le casting établi, la caravane peut s’élancer sur la route de l’Oregon, non sans croiser de multiples difficultés. Simon Rich égrène tous les clichés du genre, avec un chasseur de primes qui veut arrêter le gangster, une rivière qui oblige à des sacrifices, la traversée difficile d’une montagne et même des indiens qui attaquent. Comme toujours, tout est tourné en dérision et ce détour historique est l’occasion de moquer nos mauvaises habitudes modernes, mais surtout de critiquer la religion comme toujours, qui rend aveugle et bête. Ces piques sont jouissives et bien rendues, d’autant que Miracle Workers n’hésite jamais à tourner en dérision ceux qui pensent que « c’était mieux avant ». L’ensemble est drôle et bien pensé, même s’il faut aussi reconnaître qu’il y a quelques moments creux dans ces dix épisodes. Autant la première saison était si riche que l’on aurait aimé en voir bien plus, autant la série semble avoir davantage de mal à trouver de quoi remplir et cette saison en souffre un peu.

Malgré tout, on rigole fréquemment et Miracle Workers mérite toujours autant le détour si vous aimez l’absurde et une bonne rigolade au détriment des religions. On est donc curieux de voir ce que Simon Rich va bien pouvoir inventer dans la quatrième saison, d’ores et déjà commandée par TBS. La formule peut-elle se décliner à l’infini sans tomber dans la répétition ? Pas sûr, mais d’un autre côté, le casting donne envie d’y revenir, avec une mention spéciale cette fois pour un Daniel Radcliffe délicieusement déchainé.