The Morning Show se déroule au sein de la rédaction d’une matinale télévisée américaine. Ça vous rappelle quelque chose ? Difficile en effet de ne pas penser à The Newsroom, série d’Aaron Sorkin portée par HBO qui avait le même contexte et le même sujet. Les points communs entre les deux projets sont nombreux et sur le papier, la série créée par Jay Carson et Kerry Ehrin pour Apple TV+ ressemble fort à une redite modernisée. Les deux séries partagent notamment un goût pour l’information de qualité et pour un journalisme de qualité, loin de la désinformation ambiante, mais fort heureusement, The Morning Show n’en reste pas à cela. La première saison assez longue, dix épisodes d’une heure, prend le temps de poser des personnages et même si elle n’a pas le temps de les creuser suffisamment, elle est prometteuse et mérite sans doute le détour.
Le pilote commence sur l’annonce du licenciement de Mitch Kessler suite à de multiples accusations de collègues féminines à son encontre. Le journaliste star de la chaîne fictive UBA est à la tête de l’émission matinale qui a donné son titre à la série avec Alex Levy et ils ont formé un « couple parfait » pour la télévision depuis quinze ans. Cette annonce remet tout en cause et menace l’avenir de l’émission et de la chaîne, à une époque où les mauvaises conduites des hommes ne sont plus tolérées. D’emblée, The Morning Show se place au cœur de la vague #MeeToo et dénonce les comportements des hommes prédateurs avec beaucoup de force. C’est tout à son honneur et Jay Carson et Kerry Ehrin ne se servent pas simplement du sujet comme un tremplin, c’est un thème fort et transversal dans toute la saison. Sur un coup de tête, Alex Levy invite Bradley Jackson à la rejoindre dans la matinale et l’émission est bientôt présentée par deux femmes, ce qui ne calme absolument pas le débat, ni empêche le scénario de poser les questions qui fâchent. La série montre bien comment le journaliste a pu exploiter sa réputation et son influence pour forcer des femmes à avoir une relation sexuelle avec lui, mais elle décrit aussi très bien les mécanismes qui ont permis à cet homme d’agir ainsi sans être inquiété si longtemps. Petit à petit, c’est toute la chaîne qui est remise en cause, du grand patron jusqu’au moindre employé, tout le monde était plus ou moins au courant, ou en tout cas fermait les yeux. Cette première saison est un démontage en règle du sexisme quotidien et on sent que c’était l’un de ses objectifs. Le résultat est réussi, d’autant que The Morning Show évite les conclusions faciles et aborde toutes les facettes du problème.
Cette thématique transversale ne suffisait sans doute pas et les scénaristes ont ajouté une bonne dose d’histoires personnelles pour lier le tout. C’est logique, une série ne peut survivre qu’à travers ses personnages et ils ne peuvent gagner en épaisseur psychologique qu’avec des histoires personnelles. Dans cette saison, The Morning Show se concentre sur un trio, avec Alex, Bradley et Mitch au cœur des enjeux, sans oublier quelques personnages secondaires malgré tout. Alex et Bradley sont deux contraires qui doivent travailler ensemble. L’idée n’est pas très originale, mais elle paye toujours quand elle est bien menée, et c’est globalement le cas. Jay Carson et Kerry Ehrin en font parfois un petit peu trop dans le dramatique — encore un point commun avec The Newsroom au passage —, mais le casting parvient à s’en tirer. Jennifer Aniston n’est pas la meilleure du lot d’ailleurs, son jeu est assez monochrome, ce qui était peut-être voulu par rapport à son personnage à qui l’on reproche une certaine froideur, mais on a plutôt le sentiment que ce n’est pas très bien joué. En revanche, Reese Witherspoon est excellente dans le rôle de sa rivale, l’actrice s’en donne à cœur joie et son jeu est parfait, drôle quand il le faut, touchant quand c’est nécessaire. La surprise vient surtout de Steve Carell, qui sort complètement de son registre habituel pour offrir une interprétation sérieuse et plutôt courageuse d’un sale type. Grâce à eux, The Morning Show se regarde bien, même si les péripéties sont parfois un petit peu forcées et pas souvent originales. Malgré tout, la première saison avance bien et on a envie d’en voir plus, ce qui est toujours bon signe. La deuxième saison est d’ores et déjà programmée et on est curieux de voir ce que les scénaristes en feront. La série va-t-elle rester sur le phénomène MeToo, ou bien aller sur d’autres terrains ? Il y a en tout cas une bonne base pour la suite.
