Monty Python : La Vie de Brian, Terry Jones

Avec l’énorme succès de Monty Python : Sacré Graal !, la presse n’arrête pas de demander à la troupe de comiques quel sera leur projet suivant. Lassé par ces questions, Eric Idle aurait répondu lors d’une interview que ce serait « Jésus-Christ ou la Soif de gloire ». Cette boutade est devenue une véritable idée de film et quatre ans après, Monty Python : La Vie de Brian sortait dans les salles. Comme son titre le laisse suggérer, la vie de Jésus a été un petit peu laissée de côté dans le résultat final. Le prophète est bien présent dans le fond, littéralement, mais la bande de comiques a créé un autre personnage pour mieux se moquer, non pas de Jésus ou des Catholiques précisément, mais plutôt de la religion en général. Le résultat est une brillante satire, ponctuée d’éclats absurdes comme les Britanniques savent si bien le faire. C’est très drôle, osé par moment, un vrai bonheur que l’on (re)voit avec toujours autant de plaisir.

La première scène de Monty Python : La Vie de Brian est une parodie de la scène des Rois mages qui viennent apporter leur bénédiction et des biens précieux. Ils suivent l’étoile, arrivent à Bethléem et trouvent une grange avec un enfant dans une auge, sa mère à ses côtés. Sauf que cette femme acariâtre les engueule et veut les mettre à la porte, jusqu’au moment où elles comprends qu’ils sont venus avec de l’or et de l’encens. Le décalage entre la toute première scène — assez solennelle, comme si Terry Jones avait voulu reconstituer une séquence biblique au premier degré — et la suivante — où la mère de l’enfant, visiblement incarnée par un homme d’ailleurs, traite les Rois mages comme du poisson pourri — fonctionne à merveille et résume bien l’esprit du film. Aussi irrévérencieux qu’on peut l’imaginer, le scénario vise tous azimuts. Les comédiens s’en prennent aux religions au sens large, autant qu’à l’Empire romain et à ses opposants, des terroristes de pacotille qui ne semblent motivés que par leur opposition de principe. Tout le monde en prend pour son grade, mais la religion est frappée le plus vigoureusement, comme en témoignent les réactions à l’époque de la sortie du film. Dans certains pays, Monty Python : La Vie de Brian n’est pas sorti dans les salles pendant plusieurs années pour cette raison. Ils frappent où cela fait mal et visent juste, notamment quand leur personnage principal, Brian, devient le prophète d’une nouvelle religion à son insu. En une séquence, la bande concentre tout l’absurde d’une religion, les partisans qui suivent aveuglément, qui cherchent des signes partout et qui sont prêts à tout pour… rien, au fond. C’est cruel, parce que c’est juste, et ça n’a pas pris une ride. On pourrait appliquer cette analyse au vitriol encore aujourd’hui à des dizaines de sujets et cela collerait. C’est vraiment brillant, peut-être plus que l’attaque du film contre les Juifs qui s’opposent au régime romain. Cette partie du film est très drôle, mais les critiques sont peut-être plus gratuites et elles touchent moins.

En embrassant ainsi des sujets plus politiques, les Monty Python signent une œuvre plus politique que pouvait l’être leur lecture de la quête du Graal. Il est vrai que le long-métrage réalisé par Terry Jones est aussi plus linéaire et ressemble moins à des sketches, éloignant le groupe de ce qu’ils avaient proposé dans le Flying Circus des débuts. À cet égard, Monty Python : La Vie de Brian s’apparente davantage à un film plus classique et plus cohérent. Mais il ne faudrait pas croire que cette dose de sérieux se soit faite au détriment de l’humour ou de l’absurde. Non, les six comédiens n’ont rien perdu de leur univers et de leur goût pour l’absurde, voire le surréalisme. On retrouve la pâte de Terry Gilliam dans le générique d’ouverture, avec son style très personnel d’animation. On retrouve aussi les séquences sans queue-ni-tête, notamment lorsqu’une soucoupe volante vient sauver le héros d’une chute. S’ensuit une séquence de combat spatial, puis un retour à Jérusalem dans l’indifférence générale et surtout, sans aucune explication. On retrouve aussi cet humour complexe, mélange de domaines si variés que l’on peut passer d’une leçon de latin à une vanne sur un gros zizi en l’espace de quelques minutes à peine. C’est un gros fourre-tout et tout ne fonctionne pas, mais le film est très souvent extrêmement drôle. Et gonflé, comme lorsqu’il se moque de la lapidation, ou plutôt de l’attrait malsain de la lapidation auprès de femmes qui se déguisent grossièrement en hommes. Ou alors ce final qui se moque de la mort avec une ironie mordante et cette chanson sur l’optimisme forcé qui est devenue, un peu par hasard, culte. C’est culotté et on sent que les acteurs s’en sont donnés à cœur joie, ils sont tous excellents dans les multiples rôles qu’ils incarnent. Ainsi, on ne retrouve peut-être pas toujours ce grain de folie qui caractérise aussi leur travail, mais ce deuxième long-métrage est sans doute le plus réussi sur bien des aspects.

La religion était une cible facile, mais Monty Python : La Vie de Brian tape dans le mille et le fait avec un humour féroce qui fait toute la différence. C’est gonflé et c’est très drôle, Terry Jones et ses compères signent là une comédie parfaitement menée et qui reste toujours aussi amusante à regarder. Naturellement, cet humour absurde qui part dans tous les sens peut effrayer, mais ce long-métrage est peut-être le plus simple d’accès sur ce point, grâce à sa trame narrative cohérente. En tout cas, vous auriez tort de ne pas essayer et si l’humour vous plait, vous allez rire presque sans discontinuer pendant une heure et demie. Un classique !