It’s…
Monty Python’s Flying Circus est une drôle de série, qui résistait à son époque aux catégories et qui résiste toujours bien à une case en particulier. Pour leur premier travail en commun, la bande des Monty Python adopte le format du sketch, mais dynamité par leur sens absolu de l’absurde à l’anglaise. La série portée par la BBC entre 1969 et 1974 ne suit aucune logique, si ce n’est celle de la surprise et un sens aiguisé du n’importe quoi. Chaque épisode est une drôle d’aventure qui mène ses spectateurs sur des terrains improbables et multiplie les genres et les tentatives pendant une demi-heure. L’intégralité des quarante-cinq épisodes n’est pas également réussie et la dernière saison de Monty Python’s Flying Circus peut même être sautée sans problème, mais les deux premières sont absolument géniales. Si l’absurde ne vous fait pas peur et que vous appréciez être porté sur des terrains étranges, ne passez pas à côté.
Il n’y a aucun fil narratif d’ensemble, à peine quelques personnages et thèmes récurrents pour rassembler cette série. Dès les premiers épisodes, les six membres des Monty Python optent pour un ton résolument libre, avec l’intention à peine masquer de perturber les spectateurs en les menant sur un terrain qu’ils n’attendaient pas. Tout y passe, tout est permis : la parodie d’œuvres célèbres ou de séries de l’époque, la satire sociale autour d’une observation très aiguisée de la société britannique au tournant des années 1970, la critique politique des dirigeants de l’époque… et souvent aussi, la blague totalement gratuite, qui n’a aucune justification. Les sketchs n’ont pas besoin d’être justifiés, leur raison d’être peut simplement être une envie, ou le délire de l’un des membres du groupe qui pousse un concept à son paroxysme. À l’image de ce célèbre pied qui vient écraser le Monty Python’s Flying Circus du générique sur un bruit de prout, il n’y a pas forcément de règle derrière un sketch ou une vanne. Les comédiens prennent un malin plaisir à brouiller les lignes, à passer d’un humour pipi-caca dans une séquence à une satire politique très efficace, au délire intellectuel autour d’un philosophe ou d’un romancier. Ils exploitent aussi toutes les formes de comique sans discrimination, avec des niveaux qui varient brutalement d’un sketch à l’autre, voire souvent à l’intérieur d’un même sketch. Le comique de situation est quasiment constamment utilisé, ainsi que le comique de répétition avec souvent une idée, ou bien juste un mot répété tout au long d’un épisode. Les Monty Python adoraient aussi passer d’un sujet à l’autre sans rapport, interrompre un sketch pour en lancer un autre, ou encore enchâsser les idées les unes dans les autres. Naturellement, le quatrième mur est constamment cassé, avec les acteurs qui sortent de leurs personnages, oublient leur texte ou bien remettent en cause l’intérêt d’un sketch. Et n’oublions pas les passages animés de Terry Gilliam, qui ont beaucoup apporté à la série en termes d’absurde et de grand n’importe quoi.
The Laaaarch1
C’est un véritable festival et chaque épisode de Monty Python’s Flying Circus peut être composé de plusieurs dizaines d’idées qui s’enchaînent dans un tourbillon parfois déstabilisant. Autant le dire, tout n’était pas réussi, certains sketchs tombent complètement à l’eau et d’autres au potentiel énorme ont été mal exploités. L’humour des années 1970 ne passe pas toujours aussi bien aujourd’hui également, et en particulier tous les sketchs coloniaux, avec les acteurs bien blancs qui se déguisent en noir, sont assez douloureux à regarder aujourd’hui. Mais dans l’ensemble, et surtout sur les deux premières saisons, le nombre de réussites est absolument ahurissant. Les Monty Python ont clairement influencé des générations de comédiens et leurs idées ont fait des petits dans de nombreux autres contextes. Chez nous, on pense souvent aux Nuls, qui revendiquaient d’ailleurs cet héritage, mais on ne peut pas résumer la série de la BBC à un seul élément. Encore une fois, l’imprévisibilité était leur marque de fabrique et ils ont énormément expérimenté, en jouant sur toutes les formes de narration imaginables, sur des gags purement visuels, sur des pensées philosophiques complexes ou encore sur le monde politique de l’époque. D’ailleurs, l’air de rien, la série tape là où ça fait mal et le fait bien. Monty Python’s Flying Circus dénonce avec beaucoup de vigueurs une société pudibonde, en jouant sur les interdits et en les dénonçant plus ou moins ouvertement. On peut notamment apprécier leur engagement sur l’homosexualité, mais leurs attaques constantes contre les religions ou l’armée sont aussi très réussies. Tout le monde en prend pour son grade, c’est vrai, mais on sent bien la férocité de la bande contre la bêtise populaire et le populisme politique. Et malheureusement, la série a mieux vieilli qu’on pourrait l’espérer et bon nombre de sketchs sont encore cruellement d’actualité.
Après deux saisons extrêmement inventives et souvent hilarantes, les Monty Python commencent un petit peu à tourner en rond avec la troisième saison, même si le comique est toujours au rendez-vous. Quand John Cleese abandonne la série pour la quatrième saison, le niveau baisse clairement en revanche. Monty Python’s Flying Circus tente une nouvelle forme, plus linéaire, qui est précurseur des longs-métrages de la troupe, mais les sketchs tirent trop en longueur et l’humour n’est plus aussi réussi. Qu’importe, la série de la BBC reste légendaire par ses débuts irrévérencieux et vraiment très drôles. Cette série bizarre a poussé le concept de l’absurde souvent à son paroxysme et c’est sa plus grande réussite. Il faut accepter de ne pas tout comprendre, il faut tolérer aussi quelques idées ratées ici ou là, mais le jeu en vaut la chandelle, tant Monty Python’s Flying Circus peut provoquer des crises de fou rire. Et cinquante ans après son premier passage à la télévision, elle a étonnamment bien vieilli et reste toujours aussi drôle.
And now for something completely different !
- Photo brewbooks (CC BY-SA 2.0) ↩