Le Monde de Nemo, Andrew Stanton et Lee Unkrich

Pour son cinquième long-métrage, Pixar propose une nouvelle réalisation animalière, mais qui se déroule cette fois-ci sous l’eau. Fidèle à son habitude, le studio adopte un point de vue décalé, avec les humains qui sont relégués au rang de personnages secondaires et avec des poissons en guise de héros. Comme toujours dans ce cas là, l’utilisation d’animaux n’est qu’un moyen détourné pour parler d’humains, et Le Monde de Nemo ne fait pas exception. La quête de Marin pour trouver son fils emporté par un homme raconte une histoire universelle à base d’apprentissage et de parents qui doivent laisser partir leurs enfants. Andrew Stanton et Lee Unkrich parlent aussi bien aux plus jeunes qui verront une histoire d’aventures amusante qu’aux plus grands qui seront plus touchés par ce père à la recherche de son petit. Un film adapté à tous les publics, ce qui explique sa réussite : treize ans après sa sortie et alors qu’une suite doit sortir sur les écrans dans les prochains jours, Le Monde de Nemo n’a pas pris une ride. L’animation est rudimentaire par rapport à ce que l’on connait aujourd’hui, mais elle n’a aucune importance, tant l’histoire est brillamment racontée. Un classique.

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Les meilleures histoires ne sont pas les plus drôles et Andrew Stanton et Lee Unkrich le prouvent en ouvrant leur film sur une séquence triste, peut-être même traumatisante pour les plus jeunes. Un couple de poissons clowns attendent des enfants, il y a 400 œufs prêts à éclore quand un barracuda se pointe et mange la mère et tous les œufs, sauf un. Le père reste alors seul avec ce rescapé, Nemo, et c’est alors que le scénario s’éloigne du règne animal pour mieux imiter les humains. Marin, le père, reste seul avec son petit, il l’éduque seul et la famille reste centrée autour de ces deux poissons qui portent peut-être le qualificatif de clowns, mais qui ne sont pas drôles du tout. Le Monde de Nemo prend bien soin d’introduire son personnage principal comme un père si inquiet qu’il empêche son fils de vivre. L’océan est dangereux, il ne faut pas s’éloigner, surtout pas dans les eaux sombres au-delà de l’écrin de coraux où ils habitent. Comme on pouvait s’y attendre, cette sur-protection joue en fait contre le père, puisque Nemo ne rêve que d’une chose, défier l’autorité paternelle et découvrir le monde sous-marin. Dès sa première sortie, il nage jusqu’à un bateau en guise de défis, mais il se fait attraper par un plongeur et il est emmené loin, très loin, dans un aquarium de Sydney. Voilà le point de départ de cette aventure qui emmène tous les personnages loin de leur zone de confort. Toujours avec cette idée de calquer ces poissons avec les humains, mais c’est fait avec beaucoup d’intelligence et sans créer des créatures à mi-chemin entre les espèces. Le monde sous-marin n’est pas qu’une excuse et Le Monde de Nemo l’exploite pleinement. La diversité des espèces représentées est impressionnante et tout le sérieux des recherches préalables se sent parfaitement à l’arrivée. Les animateurs ont passé du temps à étudier les espèces dessinées pour rendre leurs mouvements aussi réalistes que possible, un effort qui paye et le résultat reste, encore aujourd’hui, bluffant.

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Certes, en 13 ans, la technique a évolué et on repère assez vite les limites technologiques de l’époque. Pixar a énormément progressé pour rendre certains éléments de manière naturelle et on pense notamment à l’eau en surface. Elle reste ici assez artificielle, on voit bien le travail de l’ordinateur, alors que l’on a atteint un niveau jamais vu très récemment, dans Le Voyage d’Arlo et on imagine que Le Monde de Dory repoussera encore les limites en la matière. Mais l’action se déroule essentiellement sous l’eau, et cette fois, Andrew Stanton et Lee Unkrich n’ont pas à rougir, le rendu est magnifique et surtout crédible. Les dessinateurs n’ont pas oublié de jouer sur les couleurs, avec des surfaces très vives et des fonds océaniques beaucoup plus ternes et finalement dans le noir complet. Tous les animaux croisés sont aussi totalement réalistes, ce qui n’a pas empêché de leur offrir des traits physiques et surtout de caractère pour les distinguer. Le Monde de Nemo compte ainsi également sur des personnages très forts, pas tant pour les deux poissons clown d’ailleurs que pour ceux qui les entourent. On retient tout particulièrement le personnage de Dory, très attachant, mais il y en a bien d’autres, comme les trois requins qui offrent un moment très drôle dans le long-métrage. Ce sont de vrais personnages de fiction, mais on a souvent l’impression de voir un documentaire animalier. Une performance qui force le respect et qui a repoussé les limites de ce que l’animation pouvait offrir à l’époque. Mais comme dans tous les autres productions de Pixar, la technique reste secondaire, derrière le scénario et une histoire parfaitement ficelée. Et c’est le cas ici encore, avec un tour complet des émotions en 1h40, comme peu de studios peuvent le proposer. Il y a du suspense, de l’émotion, une bonne dose d’humour aussi (« À moi ! ») et de l’aventure… et tout cela est dosé avec énormément de précision, c’est certainement la plus grande force du studio. Essayer de plaire à tout le monde est en général la voie la plus sûre pour une catastrophe, mais quand c’est bien fait, cela peut devenir la clé de la réussite.

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En cinq films, les studios Pixar ont démontré leur aptitude à s’emparer d’un sujet pour en faire une œuvre universelle. Après les jeux, les insectes ou encore les monstres, les poissons, crustacés et autres bestioles de la mer prennent le relais et c’est encore la clé d’un grand film. Le Monde de Némo n’a pas volé son succès planétaire à sa sortie, ni sa réputation maintenue jusqu’à ce jour. Andrew Stanton et Lee Unkrich avait une très belle histoire à raconter et des idées à la pelle pour la mener à bien. Une vraie réussite qui reste toujours aussi plaisante à regarder et revoir encore. Si la suite est au moins aussi bonne, cela promet !