Mosaic, Steven Soderbergh (HBO)

Toujours en quête de nouvelles idées, Steven Soderbergh a imaginé Mosaic non pas comme une série traditionnelle, mais comme une œuvre interactive. Avant de sortir sous la forme d’une mini-série de six épisodes, l’histoire a ainsi été proposée sous la forme d’une app mobile et interactive. L’histoire n’évolue pas en fonction des choix de l’utilisateur, mais sa découverte dépend des décisions prises, notamment en termes de point de vue. Une idée intrigante, que nous ne pouvons malheureusement pas tester, puisqu’elle est strictement limitée aux États-Unis. Dans le reste du monde, c’est une série policière assez traditionnelle qui est proposée, autour d’un meurtre et d’une enquête menée par la sœur du meurtrier présumé. Sans sa forme originale, Mosaic est une œuvre très conventionnelle, qui met un petit peu de temps à démarrer, mais qui finit par trouver son rythme, avant de s’interrompre brutalement. C’est divertissant, mais ce n’est pas non plus renversant, une série correcte sans plus, en somme.

Il reste quelques traces de cette idée originale d’interactivité dans la version présentée par HBO. La série n’est pas montée de manière chronologique, on débute avec un flash-back qui mène jusqu’au meurtre et même par la suite, Steven Soderbergh ne se contente pas de suivre une trame narrative simple. Le changement de point de vue d’un épisode à l’autre est très sensible, surtout pour les deux derniers qui alternent entre deux personnages clés sur la même période. Tout ceci est intéressant, à défaut d’être très original, et surtout ces choix de narration ne simplifient pas la compréhension, surtout pas au début. Mosaic commence de manière très confuse, on découvre des personnages et des situations sans avoir toutes les explications et on se sent vite perdu dans cet univers. Naturellement, c’est l’idée même de la série, une mosaïque d’événements à reconstituer, mais il n’empêche que c’est un argument un petit peu facile et que le spectateur, à trop s’y perdre, finit par s’ennuyer un petit peu. Fort heureusement, cette situation ne dure pas et on prend petit à petit ses marques. On suit tout d’abord une femme, la future victime, Olivia Lake, auteure à succès qui a écrit un énorme best-seller il y a une vingtaine d’années et qui peine à renouveler cet exploit. Autour d’elle, deux hommes : Joel, un jeune artiste pas très talentueux, mais bien musclé d’une part, Eric, un jeune entrepreneur un petit peu louche d’autre part. Olivia essaie de séduire le premier avant de tomber amoureuse du second, sans savoir qu’il a été envoyé pour qu’il la séduise et la convainque de vendre son terrain. Tout cela est brutalement interrompu par le meurtre d’Olivia et l’arrestation très rapide d’Eric. Quatre ans plus tard, la sœur d’Eric doute de la culpabilité de son frère et elle rouvre l’enquête pour prouver son innocence. À partir de ce moment, Mosaic trouve son rythme et la série devient nettement plus intéressante, avec une enquête pas très originale, mais bien menée et avec une montée en puissance bien entretenue. La fin est assez étrange, comme s’il manquait un épisode, mais Steven Soderbergh donne le sentiment de ne pas avoir voulu reconstituer totalement le tableau et de garder les fragments un petit peu en vrac. Au-delà de cette intention, c’est sans doute le parti pris de l’interactivité qui pèse un petit peu sur la version télévisée, moins adaptée à ce traitement parcellaire.

À l’heure des bilans, Mosaic laisse un sentiment partagé. D’un côté, on a une histoire intéressante et bien menée dans l’ensemble, portée par un casting très correct — surtout du côté féminin, avec une Sharon Stone très bien dans son personnage et aussi une mention spéciale pour Jennifer Ferrin. De l’autre, Steven Soderbergh a concentré ses efforts sur la version interactive, ce qui fait que cette déclinaison télévisée laisse parfois à désirer en termes de rythme et d’intérêt. Avec ses six épisodes d’une quarantaine de minutes, Mosaic est suffisamment courte pour ne pas tomber dans l’ennui et le cinéaste parvient toujours à maintenir l’attention des spectateurs. Mais on ne sait pas très bien que penser de cette mini-série policière et elle ne restera sans doute pas longtemps en mémoire.