Cette série Apple TV+ ne remportera aucun prix d’originalité, pour sûr. Non seulement sa thématique générale a déjà été traitée par au moins une autre série avant elle, mais The Morning Show n’essaie pas de surprendre au-delà et se contente de créer des personnages définis de manière simple. Ce n’est pas nécessairement un défaut toutefois, d’autant que Jay Carson et Kerry Ehrin n’essaient pas de vendre autre choses. Ils signent une première saison assez convenue, mais plutôt bien menée malgré une ou deux erreurs de ton et une ou deux facilités. The Morning Show n’est pas (encore ?) une grande série et peut-être qu’elle ne le deviendra jamais, mais cette première saison se regarde avec plaisir.
The Morning Show, saison 2
(4 janvier 2022)
Le tournage de la saison 2 avait à peine commencé que la pandémie de Covid-19 frappait le monde de plein fouet. La production a été mise en pause, mais une série d’actualité ne pouvait pas se contenter de rester dans l’ancien monde et les scénaristes se sont remis au travail pour adapter ces dix nouveaux épisodes. Le résultat est une saison qui se déroule dans les premiers mois de 2020, alors que l’on ne parle encore que d’une maladie chinoise sans grand intérêt pour l’Américain moyen. Cette idée de coller à l’actualité est bonne, mais The Morning Show peine à la faire cohabiter avec les parcours individuels des personnages. Plus on avance dans cette nouvelle réalité et moins la série parvient à intéresser, jusqu’à un final qui tombe à plat. Dommage et cela ne donne pas tellement envie d’en voir davantage…
On voit assez facilement que la pandémie n’était pas le plan initial pour cette deuxième saison. The Morning Show reprend dans la foulée de la précédente, ou plus exactement quelques semaines après le départ d’Alex Levy, qui a claqué la porte et laissé l’émission en vrac. Bradley Jackson a été associée à un nouveau présentateur, mais la paire a bien du mal à faire remonter les audiences et Cory Ellison, désormais à la tête d’UBA, reçoit toujours plus de pression pour la virer. Tout ce train-train quotidien ressemble fort à ce que l’on avait connu sur les dix premiers épisodes, ce qui n’est pas un défaut en soi. On retrouve vite ses marques et on apprécie les nouveaux personnages, Laura Peterson en tête, avec un arc narratif apprécié avec Bradley. À défaut d’être original, ce début de saison est plaisant, mais la série portée par Apple TV+ tombe ensuite dans l’excès. Il fallait trouver un rôle pour Mitch Kessler, le présentateur scandaleux de la saison précédente, mais le placer en Italie au cœur de la vague initiale en Europe et surtout lui offrir cette fin assez grossière n’était pas la meilleure idée. Pire, le parcours d’Alex est plein d’incohérences et bien peu crédible. Il n’y a rien qui va, ni son retour que l’on ne comprend pas, ni cette fin sur fond de pandémie qui semble forcée. Le dernier épisode est à cet égard assez ahurissant, ce qui n’est pas une bonne chose, et ce qui ne donne certainement pas envie d’en voir plus.
Coller à l’actualité, c’est une bonne idée générale et The Morning Show a su le prouver avec le mouvement #metoo. Néanmoins, cela ne fonctionne pas aussi bien dans cette suite, peut-être parce que l’écriture s’est faite au cœur d’une pandémie que l’on découvrait encore. Avec le recul, la dernière séquence d’isolement pour Alex et son producteur semble totalement incongrue et il y a beaucoup trop de séquences sans masque avant cela que l’on ne croit pas plus. La série donne l’impression d’avoir basculé une première idée dans l’univers de la Covid-19, sans prendre la peine de revoir ses bases. Cela donne un mélange assez indigeste qui ne fonctionne jamais pleinement. Décevant.