Avec Mon Roi, Maïwenn change radicalement de sujet par rapport à Polisse, son précédent long-métrage, mais pas vraiment de traitement et le spectateur est toujours plongé dans un environnement difficile. Loin de la brigade de protection des mineurs, on découvre cette fois un couple en crise. Tout commence avec un accident de ski et une longue rééducation pour Tony, mais on remonte ensuite à sa rencontre avec Georgio. Ces deux-là se sont aimés dès le premier regard, un coup de foudre qui lance une vie en commun et bientôt une famille, mais très vite les problèmes aussi. Lui a des problèmes d’alcool et même de drogue, quand il ne couche pas avec la première fille qui passe. Elle est aveugle et veut croire à leur histoire envers et contre tout. Le résultat est un mélange explosif que Maïwenn parvient très bien à capter, de manière frontale, sans en faire trop pour autant. Mon Roi n’est pas très original, mais c’est un film fort et réussi.
Le montage alterne du début et la fin entre deux époques qui finissent par se rejoindre. Dans le passé, on suit la rencontre des deux protagonistes lors d’une soirée dans une boîte de nuit parisienne, puis leurs premiers moments passés ensemble, les rires et bientôt les projets, le mariage et l’enfant qui arrive. Tout pourrait aller pour le mieux, mais Maïwenn ne veut laisser aucune place aux faux espoirs et c’est pourquoi la cinéaste montre d’abord l’accident. Un jour de ski en famille, Tony dévale la pente et se casse les ligaments du genou, mais Mon Roi présente d’abord l’accident avec des questions de psychologie. On ne se casse pas le genoux sans raison, explique-t-on à Tony, c’est souvent parce que l’on ne veut plus avancer inconsciemment. Une séquence très étrange, que le scénario suit ensuite en revenant dans le temps, tout en suivant les progrès physiques de cette femme. Au fond, Maïwenn filme une guérison autant sur le plan psychologique que physique et le plus difficile est évidemment le premier des deux. La blessure du genoux guérit assez bien et on ne voit pas le temps passer dans ce centre situé près de la mer, où Tony s’entoure des jeunes sportifs qui côtoient majoritairement ces lieux. Les souvenirs, en revanche, sont toujours tenaces et ils la hantent longtemps. Récompensée du Prix d’interprétation féminine à Cannes, Emmanuelle Bercot est effectivement épatante dans ce rôle difficile, où il faut constamment osciller entre le rire et les larmes et l’actrice le fait très bien et avec beaucoup de naturel.
Une très belle performance, qui justifie peut-être à elle seule de voir Mon Roi, même s’il faut aussi compter sur son pendant masculin. Georgio, incarné par un Vincent Cassel égal à lui-même et très à l’aise dans ce rôle, est très différent de Tony, leur couple incarne même l’adage qui veut que les contraires s’assemblent. Elle, avocate et plutôt calme, tombe amoureuse de lui, restaurateur fêtard qui ne tient pas en place. Au départ, coup de foudre aidant, leur relation est simple et évidente. Mais très vite, les difficultés pointent, surtout quand on découvre que le comportement de Georgio est loin d’être celui d’un gentleman. Il laisse tomber sa compagne au pire moment, il est distant et surtout, il est de moins en moins présent. C’est lui qui réclamait le plus fort un enfant et quand il obtient ce qu’il veut, il abandonne Tony sans le dire en prenant un autre appartement. Peu après, les huissiers viennent dans son appartement original, où sa femme attend leur enfant, pour saisir tous les meubles suite à des impayés. Et tout cela semble le laisser assez indifférent, mais le pire, c’est bien la réaction de sa femme. Maïwenn a construit un personnage masculin cruel et manipulateur, mais la présentation de son personnage féminin est peut-être pire encore par son aveuglement. Georgio peut lui faire les pires crasses, elle n’en démord pas : c’est l’homme de sa vie, elle l’aime et elle doit se battre. Tout le monde autour d’elle a beau l’encourager à fuir, elle résiste très longtemps… jusqu’au point où son genoux a craqué à la place, en somme.
Mon Roi n’est pas l’histoire la plus originale qui soit, mais il faut reconnaître que Maïwenn la raconte avec une force rare, mais aussi avec précision et justesse. L’ensemble sonne vrai et on suit cette histoire d’amour pendant plus de deux heures sans jamais s’ennuyer. Le film peut compter sur ses deux interprètes principaux, mais aussi sur son montage alternatif très bien trouvé. Entre la joie des débuts et la tristesse de la fin, Mon Roi est un plaisir à regarder.